Pour un véritable développement durable du territoire en région Centre
Intervention de Jean Delavergne.
Le schéma régional d’aménagement et de développement du territoire (SRADT) est un des dispositifs de la loi Voynet de 1999. Cette démarche, si elle est menée avec rigueur, est tout à fait conforme à ce que les écologistes préconisent : réfléchir sur les enjeux d’évolution de nos sociétés à moyen et long terme pour mieux orienter les politiques publiques et répondre aux urgences en préparant l’avenir.
Nous voudrions d’abord nous féliciter du lancement en région Centre de ce travail et particulièrement de l’organisation de cette rencontre avec le CESR dont les travaux de prospective sont souvent très éclairants. Nous voudrions aussi remercier les services de la région pour le gros travail déjà engagé… et par avance pour tout ce qui nous reste à faire.
Mmes et Ms,
Nous sommes aujourd’hui confrontés à de grands défis qui nécessitent de faire évoluer très sensiblement nos modes de pensée et nos cadres de référence :
- nous ne sommes plus à l’époque des 30 glorieuses où la notion d’aménagement du territoire est apparue dans un contexte de forte croissance économique, d’énergie abondante, de ressources naturelles préservées et de domination du monde par les puissances occidentales.
- Dans les premières décennies du XXI° siècle, nos sociétés sont fortement impactés par la mondialisation libérale de l’économie provoquant délocalisations des activités et déménagement des territoires, tandis que nos modes de production et de consommation, nos modes de vie plus généralement, vont être de plus en plus fortement interrogés sur leur compatibilité avec la préservation de notre environnement.
Face à ces défis il se trouve essentiellement deux types de réponse : l’utra-libéralisme et l’écologie.
Les libéraux tirent argument de la concurrence de plus en plus sauvage entre les entreprises, les hommes et les territoires (concurrence qu’ils n’ont cessé d’appeler de leurs voeux) pour préconiser la démolition systématique de toutes les formes de solidarité ( entre les générations : loi sur les retraites ; comme entre les territoires : réforme des collectivités locales…) qui avaient été progressivement mises en place au XX° siècle. Ils n’ont que le mot compétitivité à la bouche et celle-ci est réduite le plus souvent pour eux à la compétitivité par les prix, par l’abaissement des revenus salariaux et des services publics. On
sait bien à qui profite cette politique : en terme de territoires, elle favorise plutôt Neuilly que le Berry, plus généralement elle accroit les inégalités et loin d’être une réponse à la mondialisation de l’économie, elle en aggrave les impacts
déjà très problématiques. Les libéraux ne peuvent considérer les questions environnementales que comme une « charge » supplémentaire, source de pertes
de compétitivité : pour beaucoup de libéraux donc, à commencer par le
premier d’entre eux, « l’environnement ça commence à bien faire ! »…
A cette logique libérale de la compétitivité à tout prix, à ces politiques destructrices pour le lien social, la santé, l’environnement et l’équilibre des territoires, les écologistes opposent un projet de plus en plus global et cohérent. Ce projet a vocation à l’universel, il est planétaire, mais les écologistes n’attendent pas le grand soir ou la révolution mondiale pour le mettre en oeuvre. Déjà de nombreux citoyens, en région Centre comme ailleurs, se sont engagés dans des initiatives de transformation de nos modes de production, de consommation, d’habitat, de transport,…Il s’agit maintenant de promouvoir des politiques publiques qui puissent conforter et généraliser ces avancées et cela à tous les échelons, Européen, National, Régional, comme local,..
Pour les écologistes il n’y a pas d’antagonisme entre la nécessité du développement économique et sociale de nos territoires et la préservation de la qualité de vie et de l’environnement naturel.
Le travail sur le SRADDT va être conduit dans notre région en cohérence avec l’élaboration de deux autres documents de référence : le « plan Energie-Climat régional » d’une part, et la « Stratégie régionale Biodiversité » d’autre part. Pour être vraiment « durable » le SRADT devra être conforme aux engagements pris dans ces deux autres documents en matière de préservation de l’environnement.
Cela ne doit pas être perçu seulement comme des contraintes supplémentaires mais surtout comme de véritables opportunités de développement local.
Fixer des objectifs très exigeants à 10 et 40 ans en matière d’efficacité énergétique c’est offrir de bien plus vastes possibilités de chantiers aux artisans de nos territoires qu’avec des projets irresponsables de développement du nucléaire mais c’est aussi prévenir les graves problèmes sociaux qui découleront du renchérissement inévitable de l’énergie.
