Loi biodiversité : le préjudice écologique inscrit dans le code civil

L’inscription du préjudice écologique dans le code civil a été votée mardi 15 mars au soir à l’Assemblée nationale, lors de la deuxième lecture du projet de loi sur la biodiversité. Il est défini comme une « atteinte non négligeable aux éléments et aux fonctions des écosystèmes ainsi qu’aux bénéfices collectifs tirés par l’homme de l’environnement ».

Cela fait échos à l’article 4 de la Charte de l’Environnement, présente dans le bloc de constitutionnalité, et qui précise que « toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu’elle cause à l’environnement, dans les conditions définies par la loi ».

 

Qu’est-ce que le préjudice écologique ?

Né de la jurisprudence Erika, du nom du pétrolier de Total naufragé en 1999, le préjudice écologique est un principe juridique récent. Il vise à éclaircir et faciliter la réparation du dommage environnemental. Il doit être objectif et peut faire l’objet d’une évaluation qualifiée par le droit de l’environnement puis porté devant les juridictions du droit civil. Le préjudice écologique peut alors justifier réparation ou des compensations matérielles ou financières.

Deux définitions du préjudice écologique sont à retenir. D’abord, il s’agit d’un préjudice subi par l’environnement naturel sans qu’il y ait un préjudice pour l’homme ou la collectivité. La victime n’est donc plus l’homme mais l’environnement naturel. C’est une petite révolution juridique. Ensuite, ce préjudice concerne des atteintes non négligeables à l’environnement. Ce qui signifie que toutes les atteintes ne seront pas attaquables juridiquement. Car toute activité humaine porte atteinte à l’environnement : n’importe quelle construction ou n’importe quelle activité économique a un impact. Pourtant, il y a une différence entre manger de la viande de petits producteurs et pratiquer l’élevage intensif et industriel. Certaines activités remettent en cause les équilibres écosystémiques. La notion d’atteinte non négligeable est donc essentielle. Et il reviendra au juge, lors du procès, de définir au cas par cas si le dommage peut être considéré comme négligeable ou non.

 

Que va concrètement changer ce préjudice écologique ?

Il y a d’abord un aspect symbolique, mais le droit a besoin de symboles. Depuis 1804, le Code civil reconnaît comme principe fondamental la réparation d’un dommage causé à autrui. Tout fait humain qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Pour la première fois, et c’est historique, cet « autrui » n’est pas seulement une personne : cela peut-être l’environnement.

Au-delà du symbole, on peut espérer un effet pédagogique sur les entreprises. Elles pourraient être dissuadées, afin de ne pas avoir à réparer – en nature ou en payant des dommages et intérêts –, de faire telle ou telle activité. Pour autant, il ne faut pas s’attendre à une révolution juridique. Car dans les faits, le préjudice écologique existe déjà dans le code de l’environnement, sous le nom de « dommages causés à l’environnement ». L’autorité policière peut d’ores et déjà inquiéter des entreprises pour délinquance environnementale. Le droit donne déjà les moyens à la police ; par contre, la police n’a pas les moyens de faire appliquer le droit.

 

Quelle est la nouveauté alors ?

L’amendement adopté entend organiser la réparation de ce préjudice écologique par le juge civil ou pénal. Il prévoit donc des sanctions, comme des obligations de dépollution ou de restauration du milieu endommagé. Le texte donne la priorité aux réparations en nature. Les dommages et intérêts ne viennent qu’ensuite, s’il est impossible de réparer le préjudice en nature, par exemple si le procès intervient des années après que le dommage a eu lieu. Cette précision vient d’une inquiétude des mouvements écologistes d’une possible financiarisation de la nature. Les ONG notamment souhaitent que ne soit pas posée immédiatement la question délicate de la valeur économique de la nature. Car, derrière le préjudice écologique, vient un problème philosophique : peut-on réparer le vivant ?

Photo : Novethic.fr

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