Budget 2016 : Vers des financements de la transition énergétique, les énergies renouvelables et le logement.
Représentant du groupe écologiste à l’Assemblée nationale et membre de la commission des finances, Éric Alauzet a souhaité réagir à la présentation du projet de loi de finances 2015 :
« D’abord, je me réjouis de la baisse d’impôt à hauteur de 2 Md€, ce sont 8 millions de ménages – de la classe moyenne entre 1500 et 3500 € de revenus mensuels – montants à préciser) – qui vont en bénéficier en 2016 » comme il s’était déjà félicité il y a un an de « la baisse d’impôts de 3,2 milliards qui a amélioré le pouvoir d’achat de 9,45 millions de ménages – des salariés et des retraités plus modestes que ceux qui sont concernés cette année – grâce à la suppression de la première tranche du barème de l’impôt ».
« C’est donc au total 5 milliards – dont une grande partie issue de la lutte contre l’évasion fiscale et le redressement fiscal des repentis (voir autre article) – qui ont été mobilisés et « restitués » au titre du Pacte de solidarité en faveur d’une politique de la demande. Si on y ajoute les 10 milliards de pouvoir d’achat apportés par la baisse du prix du baril de pétrole, c’est 15 milliards qui seront dédiés à la politique de la demande sans compter les milliards du pacte de responsabilité qui, mieux orientés, vont générer également de l’activité et de la demande dans différents secteurs qui finissent par toucher les ménages à un titre ou à un autre (augmentation des salaires, formation, investissement, emploi comme l’a indiqué le premier rapport d’évaluation) ».
Et le député de poursuivre sur la question écologique et du financement de la transition énergétique dans la perspective de la COP 21 : il souligne que « la part de la Contribution au Service Public de l’Électricité (CSPE) destinée au tarif de rachat des énergies renouvelables passerait de 4,1 à 4,8 M€, soit une augmentation de 700 M€ auxquels on doit ajouter le 500 M€ supplémentaires sur le Crédit d’Impôt pour la Transition Énergétique CITE soit un accroissement du financement de la transition énergétique de 1,2 Md€ à mettre en parallèle de la baisse de 90 M€ du budget de l’écologie ».
L’élu reprend également les propos positifs du Ministre des finances indiquant que « la trajectoire d’augmentation de la Contribution Climat Energie (CCE) et d’autres mesures environnementales seraient traitées en loi de finance rectificative ». Et ici se pose la question du diesel dont le député espère la confirmation de l’augmentation de 4 centimes du diesel poids lourd votée en Loi de finances 2015 pour palier à la suppression de l’écotaxe ».
Enfin concernant la question difficile de la baisse des dotations aux collectivités locales, il tient à signaler « les efforts importants qui sont faits pour limiter les impacts négatifs sur la baisse des investissements ». Déjà en 2015 la Dotation d’équipements aux collectivités rurales (DETR) avait été augmentée d’un tiers, de 600 à 800 M€, ce qui a permis à nombre de communes rurales de maintenir en 2015 leur niveau d’investissement. « Nous avions alors bataillé pour flécher ce fonds vers la transition énergétique, le logement et les équipements publics mais cela n’avait pas été possible. Et bien cette fois ce sera chose faite avec la création pour 2016 d’un « fonds d’aide à l’investissement local » non plus de 200 M€ mais de 1 Md€, oui un milliard d’euros ».
La première moitié, soit 500 M€ sera destinée aux communes de moins de 50 000 habitants et à leurs Intercommunalités. L’autre moitié, aussi pour les communes et les Intercommunalités sera fléchée vers les projets de : « rénovation thermique, de transition énergétique, de développement des énergies renouvelables, de mise aux normes des équipements publics ; de développement d’infrastructures en faveur de la mobilité ou de la construction de logements, de réalisation d’hébergements et d’équipements rendus nécessaires par l’accroissement du nombre d’habitants ».
A ce milliard d’euros de soutien financier aux collectivités, il faut ajouter la possibilité pour les collectivités locales de récupération de la TVA (FCTVA) pour les « dépenses d’entretien des bâtiments publics ». Jusque-là seule la construction neuve était éligible. « Il n’est pas possible à ce stade de mesurer l’impact financier précis mais c’est une recette supplémentaire à coup sûr. Outre l’intérêt financier, c’est une mesure qui participe à la transition énergétique par la requalification des bâtiments existants (économie d’énergie et d’espace…) ».
« Ces dispositifs en faveur du budget des communes, de l’investissement local dans la transition énergétique ne doivent pourtant pas faire oublier que l’investissement n’est pas par essence vertueux, utile et durable, même dans les collectivités, et que les baisses de dotations permettront d’étudier les économies à anticiper dans les fonctionnements des investissements réalisés. En tout cas, le fonds d’aide à l’investissement s’inscrit dans ce sens ».