De même, protéger la biodiversité c’est garantir une bonne partie de nos ressources économiques (Pascale Rossler rappelle souvent que 40 % de notre économie repose sur la biodiversité et ce n’est pas seulement l’apiculture qui en dépend). Mais la biodiversité c’est aussi essentiel pour le bien vivre et la santé. La définition des trames vertes et bleues sera donc un outil efficace d’aménagement.
Mais pour assurer développement économique, qualité de vie et protection de l’environnement il ne suffit pas d’accumuler des politiques sectorielles, il faut encore s’assurer de leur cohérence et en cela l’échelle transversale des territoires est décisive.
Il est plus que temps de remettre en cause les effets pervers de certains modèles de développement économique pour nos territoires : flux tendus et multiplication des camions sur les routes, agriculture productiviste et pollution des nappes phréatiques, multiplication des zones d’activité dévoreuses d’espace naturel et agricole, impacts sur la santé… … la liste serait longue des effets pervers de schémas de développement archaïques. La modernité aujourd’hui c’est au contraire de travailler à la relocalisation des activités, au développement de l’économie circulaire, au recyclage, à la réparation,… aux circuits courts producteurs d’emplois non délocalisables, facteurs de lien social et économes en ressources naturelles.
A une croissance économique de plus en plus illusoirement basée sur des facteurs exogènes nous opposons la perspective de territoires vivifiés par un développement endogène s’appuyant prioritairement sur les ressources
locales et les confortant. Nous devons donc affirmer de véritables priorités en matière d’ aides économiques : développer les conditionnalités sociales, stimuler la reconversion écologique de nos PME, impulser la mise en place de nouvelles filières par exemple dans les éco-matériaux , les énergies renouvelables, les modes déplacements doux…
La question de l’aménagement du territoire est aussi, et peut-être d’abord, une question d’organisation de l’espace.
De ce point de vue également il nous semble nécessaire d’avoir prioritairement un positionnement ouvert mais fondé d’abord sur nos propres ressources : nous ne pensons pas que le salut soit à attendre prioritairement de notre intégration
dans le grand bassin Parisien. Bien évidemment la proximité de l’Ile de
France peut-être dans certains domaines une opportunité mais cela peut être aussi une source de graves dysfonctionnements si l’on n’y prend garde : nous n’avons aucun intérêt à transformer toute la région Centre en grande banlieue de Paris !
Certains semblent aussi regretter que la région ne dispose pas d’une grande métropole capable de rivaliser avec d’autres à l’échelle internationale. Pour nous au contraire il nous parait nécessaire de conforter et de valoriser un équilibre encore très vivable entre deux grandes agglomérations, un réseau de villes moyennes et tout un maillage de bourgs et de villages, le tout restant à une échelle humaine avec beaucoup d’espaces naturels et agricoles préservés. Les mégalopoles ne sont pas le seul avenir possible de l’humanité et nous n’avons pas à faire de complexe : dans le cadre d’organisation spatiale équilibré qui est celui de notre région nous pouvons sans doute trouver moins difficilement des solutions durables en terme d’urbanisme et d’équilibre ville-campagne.
Encore faut-il que nous adoptions des politiques novatrices.
En ville, depuis les dernières élections municipales, les projets d’éco-quartiers sont presque partout enclenchés et permettent d’expérimenter de nouvelles exigences. Mais c’est à l’échelle des villes et surtout des agglomérations que devraient se travailler de véritables projets d’éco-cités si l’on ne veut pas s’en tenir seulement à des expérimentations. Les agendas 21 et les SCOT devraient y concourir : on doit encore constater pourtant, malgré un certain nombre d’avancées, que lorsqu’on passe des belles déclarations d’intention aux réalisations concrètes on est encore trop souvent très loin du compte. Faut-il évoquer le projet pharaonique de l’Arena à Orléans en plein zone inondable, en limite de zone natura 2000 ? Faut-il revenir une fois de plus sur la zone d’Ozans dans l’agglomération de Châteauroux qui doit stériliser 500 ha de bonnes terres cultivables ?
Nous devons à l’opposé profiter de l’échelle encore très vivable de nos villes pour lutter contre l’étalement urbain et développer des politiques foncières permettant le développement de logements durables, la préservation de zones naturelles, et l’installation d’agriculteurs capables de satisfaire la forte demande de produits de qualité de proximité. Nous devons aussi accorder une place décisive à la lutte contre tout ce qui peut ressembler à la relégation sociale et à la ségrégation spatiale, nous sommes résolument pour des politiques qui permettent de développer la mixité urbaine, mixité des fonctions, mixité des habitats, mixité des publics.
