Accueil Les 9 élu-es du groupe écologiste Charles Fournier Bilan 2011 de la coopération internationale

Bilan 2011 de la coopération internationale

Portrait Charles Fournier

Intervention de Charles Fournier. 

Monsieur le Président, chers collègues vice-présidents et conseillers régionaux,

La lecture de cette communication laisse entrevoir la richesse et la diversité des actions conduites ou soutenues par la région. Ce rapport d’activités n’est d’ailleurs pas exhaustif de l’action internationale de la région, puisque dans d’autres politiques régionales et je pense en particulier à l’action éducative dans les lycées, nous concourrons aussi aux objectifs d’ouverture, d’éducation interculturelle et à l’encouragement à la mobilité. 

Ce rapport met aussi en évidence l’entendue des domaines sur lesquels nous avons mis l’accent. Chaque action pris isolément est porteuse d’intentions et de résultats concrets positifs. L’analyse transversale qui nous est proposée indique aussi les progrès possibles sur des sujets aussi important que l’égalité homme-femme, la reconnaissance culturelle réciproque, le développement solidaire ou  encore la biodiversité et  l’eau...

Ces actions participent sans nul doute de notre rayonnement à l’extérieur, tout comme de notre ouverture et nous pouvons en être satisfaits. 
Notre action ne peut cependant se lire que dans un contexte régional ou inter-régional avec nos territoires partenaires. Elle doit également être évaluée en référence aux objectifs que nous nous étions fixés en 1999, ainsi qu’en mesurant son niveau de contribution  aux efforts attendus de la communauté internationale  pour faire face aux défis mondiaux devant lesquels nous sommes : crises écologiques et sociales, éradication de la faim, progrès des droits humains, respect des libertés fondamentales, préservation et  l’accès aux  biens mondiaux...

Nous devons vérifier, au-delà de l’intérêt régional et interrégional, quelle est notre contribution à l’intérêt général mondial et en tout état de cause éviter toute contradiction entre ces différentes échelles. 

Nous sommes donc aussi acteur voir détracteur  quand il le faut, des politiques nationale et européenne au service de la solidarité internationale et des efforts de la communauté internationale pour faire face à ces défis mondiaux.

Ainsi, les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) que la communauté internationale s’est fixée pour réduire de moitié la faim et l’extrême pauvreté d’ici 2015 ne seront très vraisemblablement pas atteints. Ils supposaient de mobiliser 0,7% du PIB des pays riches alors que  l’aide publique au développement est approximativement aujourd’hui à 0,2% du PIB mondial et certes un peu mieux pour la France avec 0,4%. 

Nous ne pouvons nous satisfaire d’un monde où 15% de la population possèdent 80% des richesses et où 40% de l’humanité a moins de deux dollars par jour pour vivre. 

Le dérèglement climatique, le pillage des ressources, l’évasion fiscale, la charge de la dette financière frappent d’abord les pays les plus pauvres. 

Sans nul doute, une part de nos actions contribue à ces enjeux, nous aurions tout intérêt d’ailleurs à le mettre en évidence dans une évaluation qui se réfère aussi à ces objectifs. Elle nous inviterait peut-être à ré-interroger notre géographie prioritaire, ainsi que nous pourrions aussi revisiter les choix de nos axes prioritaires. 

Pourtant, il est bien évident que la région seule ne peut modifier la situation économique et sociale des pays les plus pauvres avec lesquels nous engageons ces coopérations. Cela est d’autant plus vrai si les engagements nationaux et internationaux ne sont tenus. 

Mais nous pouvons et devons être une force d’interpellation permanente sur le respect de ces engagements sans lesquels, nos efforts seraient vains et limités aux seules bénéficiaires directes de nos actions. Relayer des plaidoyers, soutenir les initiatives d’ONG, faire aussi du lobbying à Bruxelles pour défendre ces enjeux, engager ici des actions bénéfiques au Sud, comme par exemple la lutte contre les paradis fiscaux.

Nous pouvons aussi positionner notre action en coopération avec celles d’autres régions. Ainsi et peut-être que cela est d’ores et déjà engagé, nous gagnerions à penser la géographie prioritaire, en lien avec les autres régions, pour mieux couvrir les différentes zones géographiques à prioriser et l’ARF est un  cadre propice à cette mise en cohérence. 

Le projet écologiste est profondément mondial et notre souci permanent est de défendre une planète vivable pour l’humanité toute entière. Pour nous, la preuve doit être constamment faite en matière de coopération que l’intérêt local est bien porteur d’un intérêt général mondial et de l’intérêt des plus 
- qui mobilise et interpelle les acteurs internationaux à la hauteur des enjeux planétaires et de solutions, connues, qui n’attendent que la volonté politique,
- qui agit résolument au service de la démocratisation locale : lutte contre les inégalités, notamment de genre, et à la construction d’une citoyenneté mondiale par l’information, la formation et l’action.

Si bien entendu, bon nombre des actions que nous conduisons ou que nous soutenons sont porteuses des valeurs de la solidarité internationale, notre cadre fixé en 1999, gagnerait donc à évoluer en ce sens et à mieux articuler enjeux locaux et enjeux globaux. 

Pascale Rossler soulignera tout à l’heure  tout l’intérêt d’une vision intégrée de la coopération, de la diffusion d’une culture de la coopération dans toutes nos politiques publiques, en mettant en valeur le travail engagé sur le thème de la biodiversité. Cela peut s’étendre à d’autres politiques de la région : Je pense là aux questions de climat-énergie. Je pense également aux questions de la faim, corollaire des questions agricoles. Nous pourrions en particulier soutenir des projets de coopération entre acteurs du monde paysan, à l’instar de ce qui est engagé au Maroc avec les coopératives de femmes. ¾ des plus  pauvres vivent encore en milieu rural dont bon nombre de paysans. 

