Dans une rentrée troublée… une session du conseil régional très « Verte »
Intervention de Jean Delavergne.
Monsieur le Président,
Vous nous proposez un débat d’actualité sur « la rentrée en région Centre ». Cette rentrée, dans toutes les régions, est avant tout marquée par la très grave crise sociale que traverse notre pays.
Crise sociale d’abord au sens des difficultés croissantes que vivent nos concitoyens alors que le chômage continue à se situer à des niveaux très élevés (8,6% au 2° trimestre 2010 contre 9,3% au niveau national) et que la précarisation de l’emploi ne cesse de s’amplifier.
Mais aussi crise sociale du fait du conflit que le gouvernement a réussi à déclencher : par son refus de toute négociation sur la réforme des retraites, il a fait se lever un des plus formidables mouvements sociaux que la France ait connu.
Les querelles sur les chiffres des manifestants sont dérisoires : tous ceux qui ont un peu l’habitude des manifestations ont bien vu qu’il s’agissait de manifestations exceptionnelles tant par leur ampleur que par leur renouvellement ou encore par la diversité des participants. Les sondages malgré leur limites, et parfois les manipulations dont ils sont l’objet, montrent tout de même que la plus grande partie de l’opinion publique (71% BVA-15 sept) rejette le caractère injuste, inéquitable, dangereux de la réforme du gouvernement
Sarkozy et soutient le mouvement syndical.
Au delà des retraites, l’ampleur du soutien à la contestation révèle un mécontentement voir une exaspération beaucoup plus large et profonde. C’est une véritable « colère sociale » qui s’exprime, un véritable raz le bol des inégalités et des injustices sociales. L’affaire Woerth-Bettencourt a exposé au grand jour les turpitudes politico-financières, au point que le gouvernement lui-même doit reconnaître aujourd’hui que le bouclier fiscal, dispositif phare du quinquennat est «devenu un symbole d’injustice».
Puisque le thème proposé pour ce débat d’actualité est celui de la rentrée et de la formation. Je veux dire un mot de l’entrée massive des jeunes dans le mouvement social. Et dire très clairement que nous nous réjouissons de voir des jeunes s’engager dans un tel mouvement. Europe Écologie et les Verts n’ont pas appelé les étudiants et les lycéens à entrer dans le conflit : ce n’est pas ainsi que les choses se passent.
Les jeunes veulent un avenir, pas la précarité, un vrai travail,… pas une succession de stages et de petits boulots, un vrai salaire avec une vraie retraite à la clé. La jeunesse, pleinement concernée par cette réforme qui lui bouche tout
avenir et l’accès au marché du travail, s’est lancée dans la bataille depuis le jeudi 14 octobre dans la Région Centre comme dans toutes les régions de France.
Nous considérons qu’il est sain, qu’il est encourageant de voir un grand nombre
de jeunes prendre en main leur avenir. Alors même que les niveaux d’études
se sont fortement élevés beaucoup de jeunes savent combien il sera difficile
pour eux de trouver un emploi stable : ils sont plus que d’autres confrontés à
la précarité et aux bas salaires.
Pendant ce temps, ce gouvernement :
- Supprime des postes de surveillants dans les collèges et les lycées,
- Supprime 16 000 postes de professeurs en 2010,
- Remplace des vrais postes de professeurs dans les établissements par des étudiants sans statut, sous-payés.
Ce même gouvernement permet qu’à 16 ans on peut aller se faire exploiter dans les stages, devenir auto entrepreneur ou aller se faire tuer en Afghanistan mais il ne serait pas autorisé pour ces jeunes de manifester leur hostilité de mesures
contraires à leur avenir !!!
Mais ce qui est rassurant, et je dirai dans une certaine mesure rafraîchissant dans une société vieillissante, c’est de voir beaucoup de jeunes se soucier non seulement de défendre leurs intérêts mais aussi de se mobiliser sur des valeurs : solidarité, justice sociale, mais aussi valeurs démocratique, refus de tout ce qui peut ressembler aux exclusions, à la discrimination, à la recherche de boucs émissaires.
Si la rentrée est avant tout sociale, il faut aussi prendre en compte le rejet, en particulier dans la jeunesse, de la politique nauséabonde de gesticulation sécuritaire du gouvernement. Comme certains pourraient croire que je m’éloigne
d’un débat d’actualité sur la région Centre je voudrais revenir un moment sur l’instrumentalisation politicienne et populiste qui a été faite des incidents de Saint-Aignan en juillet dernier.
