Airbnb : le Ministre de l’Action et des Comptes Publics interrogé lors des Questions au Gouvernement.

Airbnb, plateforme communautaire payante de location et de réservation de logements de particuliers, a été créée en 2008.  Moins de dix ans après son lancement en 2008, cette figure de l’économie partagée s’est imposée comme un acteur majeur du secteur du tourisme. Son impact économique est évalué à 6,5 milliards d’euros en France, en 2016. Ce poids économique s’explique par l’engouement des Français pour la plate-forme, qui a attiré 8,3 millions de voyageurs en 2016. Une performance, car, en 2016, la destination France a perdu plus de deux millions de touristes étrangers, notamment en raison de la menace terroriste.

 

Accusée de concurrence déloyale par les hôteliers,  pointé du doigt par de nombreuses villes pour qui l’essor des plates-formes de location contribue à créer une pénurie de logements, la plateforme américaine est aujourd’hui dans la tourmente.

Ainsi, si Paris est à ce jour le premier marché d’Airbnb au monde, les instances de la ville ont mis en demeure la société américaine. En effet, depuis le 1er décembre, tout loueur de meublé touristique doit être enregistré et son numéro d’enregistrement figurer sur l’annonce en ligne afin de vérifier que les propriétaires ne dépassent pas la durée limite légale de location de 120 jours par an. Les plates-formes sont tenues de leur côté de désactiver toute annonce sans numéro. La Ville pointe ainsi quelque 1.000 annonces sur Airbnb

Par ailleurs, Airbnb est aujourd’hui au cœur d’une polémique. En effet, certaines pratiques du groupe permettent notamment aux propriétaires louant des biens sur la plate-forme d’être rémunérés non pas directement sur leur compte en banque mais, pour ceux qui le souhaitent, d’être payés au moyen d’une carte de crédit rechargeable, Payoneer, émise depuis Gibraltar, sur laquelle les paiements sont réalisés dans la plus grande opacité. Il s’agit là d’une astuce légale pour échapper au fisc.

Après ces révélations, Gérald Darmanin ainsi que le Ministre de l’Economie, Bruno le Maire avaient pris la décision de convoquer les dirigeants d’Airbnb, lundi 11 décembre.  A l’issu de ce rendez-vous, Emmanuel Marill, directeur France du site de locations temporaires, s’est engagé à ce que Airbnb « renonce à toute utilisation de la carte prépayée Payoneer sur le marché français ».

C’est dans ce contexte que mardi 12 décembre, Gérald Darmanin a été interrogé lors des Questions au Gouvernement :

le président. La parole est à Mme Anne-Christine Lang, pour le groupe La République en marche.

Mme Anne-Christine Lang. Ma question, à laquelle j’associe Sylvain Maillard et mes collègues parisiens, s’adresse au ministre de l’action et des comptes publics. La plateforme Airbnb a profondément bouleversé le parc locatif en France, et notamment à Paris, où elle revendique 65 000 hébergements.

Cette nouvelle économie correspond sans conteste à des besoins et à une évolution des usages qu’il ne s’agit pas de décourager. Néanmoins, étant donné l’ampleur du phénomène et ses conséquences sur la spéculation immobilière, le dépeuplement du centre de Paris et la perte évaluée à 20 000 logements pour les Parisiens, il est urgent de réglementer cette activité.

Fabien Di Filippo. Les Parisiens parlent aux Parisiens !

Mme Anne-Christine Lang. C’est ce à quoi se sont employés à la fois l’État et la maire de Paris en mettant en place un numéro d’enregistrement qui permettra aux collectivités de répertorier les biens, en limitant le nombre de nuitées à 120 à Paris, en renforçant les contrôles et en instaurant plus d’équité fiscale – grâce à un amendement porté par notre collègue Joël Giraud lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2017, les collectivités pourront augmenter la taxe de séjour sur les hébergements non classés.

Je comptais, monsieur le ministre, vous interroger sur le rendez-vous d’hier avec le directeur d’Airbnb France, mais vous avez déjà répondu. Pour ne pas lasser notre auditoire…

Fabien Di Filippo. Trop tard, c’est déjà fait !

Mme Anne-Christine Lang. … j’élargirai donc ma question et vous interrogerai sur l’état de vos réflexions sur la fiscalité des plateformes reposant sur l’économie du partage, hors plateformes d’hébergement, qui présentent de nombreuses spécificités et auxquelles les particuliers recourent de plus en plus pour les biens et les services. (Applaudissements sur les bancs du groupe REM.)

le président. La parole est à M. le ministre de l’action et des comptes publics.

Aurélien Pradié. Ne nous lassez pas, monsieur le ministre !

Gérald Darmaninministre de l’action et des comptes publics. Madame la députée, je me garderai bien d’exprimer une opinion sur la relation entre Mme la maire de Paris et la plateforme Airbnb. Toutefois, je sais que Julien Denormandie a reçu le directeur d’Airbnb. Il travaille avec les collectivités locales – pas seulement la Ville de Paris – pour répondre aux interrogations légitimes que vous soulevez tout en tenant compte de l’évolution des modes de consommation, en particulier en matière d’hébergement.

J’ai répondu à M. Mattei précédemment au sujet de la carte prépayée, mais je suis heureux de vous redire que la convocation par M. le ministre de l’économie et des finances a porté ses fruits puisque cette carte va être retirée.

La question de la taxe de séjour a occupé une partie de nos jours et de nos nuits lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative. Cette taxe, désormais plafonnée, devra légitimement être versée par chacun aux collectivités locales. Les difficultés que connaît aujourd’hui la Ville de Paris avec différentes plateformes seront réglées puisque, dès l’année prochaine, l’échange d’informations sera automatique et obligatoire. Les collectivités locales pourront donc vérifier les informations. L’administration fiscale sera évidemment à leur disposition pour répondre à leurs interrogations.

S’agissant de la fiscalité de ces plateformes, et plus généralement du numérique, Bruno Le Maire travaille activement pour qu’une fiscalité européenne soit mise en place. L’objectif n’est pas de décourager la nouvelle économie – il faut vivre avec son temps et avec les nouveaux usages – mais de faire payer aux plateformes un impôt qui soit juste et proportionnel à la richesse qu’elles créent en France.

Pierre Cordier. Cela changera !

Gérald Darmaninministre. Nous avons eu l’occasion sur ce sujet de montrer notre détermination…

Fabien Di Filippo. Pas très grande !

Gérald Darmaninministre. …et, dans les prochains jours, nous continuerons à défendre la richesse produite en France et le juste impôt payé en France. (Applaudissements sur les bancs du groupe REM.)

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