Cour des Comptes / 2015 : bilan budgétaire, tabac, nucléaire, emploi, fraude fiscale,…
Mercredi 10 février à 17h, les députés de l’Assemblée nationale, dont Éric Alauzet, recevaient, en séance, Didier Migaud, Premier président de la Cour des Comptes, à l’occasion du dépôt de son rapport annuel. L’occasion de revenir sur les résultats de la politique budgétaire du gouvernement en 2015, d’évaluer les objectifs de réduction du déficit en 2016 et de faire des remarques particulières sur des actions en cours.
Réduction des déficits publics, un processus en bonne voie
Pour l’année 2015, la Cour des Comptes a reconnu les résultats de la politique budgétaire du Gouvernement : les déficits se réduisent. Ainsi, le déficit de l’Etat est inférieur de près de 3,9 Md € aux prévisions (70,5 Md €). Cela a permis par exemple de financer les priorités, dont 800 millions redéployés contre le terrorisme. Sur le plan économique, la reprise a été effective en 2015 (+1,1%). L’objectif du Gouvernement (1%), arrêté à l’été 2014 est atteint et même dépassé.
Pour l’année 2016, la Cour des Comptes estime que l’objectif de réduction du déficit public à 3,3% du PIB en 2016 est atteignable. Le Gouvernement semble avoir intégré les dépenses de sécurité en cours du débat parlementaire sur la loi de finances pour 2016, sans remettre en cause l’objectif de réduction du déficit. S’agissant du déficit structurel, il a atteint en 2015 son niveau le plus bas depuis 15 ans puisqu’il a été réduit de plus de moitié depuis 2011 (-1,7% versus -4,4%). En 2016, il devrait continuer de se réduire pour atteindre -1.2%.
Ce qu’il faut retenir des principales remarques de la Cour des comptes
Finances publiques, centrales nucléaires, lutte contre le tabagisme, fraude fiscale… Comme chaque année, la Cour des comptes distribue ses bons et mauvais points lors de son rapport annuel, publié mercredi 10 février.
Lutte contre le tabagisme : 1,3 million de fumeurs en moins
La Cour salue le chemin que prend la lutte contre le tabagisme, elle qualifie le plan cancer III de « volontariste ». Le programme du gouvernement veut faire baisser le nombre de fumeurs quotidiens de 10 % (soit 1,3 million de fumeurs en moins) d’ici 2019. Pour ce faire, le gouvernement a travaillé sur trois grands axes : éviter aux jeunes d’entrer dans le tabagisme, aider les fumeurs à arrêter et agir sur l’économie du tabac. Sur le plan de l’action sur l’économie du tabac, l’augmentation du prix du paquet semble fonctionner, même s’il est impossible de mesurer la contrebande.
Maintenance des centrales nucléaires : 4,4 milliards d’euros
Vieillissant, le parc nucléaire français demande de plus en plus d’investissement dans sa maintenance pour maintenir la productivité des centrales, voire prolonger leur durée de vie. Ces dépenses d’investissement « ont évolué lentement jusqu’en 2007 (…) en raison de la priorité donnée par EDF à ses investissements internationaux », note la Cour des comptes, jugeant ce niveau « insuffisant pour répondre aux besoins du parc ».
De 1 milliard d’euros en 2007, elles ont bondi à 4,4 milliards en 2014. La Cour estime à 100 milliards d’euros, d’ici à 2030, le besoin de financement « pour maintenir le parc actuel en état de répondre à la consommation électrique et aux normes de sûreté nucléaire, durcies après la catastrophe de Fukushima ».
La réduction du déficit largement alimentée par les hausses d’impôts
Si l’augmentation a été stabilisée, la dette publique reste très élevée, à 96,5 % du produit intérieur brut (PIB). Un niveau qui n’est pas prêt de diminuer puisque les budgets de l’Etat continueront à être en déficit, avec un déficit de 3,8 % du PIB en 2015. L’objectif de passer sous la barre des 3 % (critère européen) d’ici à 2017 est encore loin. La trajectoire est toutefois positive et l’Etat réduit peu à peu son déficit. Elle pointe toutefois que cette réduction a été largement alimentée par les hausses d’impôts, surtout en 2011, 2012 et 2013. Ce n’est qu’en 2015 que les économies de l’Etat ont majoritairement contribué.
La lutte contre la fraude fiscale : des progrès à confirmer
La Cour des Comptes rappelle que la fraude représente une perte de 20,5 à 25,5 milliards d’euros pour le budget de l’Etat chaque année, dont près de la moitié sur les seules fraudes à la TVA. S’ils saluent des efforts accrus dans la lutte contre ce phénomène, notamment au niveau international, mais aussi via plusieurs évolutions législatives en France, les conseillers de la rue Cambon formulent également des critiques.
En premier lieu, ils pointent la multiplicité des cellules et organismes de lutte contre la fraude, et leur coordination parfois peu efficace, malgré des progrès dans le domaine. Ils évoquent notamment les problèmes qui peuvent se poser entre procédures judiciaires et contrôle fiscal. Surtout, la Cour des comptes pointe un problème d’articulation entre échelon national et local.
Contrats de génération : un dispositif encore loin des objectifs fixés
C’est un contrat qui comprend 2 volets : la négociation d’accords collectifs (ou l’élaboration de plans d’actions) dans les entreprises de plus de 50 salariés et une aide financière pour les entreprises de moins de 300 salariés qui recrutent un jeune en CDI et maintiennent ou recrutent un salarié âgé. D’ici 2017, le Gouvernement annonçait la création d’environ 500 000 contrats.
Finalement, ces objectifs se révèlent totalement surévalués. Dans les entreprises de moins de 300 salariés, environ 50 000 contrats de génération ont été conclus depuis 2013, concernant près de 100 000 jeunes et seniors, avec 15 000 contrats signés en 2015. Dans les entreprises de 300 salariés et plus, ce sont environ 14 000 entreprises qui sont aujourd’hui couvertes par un accord collectif ou un plan d’action sur le contrat de génération couvrant plus de 5 millions de salariés.
La Cour des comptes a considéré que le contrat de génération est un dispositif complexe dont les entreprises ne se sont pas suffisamment saisies. Trop compliqué, les modalités d’application dépendant de la taille des entreprises, le dispositif peine à attirer les entreprises, qui tiennent d’abord à s’assurer de leur stabilité. Si le Gouvernement n’envisage pas de revenir sur le contrat de génération, on pourrait imaginer des adaptations et un meilleur accompagnement, ou alors l’objectif des 500 000 contrats en 2017 ne sera jamais atteint.
(Principales remarques à partir d’un article Le Monde.fr)
Autres remarques : http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2016/02/10/ce-qu-il-faut-retenir-du-rapport-de-la-cour-des-comptes-2016-en-7-graphes_4862552_4355770.html
Le rapport : https://www.ccomptes.fr/Accueil/Publications/Publications/Rapport-public-annuel-2016
Intervention de Didier Migaud en séance pour le dépôt du Rapport à l’Assemblée nationale.
SEANCE PUBLIQUE DEPOT RAPPORT CC 2015 100216.pdf