M Sarkozy a affirmé fin septembre (à Vézelay) qu’il avait été « choqué par les événements qui s’étaient produits à Saint-Aignan, en Loir-et-Cher», et que c’est cela qui l’aurait « amené à prononcer le fameux discours de Grenoble ». Or tous les observateurs savent que le discours de Grenoble s’inscrit dans une stratégie
de reconquête de l’opinion agitant une fois de plus l’amalgame immigration-insécurité.
Comme Saint-Aignan est en région Centre je veux dénoncer la grossièreté de la manipulation : les gens du voyage en cause dans les incidents de Saint-Aignan sont des français, détenteurs de la même nationalité que tous ceux qui siègent dans cette salle et pouvant sans doute pour beaucoup d’entre eux se réclamer de cette nationalité depuis bien plus de générations que M Sarkozy. Je ne fais pour ma part aucune différence entre les français de souche, comme les gitans de Saint-Aignan et les Français qui ont acquis plus récemment leur nationalité mais je veux dénoncer les amalgames : ceux qui aujourd’hui croient pouvoir se refaire une santé politique en jouant avec des transgressions diffusent de fait le sale venin de la xénophobie et du racisme. Oui cela sent mauvais ! Et quand dans le même temps un ministre est condamné pour avoir tenu des propos racistes et
qu’il reste en poste, cela sent même très mauvais !
Faut-il s’étonner dans ces circonstances que trois mois plus tard un préfet sur le départ en rajoute encore une couche en s’en prenant lui à la presse ? Une telle mise en cause de journalistes par un préfet, pour justifier sans doute sa propre impuissance à faire régner l’ordre public, est un pur scandale et c’est au moins aussi scandaleux de voir des élus de la République applaudir ce dérapage verbal : décidément cela sent très très mauvais !
Et bien, c’est aussi le refus de cette remise en cause des valeurs fondamentales du pacte social qui est en arrière-fond des mobilisations, en particulier de la jeunesse : quand beaucoup de jeunes- et des moins jeunes- se mobilisent, c’est aussi contre les dangers que représente pour la démocratie les manipulations populistes du pouvoir.
Revenons maintenant au Conseil Régional.
Dans un contexte financier très difficile, nous pensons nécessaire de mettre en oeuvre des priorités très claire en pleine adéquation avec les orientations que les électeurs ont approuvé en mars dernier.
Le contexte financier est le résultat de la tentative d’asphyxie des collectivités
locales par le gouvernement.
Ces attaques du gouvernement contre les collectivités locales relevaient de la même logique que celles contre les retraites. Alors même que le libéralisme est responsable du krach financier qui nous a plongé dans une crise économique et sociale sans précédent, les libéraux Français qui nous gouvernent veulent en profiter pour aller encore plus loin dans leur entreprise de destruction du contrat social mis en place à la libération. En ce qui concerne les collectivités locales, il s’agit d’abord de tenter de réduire systématiquement tout ce qui peut contribuer à défendre des biens collectifs, des services publics, pour laisser le plus de place possible aux multinationales avides de s’emparer de secteurs
potentiellement très rémunérateurs ; il s’agit aussi en s’attaquant à leurs finances d’affaiblir leur poids politique des collectivités qui apparaissent comme des contre-pouvoirs.
Le gouvernement veut donc transférer aux collectivités locales, et en particulier aux régions, ses propres difficultés financières, héritées en particulier des cadeaux fiscaux qu’il a réalisé depuis 2006 : bouclier fiscal, défiscalisation des heures supplémentaires, baisse de la TVA dans la restauration, suppression de la Taxe Professionnelle,….
Dans ces conditions, nous le verrons cette après-midi, l’élaboration du budget régional devient extrêmement difficile. Mais le groupe Europe Écologie pense qu’il est tout de même possible de maintenir le cap d’une politique ambitieuse,
en conformité avec les engagements pris devant les électeurs : la majorité de gauche et écologiste doit s’en tenir aux priorités qui ont été définies et sur cette base savoir faire de vrais choix.
