Budget primitif 2013
Intervention de Jean Delavergne
Contexte
L’UE s’enfonce dans la récession et alors que la transition écologique et sociale pourrait être un véritable chemin de sortie de crise, on prend au contraire prétexte des difficultés économiques pour différer la prise en compte sérieuse des enjeux écologiques.
Rappel : Une situation économique qui découle de la libéralisation échevelée des systèmes financiers depuis 30 ans :
o Libéralisation que l’UE a accompagnée
o Mais le cœur du pb ce n’est pas l’Europe mais la pensée ultralibérale en Europe comme ailleurs à partir des années 80 : cf GB :
Ces derniers mois des progrès sensibles ont été réalises au niveau de l’UE en faisant jouer un rôle plus grand à la BCE ( rachat illimité des dettes des Etats : cela a calmé les marchés financiers au moins temporairement) et en mettant en place une union bancaire.
Mais les progrès sont trop lents, pas à l’échelle des défis qui exigent qu’on aille vers une Europe fédérale, en donnant les moyens à l’UE de devenir un véritable bouclier anti crise et un acteur majeur du green-deal :
Catastrophique de voir qu’on s’oriente au contraire vers une baisse des moyens budgétaires de l’UE, que c’est le type de raisonnement à courte vue illustré par le FN dans cette assemblée, que défendent à Bruxelles de plus en plus les gouvernements européens « I want my money back ».
Soyons clairs, la question des moyens financiers, s’il est décisive n’est pas cependant pour nous la seule qui vaille
Nous écologistes sommes depuis toujours des partisans de la chasse aux gaspillages. Et en période de crise nous pensons encore plus nécessaire d’être très vigilants sur l’utilisation optimum des ressources financières.
Mais pour faire des choix d’avenir, encore faut-il avoir une boussole et une analyse sérieuse de la situation dans laquelle nous sommes.
Certains semblent, y compris au niveau national, n’avoir aucune perspective historique. Pour eux, la croissance économique aurait toujours connu des fluctuations plus ou moins fortes; la crise que nous traversons ne serait donc qu’une mauvaise phase d’un cycle économique, seulement un peu plus difficile que d’autres. Ce ne serait qu’un mauvais moment à passer et puis la croissance reviendrait comme avant. Il suffirait de faire le dos rond et d’attendre que la main invisible nous ramène la prospérité.
En réalité on sait bien depuis les années 1930 et les leçons de Keynes que les mécanismes du marché seuls peuvent très bien maintenir un état de sous-emploi durable et que dans ces conditions des politiques d’austérité ne peuvent que contribuer à aggraver la spirale de la dépression.
Il ne s’agit surtout pas de dire pour autant que les bonnes vieilles recettes Keynésiennes qui ont fonctionné pendant les 30 glorieuses suffiraient aujourd’hui. Nous ne croyons pas qu’une bonne relance par la consommation surtout si elle se déroulait dans un cadre étroitement national pourrait suffire aujourd’hui.
Alors le politique ne peut-il plus rien ? Doit-on accepter la fatalité du déclin économique, des reculs sociaux et des catastrophes écologiques à venir ?
Nous croyons au contraire comme de nombreux autres observateurs (Jeremy Rifkin …) que la crise est fondamentalement le signe de l’épuisement d’un modèle de développement basé entre autres sur un gaspillage éhonté des ressources naturelles. Dans un monde de 9MM d’habitants où beaucoup de peuples accèdent progressivement aux mêmes niveaux de vie que les nôtres, la perpétuation d’un tel modèle est impossible. On ne peut pas consommer de manière durable l’équivalent de deux planètes quand on n’en a qu’une à notre disposition. Ce qui est devant nous ce sera, de gré ou de force, un autre développement nettement plus sobre et nettement plus efficace dans l’utilisation de ressources naturelles, en quantité limitées sur la planète. Si on veut parler y compris en terme de productivité et donc de compétitivité c’est en particulier sur cet axe, alliant sobriété, efficacité et renouvelables, qu’on distinguera demain les économies qui seront en avance et celles qui auront pris du retard empêtrées dans les vielles solutions et les vieilles recettes.
Nous pensons qu’au niveau régional nous avançons modestement mais réellement dans cette voie, j’aurais l’occasion de le montrer en analysant ce budget 2013. Mais disons le clairement nous sommes extrêmement inquiets sur le flou, les contradictions, les pas en arrière parfois de la politique mise en œuvre par le gouvernement.