Nos campagnes sont soumises, elles, au défi de la désertification et à la nécessité de préserver la qualité de l’eau, de la biodiversité et des paysages. L’agriculture est à un tournant décisif : ce n’est pas l’écologie qui menace le monde agricole et ce ne sont tout de même pas les écologistes qui sont responsables du fait qu’il n’y ait plus que 25000 exploitations en région Centre (2007) ! Ce qui est à l’ordre du jour ce n’est pas à notre avis d’afficher des titres de gloire comme le fait que la région Centre serait « le grenier de l’Europe », mais de nous préoccuper sérieusement de savoir comment, compte tenu de la réforme de la PAC, les agriculteurs vont pouvoir s’adapter. Il est impératif qu’ils puissent vivre décemment de leur activité tout en répondant à la demande sociale de disposer d’une alimentation de qualité et de préserver l’eau et la biodiversité. Il est impératif aussi de maintenir sur notre territoire régional le plus grand nombre d’exploitations sources d’emploi et de vie locale. Au delà des questions agricoles, il est sans doute besoin aussi de renouveler nos politiques de développement rural en s’appuyant plus directement sur les initiatives
citoyennes et pas seulement sur celles des notables locaux. Mais Michelle Rivet, reviendra sans doute sur ces questions.
La question des transports est également une question clef de l’aménagement du territoire : pour nous l’époque n’est plus à la construction de grandes cathédrales de transport dévoreuses d’espaces naturels. Nous nous opposons de la façon la plus déterminée aux projets d’autoroute aussi bien entre Orléans et Chartres qu’en ce qui concerne le contournement Est de Tours. En matière ferroviaire nous estimons que la priorité c’est d’assurer une amélioration du service et un développement de l’offre pour tous ceux qui peuvent utiliser le TER, en particulier pour leurs trajets quotidiens domicile-travail. De la même façon nous continuerons à dénoncer le soutien apporté aux liaisons aériennes low-cost, productrices de GES et grosses consommatrices de financements publics.
Même si cela ne dépend que peu des Conseils régionaux, nous devrons aussi défendre dans le SRADDT le rôle déterminant des services publics dans l’aménagement du territoire. Face à la tentation de priver de nombreuses zones rurales et urbaines de tout accès à des services de proximité, nous devons au contraire affirmer que les services de santé, de l’éducation nationale, des postes, … font partie des éléments du bien vivre qui confortent nos territoires et en assurent l’attractivité. Les services publics posent indirectement aussi la question décisive qui est celle de la « gouvernance » comme on dit maintenant, la question du pouvoir et de la démocratie.
A notre époque, l ’aménagement du territoire et le développement local passe obligatoirement par la décentralisation, la démocratie participative et le soutien aux initiatives citoyennes. De ce point de vue la réforme des collectivités territoriales va exactement dans le sens inverse des besoins en recentralisant les décisions : par exemple en privant d’autonomie les Régions en matière fiscale et en subordonnant les futures élus territoriaux à un mode d’élection qui empêchera d’avoir une approche globale et cohérente à l’échelle régionale.
Nous devons au contraire donner l’exemple dans ce SRADDT d’une consultation la plus large possible des habitants de la région : pas seulement avec les « grands élus » (départements et agglos) mais surtout faire en sorte que de nombreux responsables associatifs, des personnes attachées à la qualité de vie sur nos territoires puissent s’emparer de ce débat. Nous souhaitons qu’en plus des forums territoriaux, organisés dans les bassins de vie, des rencontres plus thématiques et plus approfondies puissent avoir lieu que ce soit sur la question de la transformation écologique des activités économiques, les enjeux énergétiques et de la biodiversité ou encore sur les problèmes des transports et ceux des services publics.
Mmes , Mrs,
Pour assurer la vitalité et la viabilité de nos territoires, il faut sortir des schémas du passé. Il faut penser que nous n’avons pas trois planètes pour nourrir le monde de demain, et que quelque soit la durée de nos mandats, nous n’avons pas le droit d’avoir une stratégie à courte vue. Ce n’est qu’en choisissant de répondre aux défis du moyen et du long terme que nous serons en mesure d’apporter des réponses durables aux urgences du présent.