L’accord UE-MERCOSUR : le projet qui inquiète les agriculteurs
Mercredi 21 février, à l’appel de la FNSEA et des Jeunes Agriculteurs, des manifestations ont eu lieu à travers toute la France.
Plusieurs explications à ces rassemblements. D’abord, le remaniement de la carte des zones défavorisées simples (ZDS) inquiète les agriculteurs qui craignent notamment la perte d’une partie de leur subvention européenne. La sortie programmée et progressive du glyphosate ainsi que le plan Loup sont également source de craintes pour le secteur agricole.
Enfin, un nouvel accord de libre-échange actuellement en négociation est dans tous les esprits. Après le CETA et le TAFTA, l’Union Européenne négocie avec les pays du MERCOSUR (marché commun du Sud composé de l’Argentine, du Brésil, du Paraguay, de l’Uruguay).
L’accord de libre-échange entre le Mercosur et l’Union européenne est un projet en négociation depuis l’an 2000, suspendu en 2004 et dont les négociations ont reprise en mai 2013. L’élection de Donald Trump et le retour de protectionnisme aux Etats Unis ont poussé la commission européenne à obtenir un accord avant la fin de l’année 2018. Cet accord prévoit de faciliter l’exportation de produits en provenance du Mercosur vers l’Union européenne, grâce à une réduction des droits de douanes. Aujourd’hui ces pays d’Amérique du sud exportent déjà plusieurs centaines de milliers de tonnes de viande de bœuf en Europe mais payent des droits de douane. Fin 2017, Bruxelles s’était dit favorable à une importation chaque année en Europe de 70.000 tonnes de viande bovine sud-américaine et 100.000 tonnes de sucre, le tout sans droits de douane. Mais selon les informations du Monde, l’Union Européenne serait même prête à autoriser des quotas de viandes de bœufs plus élevés, comme le réclament les Etats membre du Mercosur. Ainsi, 100.000 tonnes de viande bovine exemptés de droits de douane pourraient arriver sur le marché européen.
En échange, la Commission européenne réclame de pouvoir exporter plus facilement du lait, du fromage et du vin en Amérique du Sud, mais aussi des voitures. Pour l’heure, les négociations sont en cours.
Les craintes des agriculteurs concernent tout particulièrement l’importation massive de bœuf et notamment ses conséquences en terme de concurrence déloyale et de risque sanitaire. Car la viande bovine en provenance du Mercosur sera vendue moins chère que la viande produite en Europe. Par ailleurs, les agriculteurs sud-américains ne sont pas soumis aux mêmes normes sanitaires et environnementales que les éleveurs français ce qui peut-être considéré comme du dumping environnemental et sanitaire. Les agriculteurs redoutent donc des problèmes de qualité et de sécurité sanitaire ainsi qu’un perte de compétitivité sur un secteur déjà très impacté par la mondialisation libérale.
Au cours des négociations, la France a longtemps été l’un des acteurs principaux du blocage notamment sur la question bovine. Le ministre de l’Agriculture, Stéphane Travert, a assuré son soutien aux agriculteurs français : « Sur le Mercosur, nous l’avons toujours dit, pour ce qui concerne la filière bovine, le compte n’y est pas ».
Si le Président Emmanuel Macron a expliqué que cet accord pouvait être intéressant pour l’Union Européenne et les pays du Mercosur, c’est aussi parce qu’il pourrait être favorable à l’économie européenne et française sur d’autres segments. Où cela pose problème au plan politique, c’est quand les mêmes – dans la sphère politique, syndicale, économique et agricole – hurlent aux côté des inquiets et des mécontents alors-même que leur responsabilité dans le système est engagée de longue date. Ainsi, faire porter le problème sur le seul traité Mercosur ou autre traité pourrait révéler quelques excès voir une certaine mauvaise foi.
Pour Éric Alauzet, l’heure est à la prudence. A l’instar des traités CETA et TAFTA, ce projet d’accord de libre-échange comporte plusieurs éléments inquiétants, notamment la réduction et l’harmonisation par le bas des normes sociales, environnementales et sanitaires.