Nous allons participer en Région avec détermination au grand débat sur l’énergie que va ouvrir le gouvernement. Mais comment ne pas voir après la révélation des nouveaux surcoûts de l’EPR que c’est un gaspillage irresponsable d’argent public que de continuer dans la voie du nucléaire au lieu par exemple de concentrer les efforts financiers d’abord sur les économies d’énergie dans les logements existants ? Faut-il évoquer aussi les projets d’une autre époque comme celui de Notre Dame des Landes ou de la LGV Lyon-Turin ?
Comment comprendre qu’alors que la fiscalité écologique est toujours repoussée à plus tard, le pacte de compétitivité s’accompagne de nouvelles hausses sensibles de TVA sur des produits phares de la transition écologique comme le transport ferroviaire ou la rénovation des logements ?
Comment comprendre les baisses à venir des dotations aux collectivités locales ?
Comment comprendre les baisses de soutien à des associations qui jouent un rôle clef au niveau social ou écologique ?
Nous venons par exemple d’être alerté par Nature Centre sur la diminution des aides de l’Etat pour les actions d’éducation à l’environnement 2013.
Pourquoi ce qui est possible en Région - des compromis intelligents et dynamiques au sein de la majorité - ne l’est pas ou du moins pas assez au niveau national ?
Sans doute parce que le rapport de forces politiques n’est pas le même. Mais il serait tout de même désespérant de penser que la politique ne serait qu’affaire de rapports de force… Nous faisons appel au cœur et à la raison de nos partenaires socialistes. M le Président, M le député, chers collègues, faites remonter, svp, qu’une autre voie est possible que celle de la désespérance, faites remonter que les écologistes sont toujours prêts à s’y impliquer avec courage. Mais si ce n’était pas le cœur et la raison qui finissaient par l’emporter, comme vous avez déjà pu le constater sachez bien que nous ne resterons pas inertes, rajoutant de la désespérance à la désespérance : nous sommes et nous serons mobilisés y compris contre ce gouvernement s’il le faut chaque fois que nous jugerons que l’on tourne le dos à l’avenir.
Le BP
Revenons maintenant à la Région.
Je l’ai dit ce qui nous désole c’est que nous prouvons ici qu’il serait possible de faire autrement au niveau national. Mois après mois, ensemble, au sein de cette majorité plurielle nous sommes en mesure de trouver des compromis dynamiques. Nous ne prétendons pas que ce sont les points de vue des écologistes qui l’emportent, mais nous parvenons réellement à aller de l’avant ensemble en cherchant comment combiner nos visions du développement de la Région.
Illustrons donc avec ce BP 2013 comment en Région la question de la transition écologique avance.
Certains ont sans doute cru il y a deux ans que nous nous contenterions d’élaborer de beaux schémas régionaux par exemple sur l’énergie ou la biodiversité sans que cela prête trop à conséquence sur les politiques réellement menées. Eh bien ils doivent aujourd’hui se rendre compte qu’il n’en n’est rien et qu’en même temps qu’étaient définies les stratégies, les choses bougeaient aussi dans les politiques concrètes.
Lorsque Gilles DEGUET a proposé de mettre un niveau d’exigence élevé dans l’appel à projet adressé aux organismes de logement social pour l’efficacité énergétique, certains ont imaginé que cela n’aboutirait à rien et que compte tenu du caractère très ambitieux de l’appel a projet, nous n’aurions pas de projets ou très peu. Le résultat pratique c’est au contraire que nous aurons en 2013 en région Centre sans doute un des projets de rénovation énergétique de logements sociaux les plus ambitieux au niveau national ( 1400 logements en BBC rénovation) et qu’il a même fallu pour cela obtenir une dérogation pour pouvoir consacrer un peu plus que les 4% du FEDER qui était un maximum fixé. Même s’il y avait du scepticisme au départ, le président et les collègues de la gauche ont fait ce qu’il fallait pour que ce beau projet voit le jour car nous y retrouvions tous nos valeurs qu’elles soient écologiques ou sociales.