« Il faut dire également que le Gouvernement tente par ces dispositifs de limiter ici et là l’impact de la baisse dangereuse des dotations tout en maintenant l’affichage des 50 milliards d’économie, tout en réussissant à imposer à Bruxelles le report à deux reprises de l’objectif des 3%, d’abord de 2013 à 2015 puis de 2015 à 2017 ».
UN AUTRE POINT DE VUE SUR LE BUDGET (MEDIAPART)
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Ecologie : un budget 2016 aberrant
PAR JADE LINDGAARD ARTICLE PUBLIÉ LE SAMEDI 3 OCTOBRE 2015
Le projet de budget 2016 sur l’écologie organise l’exact contraire de ce que dit Ségolène Royal. Combien de temps François Hollande et le gouvernement pourront- ils continuer à prétendre promouvoir une France « exemplaire » sur le climat et faire, chaque jour, l’inverse ?
Les chiffres de la destruction de notre milieu de vie feront-ils un jour autant scandale que les chiffres du chômage de masse ? Entendra-t-on un jour un chef de l’État français promettre la main sur le cœur d’inverser la courbe des morts de la pollution et du climat ? Il y a de quoi douter, face au silence qui accompagne la publication du projet de loi de finances sur l’écologie et le climat.
Tour de passe-passe sur l’aide publique au développement, et donc le financement du climat (lire notre article). Non-rattrapage du privilège fiscal du diesel – taxé quinze centimes de moins que l’essence, à 47 centimes par litre au lieu de 62. Réduction du budget de la mission Écologie, développement et mobilité durablede 100 millions d’euros (de 6,59 milliards à 6,49 entre 2015 et 2016, voir tableau ci-dessus), qui s’accompagne d’une baisse du schéma d’emplois. Plafonnement des taxes affectées aux agences de l’eau, à l’IRSN (les experts en sûreté nucléaire), et du Fonds national de gestion des risques en agriculture. Diminution de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques affectée à l’Agence de financement des infrastructures de transport, notamment chargée de l’entretien du ferroviaire et des transports collectifs urbains – et déjà privée des ressources de la défunte écotaxe. Prélèvement de 90 millions d’euros sur le fonds de roulement de l’Ademe (sur 590 millions d’autorisation d’engagement en 2015).
Open bar, en revanche, pour financer la candidature de Paris aux Jeux olympiques grâce à la hausse des prélèvements sur la loterie et les paris. Le climat ou les jeux, le choix a apparemment été fait.
Quelques articles l’ont noté, en passant. Des ONG ont protesté. Mais les commentateurs y sont restés indifférents. Aucun responsable politique n’a élevé la voix, à l’exception d’Emmanuelle Cosse, la secrétaire nationale d’EELV, mais dont le parti est tellement discrédité et affaibli par les déchirements internes qu’il est devenu inaudible. Pire encore : le gouvernement ne cherche même pas à se montrer cohérent. Le 25 septembre, Ségolène Royal déclare (sur Europe 1) qu’« il ne faut plus avantager le diesel, c’est évident ».
La semaine suivante, on ne l’entend pas sur ce budget qui fait le contraire de ce qu’elle dit. Pas même une augmentation d’1 centime sur le litre de diesel – qui serait indolore alors que les cours du pétrole sont historiquement bas. Alors que la pollution de l’air, notamment due aux particules fines et au dioxyde d’azote des moteurs au gasoil, tue 40 000 personnes chaque année, et que son coût est évalué à plus de 100 milliards d’euros chaque année par le Sénat.
Autre aberration : le sort réservé à la contribution climat énergie, qui est la composante carbone des taxes intérieures sur la consommation des produits énergétiques. La loi de transition énergétique vient de voter le principe de son augmentation progressive et annuelle pour atteindre 56 euros la tonne en 2020 puis 100 euros en 2030. Mais cette « trajectoire carbone » ne se retrouve pas dans le projet de loi de finances du gouvernement.
Pire, Christian Eckert, le secrétaire d’État au budget, a déclaré en conférence de presse que cette décision n’était pas arbitrée : « Le gouvernement étudie une possible évolution de la trajectoire de la fiscalité écologique. Le travail est en cours et le projet de loi de finances rectificatif de fin d’année devrait proposer des évolutions pour ce sujet. »
Une loi a été adoptée par les parlementaires, validée par le Conseil constitutionnel, mais le gouvernement n’est toujours pas sûr de vouloir vraiment mettre en place la mesure qu’il vient de faire voter pour rendre de plus en plus cher le CO2. Quel niveau de contradictions de ses dirigeants une démocratie peut-
elle accepter ? Le dérèglement climatique n’est pas une plaie tombée du ciel. Il provient de l’émission de gaz à effet de serre, à commencer par le plus répandu d’entre eux, le CO2. Combien de temps François Hollande et le gouvernement pourront-ils continuer à prétendre promouvoir une France « exemplaire » sur le climat et faire, tous les jours, l’inverse ?