Les pesticides plus que jamais sujets à débat dans l’hémicycle.

Alors que la Commission européenne à une énième fois repoussé son vote sur le renouvellement de l’autorisation d’utilisation du Glyphosate et que l’ANSES en France vient d’autoriser le sulfoxaflor, un insecticide tueur d’abeille, le débat sur les pesticides se poursuit à l’Assemblée Nationale.

 

Nicolas Hulot et Stéphane Travert veulent revoir l’autorisation du sulfoxaflor, pesticide tueur d’abeilles

Dans un communiqué publié ce vendredi 20 octobre en fin d’après-midi, Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique et solidaire et Stéphane Travert, ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, ont annoncé qu’ils « ont pris acte de la décision de l’Anses d’autoriser la mise sur le marché de deux produits phytopharmaceutiques (Closer et Transform) contenant du Sulfoxaflor. »

Ils réagissaient à la révélation par l’Union nationale de l’apiculture française, que deux insecticides dangereux pour les abeilles avaient été autorisés en toute discrétion fin septembre. Le syndicat avait pourtant alerté les pouvoirs publics sur la dangerosité de leur substance active, le sulfoxaflor, pour les pollinisateurs. Les apiculteurs soulignent également que son mode d’action est le même que pour les néonicotinoïdes et devrait être classé comme tel, alors que la loi biodiversité les interdit en France d’ici 2020.

« L’Anses a prévu des conditions et précautions d’emploi visant à minimiser les risques pour les abeilles », rappellent de leur côté les ministres. « L’Anses venant toutefois de recevoir des données complémentaires relatives aux risques du Sulfoxaflor, les deux ministres, soucieux de l’état préoccupant des populations d’abeilles et autres pollinisateurs en France, ont demandé à l’Agence d’analyser de façon prioritaire ces nouvelles données afin qu’elle soit en capacité d’indiquer au gouvernement, dans les trois mois, si elles sont de nature à modifier les deux autorisations de mises sur le marché », poursuit le communiqué.

 

Nicolas Hulot :  » Tout mettre en œuvre pour aider les agriculteurs à se saisir d’alternatives que l’INRA, notamment, possède déjà ».

Et mercredi, lors des questions d’actualité au gouvernement, Delphine Batho, députée, a interpellé le ministre de la transition écologique sur ces pesticides.

Question et réponse :

 Interdiction des pesticides

le président. La parole est à Mme Delphine Batho, pour le groupe Nouvelle Gauche.

Mme Delphine Batho. Monsieur le ministre d’État chargé de la transition écologique et solidaire, nous connaissons la difficulté de votre tâche.

Je n’ai même pas besoin de fermer les yeux pour imaginer les coulisses de certains arbitrages quand nous qui, dans cet hémicycle, avons voté la loi interdisant les néonicotinoïdes, apprenons l’autorisation en France d’un nouveau pesticide tueur d’abeilles.

Quant au glyphosate, on sait que la France n’a pas voté le renouvellement de son autorisation pour dix ans, mais il nous semble que la question n’est pas la durée du renouvellement mais l’interdiction de cette substance, comme le Parlement européen l’a voté hier.

Il semble aujourd’hui comme hier que ce soit souvent au ministre de l’écologie que l’on demande de céder du temps, alors que – vous le savez peut-être mieux que quiconque – du temps, la planète n’en a plus et, pour l’instant, ce sont les destructions qui sont irréversibles. D’ici à cinq ans, combien d’espèces auront disparu ? Combien de substances dangereuses continueront d’empoisonner nos enfants et de tuer les abeilles ?

Chers collègues, je veux alerter l’Assemblée nationale. Lundi, monsieur le ministre, vous avez déclaré à propos des fabricants de pesticides : « Il y a un moment où il faut qu’on arrête d’être naïfs. Je vais parler avec prudence parce que, croyez-moi, on se sent tous menacés par ces firmes-là et elles ont des moyens de pression que l’on subit, les uns et les autres. »

Ce n’est pas une déclaration anodine. Ici, dans la maison de la démocratie, chers collègues, quelles que soient nos positions sur ces sujets, nous ne pouvons pas accepter qu’un ministre de la République subisse des pressions de quelque firme que ce soit, surtout de Monsanto. (Applaudissements sur les bancs du groupe NG ainsi que sur quelques bancs des groupes GDR et FI.)

Ce doit être l’honneur de notre République, par-delà les sensibilités, de réagir vivement. J’appelle aussi les citoyens à se mobiliser parce qu’en dépit des efforts du ministre de l’écologie, il semble aujourd’hui qu’au plus haut niveau de l’État…

le président. Merci, madame la députée.

le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Nicolas Hulotministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la députée, je vous remercie de votre soutien. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe REM.) On en a besoin, parce que c’est un sujet de santé que dorénavant, il faut en prendre acte, on ne mettra plus sous le boisseau. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe REM.)

Nous sommes sortis de l’idée que l’on réautorisait sans autre stratégie. Nous sommes maintenant dans une stratégie de fermeté, de rationalité pour organiser d’une manière progressive mais déterminée la sortie de l’utilisation des pesticides.

Le lien de causalité entre ces pratiques et la santé n’est plus à démontrer. Nous sommes dans un cas d’école du principe de précaution. Nous n’en faisons pas régulièrement usage, mais je pense que la France se grandirait, comme elle commence à le faire, en amenant l’Europe à se saisir véritablement de ce sujet avec un seul objectif : sortir de l’ensemble des substances, parce que, quand vous en interdisez trois, il y en a deux qui rentrent.

Oui, il est important d’interdire des substances, mais le plus important est de changer les pratiques, de changer les comportements et de tout mettre en œuvre pour aider les agriculteurs à se saisir d’alternatives que l’INRA, notamment, possède déjà. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes REM, MODEM, LC, NG et FI.)

 

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