De même la Région a su mettre en place plusieurs outils financiers au service de l’économie verte tel que le prêt bonifié « Prévéo », appuyé sur les fonds européens de la banque européenne d’investissement et disposant de 300 M€ pour accompagner les entreprises dans le domaine des énergies renouvelables. Nous espérons nous aussi que cette mesure trouvera une réelle dynamique, porteuse d’emplois en 2013.
Dans les lycées, en matière d’efficacité énergétique vous vous rappelez la décision de cette majorité de consacrer 15M€/an. Là encore il risquait bien de n’y avoir qu’une belle orientation mais que l’action réelle reste modeste compte tenu des difficultés. Chantal Rebout et Jean-Philippe Grand, en faisant adopter le contrat de construction durable ont fait en sorte, avec le soutien de l’ensemble de la majorité, d’assurer la mise en œuvre d’objectifs conformes au PCER. Là encore belle ambition écologique mais aussi possibilité demain de réduire les coûts et aujourd’hui soutien à l’économie du BTP...
Mais si la question énergétique joue un rôle décisif dans la transition écologique, nous ne souhaitons pas cependant nous y cantonner.
Pour nous il est vital de s’appuyer sur les initiatives citoyennes partout sur les territoires car nous savons que partout il y a des gens prêts à se mobiliser pour innover, chercher d’autres voies de développements face à l’épuisement du modèle encore dominant. C’est ce que fait Michelle Rivet avec le dispositif Idées en Campagne : et nous pouvons affirmer aujourd’hui que c’est une réussite.
Enfin, la stratégie régionale pour la biodiversité qu’a fait adopter Pascale Rosler se traduit non seulement dans les politiques qu’elle met en œuvre à travers par exemple le dispositif AMBRE mais aussi comme vous le savez c’est la décision prise lors de notre dernière session de consacrer désormais 5% des contrats territoriaux à préserver et développer la biodiversité.
Est-ce que nous sommes dans le monde des bisounours ? certainement pas ! Si nous apprécions les positions récentes prises par le président sur le dossier de l’Arena, nous souhaitons bien sur rappeler notre opposition à certains projets ineptes comme ceux de la zone d’Ozans dans mon département ou à certaines dépenses indues comme celles que nous imposent les vols low-cost à Tours. Ce sera la raison de notre amendement.
Nous en profiterons aussi pour mettre sur la table la nécessité de faire un pas sérieux en avant dans la maîtrise du foncier en créant comme prévu dans le SRADDT, un Etablissemnt Public Foncier Régional.
Mais nous voulons affirmer ici notre disponibilité pour travailler dans les prochaines semaines et les prochains mois sur l’élaboration d’un nouveau Schéma Régional de Développement Économique, Social et d’Innovation. Il nous semble qu’à cette occasion nous pouvons encore franchir une nouvelle étape pour l’accompagnement des entreprises de la région dans la transition écologique. J’ai évoqué lors du débat d’orientation budgétaire l’économie circulaire, la nécessité de travailler de façon renforcée sur les eco produits, sur les économies de matières premières et d’énergie, sur la valorisation des sous-produits, sur les renouvelables, sur la réparation,... Nous demandons qu’en plus de ce qui a déjà été mis en place avec Proveo, ou dans les dispositifs en faveur de l’artisanat par exemple, de vraies priorités soient instaurées dans le sens de la transition écologique, dans tous nos dispositifs d’aide économique.
Nous souhaitons aussi que soit réaffirmé le rôle essentiel de l’économie solidaire. Nous pensons en particulier que dans le domaine de l’ecoconstruction comme dans celui du bio, des associations défrichent de nouveaux procédés de fabrication et de nouveaux dispositifs de commercialisation et ils contribuent à la formation de nouvelles compétences. Nous ne devons donc pas accepter que l’expression dans cette enceinte de petits conflits d’intérêt privés viennent freiner notre soutien à ces activités innovantes. Nous devons au contraire soutenir pleinement l’épanouissement dans la Région des capacités des entrepreneurs sociaux qui sont au service de l’intérêt général.
Mesdames et Messieurs, toutes ces mutations nécessitent un gros travail en amont : il est toujours difficile de faire émerger le nouveau. Cela nécessite de faire des paris sur l’avenir et donc de prendre des risques. Mais n’est-ce pas là le rôle de la gauche ?
Nous nous nous réjouissons qu’à la région on ait compris que l’écologie puisse donner du sens à la gauche. Nous ne pouvons qu’espérer que cette compréhension soit demain plus largement partagée.