L’évaluation de nos actions peut aussi porter sur ce que ces coopérations induisent dans nos territoires, certes en matière de développement économique ou bien encore d’ouverture culturelle, mais aussi en ce qu’elles participent ou non à des changements ici sur des thématiques similaires de celles que nous développons ailleurs : égalité homme/femme, lutte contre les discriminations, lutte contre la pauvreté au Nord, combat pour la préservation et l’amélioration de la biodiversité...

La coopération est aussi créatrice d’activités dans nos territoires, particulièrement dans l’économie sociale et solidaire, elle est créatrice d’emplois, de commerce équitables, de développement culturel. Nous aurions intérêt à le mettre encore plus en évidence en définissant des indicateurs de progrès au Nord comme au Sud.

Par exemple, si nos actions dans la région de Mopti et de Meknes-Tafilalet s’inscrivent dans les enjeux d’égalité homme-femme, nous devons interroger la réciprocité sur ce thème, quel est la plus-value sur cette question ici dans notre région, comment penser ces échanges au regard des difficultés qui sont les nôtres ici pour progresser en matière d’égalité. 

Elles peuvent aussi contribuer à la réduction des inégalités dans nos propres territoires, dès lors que l’engagement dans les actions entreprises n’est pas que le fait des acteurs et populations en situation favorables. La solidarité n’est pas que l’affaire des riches, elle peut aussi être celle des «sans» sans terre, sans logement, sans emploi... à l’instar des programmes développés par des ONG comme par exemple entre les sans terres du Brésil et les sans logis en France. Encourager la participation de populations marginalisées chez nous, est aussi un gage de progrès, de compréhension mutuelle des enjeux du développement social, de mobilisation pour l’accès aux droits. 

Autre exemple, nous avons soutenu un fonds de micro-crédits en Mauritanie. Comment pourrions faire du lien avec nos actions ici en matière d’économie sociale et solidaire, d’accompagnement des projets des personnes en insertion ? N’y a t-il pas lieu de créer des passerelles entre des porteurs de projets ici et là-bas. Nous pourrions ainsi affirmer une réciprocité d’action et dépasser la réciprocité comme seule exigence éthique.  

Nous devons également promouvoir  une éducation à la citoyenneté mondiale faite de responsabilité et de solidarité planétaires.  Notre action auprès des jeunes, en particulier dans les lycées et CFA y contribue sans aucune doute. Les échanges entre établissements scolaires dans les programmes de coopération, dans trans’europe centre ou dans les actions internationales, sont un levier tout à fait intéressant. Si la citoyenneté européenne active est au coeur des objectifs, elle doit être vue comme une ouverture sur le monde et non induire une vision limitée à la citoyenneté européeenne. Face à la montée du rejet de l’autre, des formes lancinantes de xénophobie et de discriminations, la coopération est une opportunité pour encourager les échanges entre les peuples et développer l’éducation interculturelle, au Nord, au Sud, à l’est comme à l’Ouest. 

La coopération est par essence une politique intégrée. Elle peut concerner toutes nos politiques.  Nous avons intérêt à coopérer autour des questions climatiques et énergétiques, autour de l’environnement et la biodiversité, autour des enjeux d’emploi et de formation ou bien encore comme nous le faisons déjà en matière de recherche et d’innovation. Nous devons acquérir un réflexe de citoyen mondial et penser nos politiques et actions locales, dans ce qu’elles ont d’irrémédiablement mondial.

Rendre compte à la fois de notre contribution aux enjeux globaux tout comme mettre en valeur  le développement local d’une culture de la solidarité, d’une éducation à une citoyenneté mondiale, d’une contribution directe de la coopération à nos enjeux régionaux, permettra de renforcer la cohérence de notre intervention. Il nous faut pour cela inventer des indicateurs locaux et globaux. A ce titre, je serais intéressé pour que vous puissiez dans votre réponse, préciser ce que l’évaluation des programmes au Laos et au Mali, a permis de dire et les enseignements que vous comptez en tirer pour la suite. 

Il est un point que le rapport évoque et qui mérite une attention particulière c’est celui de la gouvernance et au-delà de la manière dont l’action internationale peut perdurer quand l’intervention publique s’arrête, soit parce que les conditions ne sont plus réunies, en tant de crise par exemple comme au Mali, ou bien encore quand des changements politiques conduisent à freiner voir stopper les coopérations. L’implication des ONG et des sociétés civiles en général que nous soutenons est une des garanties possibles à cette pérennisation. Le renforcement institutionnel localement est aussi un véritable enjeu auquel nous devons pouvoir mieux contribuer.  

Pour finir, le rapport évoque la volonté de la région de faire de la sécurité alimentaire un sujet majeur tout comme l’accès à l’eau. Nous y souscrivons pleinement et comme je l’évoquais précédemment, nous pouvons là participer à un défi mondial, celui de l’alimentation et à travers cela coopérer sur les questions agricoles, la biodiversité, la santé environnementale et alimentaire... Il nous semble d’ailleurs important d’inscrire ces thèmes dans la durée et au rang de nos priorités durables.  

L’actualisation du cadre de nos politiques nous paraît donc nécessaire et nous nous y associerons avec intérêt.  
Je vous remercie