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Stratégie régionale biodiversité

Portrait Michelle Rivet

Intervention Michelle Rivet.

Nous avons évoqué de manière générale l’importance de la biodiversité et les politiques régionales pour la préserver ou la restaurer. Je voudrais de mon côté parler de l’importance spécifique de la biodiversité pour l’économie.
En effet elle n’est souvent abordée que sur le plan de la disparition des espèces et des écosystèmes sans lien apparent avec la réalité économique.

Les activités les plus dépendantes de la biodiversité restent l’agriculture et la pêche.
La modernisation de l’agriculture dans notre pays a conduit à l’invention de systèmes d’abord favorables à la biodiversité. L’exemple type en est le bocage dont le 2ème en importance se trouve dans notre région, celui du Boischaut. Le bocage a permis une intensification de l’élevage tout en augmentant la biodiversité naturelle par rapport aux paysages de landes qui pré existaient.
Le bocage est toujours utile comme source de bois, d’abri pour les animaux domestiques, de refuge pour les auxiliaires des cultures, de protection des cultures contre les vents dominants. Il a acquis une valeur paysagère et touristique.
Mais face à des atouts difficilement mesurables, il y a l’évidence du coût de son entretien et le bocage disparaît.

C’est le problème récurrent pour la biodiversité : son intérêt se mesure sur le moyen et long terme quand les agriculteurs sont soumis à la pression du court terme.

Ainsi au cours des siècles se sont-ils attachés à enrichir la vie du sol pour le cultiver. Ils ont choisi d’élever les ruminants parce qu’ils transformaient de l’herbe en lait et viande grâce au fonctionnement microbiologique de leur
panse.

Cette alliance avec les écosystèmes naturels s’est dégradée avec l’industrialisation de l’agriculture. Cette évolution cherche à gommer la biodiversité car il s’agit de maîtriser les processus vivants plutôt que les utiliser.
Il faut garder en mémoire la crise de la vache folle avec les farines animales incorporées à l’alimentation des ruminants pour se figurer les dangers potentiels de cette évolution. 
Quant aux cultures, on préfère les alimenter par les engrais et les protéger par les pesticides. A l’extrême on se passe du sol pour produire industriellement des tomates insipides.

L’impact en terme de coût induits de cette agriculture s’amplifie :
L’un des plus préoccupants pour la biodiversité mais aussi pour l’agriculture est la baisse des insectes pollinisateurs, avec les mortalités récurrentes des abeilles.

La pollinisation de nos plantes cultivées dépend de ces insectes, qui sont des marqueurs de la biodiversité. Ces pollinisateurs sont importants pour les rendements en grandes cultures, mais surtout il sont cruciaux pour la fructification et les arboriculteurs ne peuvent se passer de ce service gratuit. Cependant ils sont obligés de le faire dans des régions de Chine où la pollinisation des poiriers se fait avec un coton tige.

Il est donc primordial de trouver et valoriser d’autres itinéraires techniques. Et c’est le cas de ceux de l’agriculture biologique ou, à un moindre niveau, de formes d’agriculture durable comme l’agriculture intégrée : elles s’appuient
au contraire sur la vie microbiologique des sols et la biodiversité pour produire.

Conserver la biodiversité domestique est donc aussi un enjeu économique.
Si les écosystèmes naturels sur lesquels s’appuie l’agriculture se réduisent, la biodiversité domestique est également menacée par la sélection excessive à seule visée de production quantitative et d’adaptation à l’industrie agro alimentaire. 
Le combat des agriculteurs pour conserver le droit de semer leur propre récolte s’inscrit dans un combat général de préservation de la biodiversité domestique. Toutes les productions sont concernées et nous avons en Région Centre des association actives de la Coordination Nationale des Semences Fermières à celles de protection des anciennes races et anciennes variétés (comme l’URGB). Ces variétés obsolètes aujourd’hui fourniront peut être des solutions demain dans le contexte des changements climatiques par exemple.

Mais il s’agit d’abord pour les agriculteurs de garder leur indépendance à travers ce droit millénaire de ressemer leur récolte. Mais ce geste est aussi le garant de la conservation de variétés adaptées à leur terroir et à génomes très diversifiés...

Les enjeux sur l’alimentation mondiale sont fondamentaux. Il n’est pas innocent que les firmes multinationales de l’alimentaire concentrent leurs efforts sur le contrôle des semences. La production d’OGM en est une illustration : concentrée principalement sur les plantes qui fondent la nourriture de l’humanité (mais, soja, riz), l’offensive pour imposer les OGM est une offensive contre la biodiversité et pour le contrôle des multinationales sur l’alimentation planétaire.

Les paysans qui ressèment cultivent la biodiversité tout en conservant pour eux plus de marge sur leurs produits. 

La biodiversité c’est aussi de la valeur ajoutée.
Je rappelle que pour obtenir un bon fromage, il faut de bons ferments dans le lait ; pour produire le lait une vache ou une chèvre doit manger une herbe de bonne
qualité provenant de prairies à flore variée de préférence : à tous les niveaux du cycle la diversité des espèces, leur interaction avec le milieu et entre elles sont présents et indispensables au système économique permettant la vente du fromage. Ce type de processus naturels et gratuits basés sur la diversité microbiologique est à la base des produits les plus emblématiques de notre gastronomie : fromages, vins, charcuterie etc... Une plus value économique incontestable nécessaire à la pérennité de nombre de productions et de savoir faire locaux.
Et dans notre région ils ne manquent pas..

 

Session du 21 Octobre 2010
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Communication : Stratégie régionale pour la biodiversité