La mobilité quotidienne enfin prioritaire face aux grands projets d’infrastructures

« Rupture », c’est en substance le message que souhaitait faire passer la ministre des transports Elisabeth Borne alors qu’elle recevait le 1er février le rapport du Conseil d’Orientation des infrastructures (COI).

Le titre du rapport « Mobilités du quotidien : répondre aux urgences et préparer l’avenir » donne le ton. C’est bien là les déplacements courants des citoyens qui doivent être priorisés, constituant en cela une « rupture nette avec des décennies où la politique des transports s’est trop souvent résumée à une seule politique de grandes infrastructures » comme l’affirme la ministre. En effet, la question de la mobilité quotidienne a semblé quelque peu laissée à l’arrière-plan au profit de projets d’infrastructures s’apparentant parfois à des « dérives » selon la Ministre. Mais au-delà de cette préoccupation accrue pour les trajets quotidiens de nos concitoyens, le rapport articule également transition énergétique et maîtrise de la dépense publique.

La mobilité quotidienne se voit en effet replacée au centre de la stratégie nationale pour le transport et ses infrastructures. 20 ans après les schémas de services collectifs de la loi Voynet, il était temps. Pour guérir le « parent pauvre des politiques publiques », les co-auteurs donnent une attention toute particulière à la réalisation d’investissement substantiels concernant les nœuds ferroviaires. Ceux-ci requièrent à leurs yeux un entretien et une modernisation plus importante au regard des conséquences d’un sous-investissement chronique. D’où une congestion accrue, des retards qui s’accumulent et des équipements dont l’entretien est de plus en plus coûteux. Outre les nœuds ferroviaires, les dessertes routières des territoires les plus enclavés appellent également à une amélioration et des « investissements […] incontournables et indispensables », aux dires de la ministre.

En parallèle à cette évolution, la COI appelle à un regard plus réaliste sur les projets d’infrastructures de grande ampleur (lignes à grande vitesse, autoroutes, projet de tunnel). Si les 3 scénarios proposés sont variables dans leurs effets sur les délais, le scénario le plus contraint financièrement allant jusqu’à 2037, ils se rejoignent sur la nécessité de mener davantage de « contre-expertises » et de mieux hiérarchiser les projets dans la durée. A cet effet, si le conseil accorde de l’importance à la réalisation de la ligne ferroviaire Dijon-Modane vers le tunnel Lyon-Turin, il se montre beaucoup plus réservée sur le prolongement de la ligne Rhin-Rhône, reporté au-delà de 2038.

Par ailleurs, la problématique de la transition énergétique est d’emblée abordée par le rapport en des termes qui ne laissent place à aucune ambiguïté : « La transition écologique et la réduction des émissions de gaz à effet de serre n’est pas une option. Elle impose de repenser la mobilité et la hiérarchie des priorités d’investissements ». Plusieurs recommandations sont ainsi formulées notamment en matière d’innovation. Si des crédits d’accompagnement pour les investissements sont dirigés notamment aux véhicules routiers (véhicules électriques par exemple), ceux-ci s’appliquent également aux expérimentations dans le secteur ferroviaire (hydrogène, gaz).

Enfin, il faut saluer l’effort fait par le Conseil dans ses propositions pour maîtriser la dépense publique et s’assurer dans le même temps que le fardeau financier pesant sur les collectivités territoriales soit contrebalancé par un engagement plus important de l’Etat. Le rapport Duron (du nom du président du Conseil Phillipe Duron) recommande ainsi un co-financement à parité et un redéploiement par l’Etat d’une plus grande part de la TICPE (taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques) vers les dépenses mobilité. Si le rapport ne constitue qu’une base de travail pour le gouvernement, qui sera amené à adresser sa copie finale en avril, il constitue un réel engagement en faveur d’une remise à plat des politiques de mobilités et une meilleure prise en compte des deux objectifs-clés que sont le respect de l’environnement et la priorité accordée à la mobilité quotidienne.

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