Eric Alauzet interroge la Ministre des solidarités et de la santé sur l’avenir des professions paramédicales.

Mardi 12 décembre à 11h, Eric Alauzet a posé une QOSD (Question Orale Sans Débat) à Agnès Buzyn, Ministre des solidarités et de la santé sur les incertitudes concernant l’avenir de certaines professions paramédicales en milieu hospitalier, parmi lesquelles les infirmiers, orthophonistes et les masseurs-kinésithérapeutes.

Le Député était déjà intervenu à de nombreuses reprises lors de son précédent mandat sur ces sujets, notamment par le biais de QE (Questions Écrites) ou de courriers à la Ministre de la santé et au Premier Ministre afin de les alerter.

M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet, pour exposer sa question, n29, relative aux professions paramédicales en milieu hospitalier.

M. Éric Alauzet. Madame la ministre des solidarités et de la santé, je souhaite vous interroger sur les incertitudes concernant l’avenir des professions paramédicales en milieu hospitalier, en particulier dans le champ de la rééducation : orthophonistes, masseurs-kinésithérapeutes, ergothérapeute, psychomotriciens, et même, dans un autre domaine, les infirmiers.

L’entrée en vigueur, le 3 novembre 2017, du décret relatif à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé a introduit une notion d’accès partiel aux soins et permis l’arrivée de nouveaux métiers en milieu hospitalier. Dans un contexte où les professionnels de la rééducation souffrent d’une reconnaissance insuffisante, de rémunérations trop faibles et de réduction d’effectifs, une telle évolution tend à accréditer l’idée d’un transfert de tâches. Si tel est le cas, il apparaît nécessaire d’expliciter le projet hospitalier des soins paramédicaux.

Cette évolution soulève en outre des interrogations, voire sème la confusion sur la responsabilité de chaque professionnel et la lisibilité des soins par les patients hospitalisés et leurs familles : qui fait quoi ? La délimitation de tâches ne sera-t-elle pas trop difficile à établir et surtout à respecter dans l’organisation et la vie quotidienne des établissements ? Les établissements médicaux risquent d’être confrontés à une démobilisation des professionnels de la rééducation qui, découragés, pourraient fuir vers le secteur libéral. Il en résulterait une paupérisation des professions paramédicales à l’hôpital. À titre d’exemple, le décret du 11 août 2017 a officialisé le reclassement salarial à bac + 3 pour plusieurs professionnels de santé, dont les orthophonistes, titulaires d’un diplôme bac + 5. Cette décision se traduit par une perte de revenus de 3 228 à 10 068 euros par an, selon leur ancienneté, pour les orthophonistes dans la fonction hospitalière. Pour les masseurs-kinésithérapeutes, elle a entraîné en 2017 une toute petite augmentation de salaire, de 79 euros brut en moyenne.

Quelles mesures doivent être prises pour pérenniser, non seulement l’existence de ces professionnels, mais surtout leurs compétences particulières, qui sont très utiles à ces établissements ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Mme Agnès Buzynministre des solidarités et de la santé. Monsieur le député, je sais et comprends parfaitement les inquiétudes que la présentation du décret du 2 novembre a pu susciter auprès des professionnels de santé. Il est important pour moi de réaffirmer devant vous que je serai particulièrement attentive aux conditions de déploiement de l’accès partiel au sein de notre système de santé.

Le processus d’examen des dossiers des demandeurs donnera lieu à l’expression d’un avis par chaque commission compétente, mais aussi par l’ordre compétent. Ce second avis, non prévu par la directive européenne, a été prévu par le Gouvernement afin de renforcer le processus d’analyse des dossiers. Un décret en Conseil d’État a précisé les conditions et modalités de mise en œuvre. Les dossiers devront être examinés au cas par cas.

Votre seconde interrogation porte sur la situation de certaines professions paramédicales en milieu hospitalier, à la suite du décret du 9 août 2017 procédant à leur reclassement indiciaire en catégorie A. Un tel reclassement aurait dû être effectué beaucoup plus tôt. Aussi, il convenait de réexaminer la situation afin de favoriser l’attractivité des professions et le recrutement au sein de la fonction publique hospitalière. Cette revalorisation est échelonnée sur trois ans et doit aboutir en 2020. Le gain de rémunération pour les orthophonistes, par exemple, sera loin d’être négligeable, puisque cette réforme catégorielle coïncide avec les revalorisations indiciaires prévues par le protocole PPCR – parcours professionnel, carrières et rémunérations. Leur rémunération brute, qui comprend le traitement et les primes, augmentera ainsi de plus 300 euros au premier échelon, et de plus de 500 euros en fin de carrière.

M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Merci, madame la ministre, pour ces précisions. J’ai bien noté votre vigilance concernant l’accès partiel et la nécessité de maintenir les compétences à l’hôpital, ainsi que les efforts réalisés pour augmenter la rémunération de certains professionnels qui ont fait trois, quatre ou cinq ans d’étude et peuvent être tentés de partir dans le privé, beaucoup plus rentable.

Je tiens à compléter mon propos en me référant à un rapport du Sénat, qui mettait en garde contre « l’arrivée de métiers sous-qualifiés qui conduirait à une paupérisation de l’accès aux soins, allant à contre sens de l’universalité de notre système de santé censé garantir un égal accès aux soins pour tous ». Le 5 octobre 2017, la commission des affaires sociales du Sénat a supprimé les dispositions introduisant un accès partiel aux professions de santé, en considération des risques pesant sur la cohérence, la qualité et la sécurité de notre système de soins. Votre vigilance est donc tout à fait de mise.

Enfin, s’agissant des rémunérations, j’ai surtout évoqué les professionnels exerçant dans le champ de la rééducation, mais les infirmiers sont particulièrement concernés. Ils craignent que cette évolution ne conduise à la désorganisation de notre système de santé et à la « parcellisation » du savoir et des compétences, ce qui semble aller à l’encontre du processus de réingénierie des formations d’infirmier : d’un côté, on essaie de revaloriser et de redéfinir ces métiers ; de l’autre, l’accès partiel conduira à leur fragmentation. Certes, des délégations et des transferts de tâches sont envisageables ; sur le principe, ce n’est pas choquant. Mais il importe que chacun ait une vision claire de l’avenir de notre système de santé.

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