Les rapports qui vont être étudiés lors de cette session sont la traduction de cette volonté politique : développement de l’économie verte régionale, plan énergie-climat, stratégie régionale pour la biodiversité, agenda 21 régional, développement du ferroviaire, politique de santé et de prévention…
C’est une session très « verte » qui s’ouvre ce matin ! A l’heure où les engagements du Grenelle de l’environnement sont abandonnés les uns après les autres par le gouvernement, la Région Centre, elle, commence à faire entrer dans les actes les engagements pris.
Nous voulons, en Région Centre, accompagner le développement de l’économie verte, dont tout le monde affirme aujourd’hui qu’elle est susceptible de créer des milliers d’emplois : nous allons le faire avec la création d’un fonds destiné à accélérer les investissements dans les domaines des filières vertes. Cette mise au premier plan de la convergence entre économie et écologie, va aussi se retrouver dès la semaine prochaine dans le 1° forum thématique du SRADDT consacré à la « transformation écologique de l’économie ».
Nous voulons en Région Centre, prendre sérieusement en main la question de l’énergie et du climat.
Nous le verrons tout à l’heure à l’occasion de la communication présentée par Gilles Deguet sur le Plan Climat-Énergie avec l’objectif très ambitieux mais nécessaire de réduire nos émissions de GES de 40% d’ici dix ans.
Nous en verrons aussi la traduction dans les orientations budgétaires avec la mise en oeuvre d’un Plan d’Efficacité Énergétique dans les lycées doté de 15 M€ par an. Nous utiliserons toutes les possibilités financières disponibles pour pérenniser et développer l’offre ferroviaire.
Nous voulons en Région Centre, prendre aussi au sérieux les décisions de l’ONU concernant la préservation de la biodiversité. Pascale Rossler lancera aussi cette après-midi le processus d’élaboration de la stratégie régionale pour
la Biodiversité. Il ne s’agit pas seulement de protéger les « petites fleurs et petits oiseaux » comme on l’entend encore trop souvent, mais bien de préserver l’environnement humain, cette nature qui nous assure gratuitement bien des services aujourd’hui menacés par la 6° extinction des espèces : d’abord les conditions de la santé humaine, mais aussi de nombreux services économiques comme la pollinisation que les abeilles assurent, mais aussi l’attractivité de nos territoires,…
Nous voulons en Région Centre mettre en oeuvre et approfondir l’Agenda 21 adopté voilà plus d’un an. Cela passe en particulier aujourd’hui par l’élaboration d’un Schéma de Développement et d’Aménagement du Territoire qui soit vraiment « durable », « soutenable », tant pour notre environnement naturel que pour les hommes et les femmes de notre région. Nous montrerons en particulier que la dimension de la santé et celle de la prévention devra être à l’avenir mieux prise en compte dans cette démarche. Nous chercherons aussi à mettre l’accent sur les zones qui peuvent paraître les oubliées du développement que ce soient les zones rurales en voie de désertification ou les quartiers de
grands ensembles où le sentiment de relégation continue à se développer.
Nous disons aussi très clairement pour notre part que les électeurs ne nous ont pas élus pour soutenir des projets qui ne respectent pas nos valeurs et qui ne constituent aucunement des priorités régionales : Autoroutes que ce soit dans l’Eure-et-Loir ou l’Indre-et-Loire, ARENA à Orléans, Ozans à Chateauroux, Ryanair à Tours, future zone du Breuil en Loir et Cher… Nous disons qu’en période de restrictions budgétaires tous ces « éléphants blancs » ne devraient plus être à l’ordre du jour : ils coûtent cher en finances publiques et relèvent pour nous de modes de développement archaïques et périmés.
La sortie de crise économique et sociale passe par un nouveau modèle de développement qui mettant la protection et la valorisation de notre environnement à une place de choix et reposant nécessairement sur une réduction des inégalités sociales. Les questions d’environnement sont non seulement des problèmes qu’il devient urgent de prendre en compte sérieusement mais leur prise en compte est également une partie de la solution
aux problèmes économiques et sociaux que nous rencontrons.
Plus tôt et plus vite nous entamerons cette conversion écologique et sociale de notre société et moins le tournant sera difficile à négocier : c’est en faisant de la région Centre une Éco-Région que nous assurerons au mieux l’avenir et la qualité de vie de nos concitoyens. C’est tout le sens de nos travaux aujourd’hui :
Face à la désespérance suscitée par l’autisme de ce gouvernement, nous pouvons redonner espoir et confiance en l’avenir en sachant marier en Région environnement, démocratie et solidarité.