[SESSION EXTRAORDINAIRE] REFORME TERRITORIALE : INTERVENTION DE JEAN-PHILIPPE MAGNEN
DÉBAT SUR LA REFORME TERRITORIALE : SESSION EXTRAORDINAIRE DU CONSEIL RÉGIONAL DES PAYS DE LA LOIRE – 13 mai 2014
INTERVENTION DE JEAN-PHILIPPE MAGNEN, PRÉSIDENT DU GROUPE EELV
Monsieur le Président, chers collègues, chers participants,
Le Président de la République et le Premier Ministre semblent enfin décidés à accélérer le projet de réforme territoriale…et c’est ce qui nous amène à être réunis ici ce matin.
Je dois reconnaitre que cet engagement nous a surpris, tant le chemin a été laborieux et le destin de notre pays lié au jacobinisme centralisateur… Espérons qu’il soit sincère.
Car la décentralisation est un combat que nous menons, nous écologistes, depuis toujours : pour une autonomie régionale forte, dans une Europe politique forte.
L’occasion de lancer une réforme d’envergure nous est aujourd’hui donnée, mais attention à ne pas tomber dans le piège qui consisterait à focaliser le débat sur la seule question du redécoupage territorial. À vouloir philosopher sur les contours de nos territoires, nous risquons de passer à côté de l’essentiel : le renforcement de l’autonomie des régions, mais aussi des territoires de proximité. Avec plus de cohérence, de proximité et de poids, donc de compétences claires et de moyens financiers, nos institutions pourront ainsi mettre en œuvre de façon plus efficace les services publics répondant aux besoins de nos concitoyens, en matière de santé, de logement, d’éducation, de formation, de transport, d’économie et d’emploi… Elles seront aussi en mesure de mieux accompagner les conditions d’un véritable développement local durable, d’accompagner la transition, notamment écologique, de nos territoires pour enfin sortir des vieilles recettes du 20ème siècle et entrer de plein pied dans le 21ème.
Cette réforme doit donc s’amorcer sans a priori, sans préalable. C’est pourquoi le préalable à ce débat – d’unité des PDL – formulé dans votre appel publié hier, Monsieur le Président, nous ne pouvons le partager, car il tronque d’entrée une partie du débat démocratique. Autant nous avons apprécié votre réactivité pour organiser ce temps fort ouvert dans l’hémicycle régional, autant, nous ne comprenons pas (ou trop bien !) votre démarche dans le lancement de cet appel partisan.
Ceci étant dit, et rapidement, je tiens à vous rappeler les deux grands axes sur lesquels nous fondons la position écologiste :
1/ Oui à la simplification du millefeuille territorial, mais au cœur d’une véritable décentralisation.
Cette promesse de simplification ne peut se contenter de simples mots. Si la métaphore pâtissière est plaisante, ce qu’elle recouvre est néanmoins fort complexe.
L’enjeu est ici, encore et d’abord, démocratique. L’identification du lieu du pouvoir local pour tous ceux qui y sont confrontés – citoyens, entreprises, associations – est devenue un casse-tête, entraînant un scepticisme généralisé à l’encontre de l’action publique.
La suppression des conseils généraux, que nous appelons de nos vœux, simplifiera la donne. Mais nous ne sommes pas pour autant d’accord pour qu’elle se fasse au détriment de certains territoires, et notamment ruraux. C’est pourquoi nous privilégions les notions de territoire de projet et de bassin de vie et militons pour un renforcement du couple région-intercommunalité, qui permettra une répartition plus claire des compétences. Pour ce qui concerne spécifiquement la région, la fixation (et la garantie) constitutionnelle de blocs de compétences attribués aux collectivités locales peut parfaitement s’articuler avec le maintien d’une clause de compétence générale (que l’Etat veut supprimer) – condition nécessaire d’une autonomie vivante des collectivités locales, permettant innovation et expérimentation – si l’on s’assure bien sûr d’une cohérence territoriale au niveau régional, à travers des assemblées des pouvoirs locaux…une formule qu’il reste à imaginer et qui pourrait aller jusqu’à la mise en œuvre d’un véritable fédéralisme régional. Cela passera aussi bien entendu par un redéploiement fiscal octroyant des recettes dynamiques aux régions au cœur d’une grande réforme fiscale nationale, grande absente de la loi de décentralisation qui sera présentée demain en conseil des ministres.
La France est déjà en retard par rapport à ses voisins. Si nos régions disposent déjà d’une taille et d’une population équivalant à certains Länder allemands ou certaines Communautés autonomes espagnoles, elles disposent de champs et de moyens d’action beaucoup trop réduits !
A l’heure où les sociétés européennes se réorganisent autour de régions fortes, il ne faudrait pas que la France rate encore une fois le train de la décentralisation !
2/ oui à un débat sur le redécoupage des régions, non aux fusions comme solutions uniques.
Faut-il réduire, globalement, le nombre de régions ? Sans doute oui, mais pas uniquement sur un critère de taille. La cohérence d’un territoire (sociale et économique, géographique et environnementale, historique et culturelle) ne se mesure pas seulement à sa surface. Ce sont ces caractéristiques – qui peuvent d’ailleurs parfois dépasser les frontières nationales – qui doivent présider à la construction d’une nouvelle carte régionale. Celle-ci ne doit pas être une carte de fusion des régions, mais bien celle d’une réécriture des frontières de territoires cohérents.
Notre région, en particulier, est sous les projecteurs. Elle fait l’objet de débats singuliers du fait qu’elle ne repose pas sur un précédent historique fort, comme il peut en exister en Bretagne ou en Alsace. La question de la réunification de la Bretagne posée est donc légitime. C’est pour cela que nous avions souhaité dès 2010 enclencher un processus démocratique autour de cette question.
Mais nous sommes également conscients que l’histoire économique récente a donné un certain sens à notre région, que de nombreux territoires ont axé leurs réseaux d’infrastructures et leurs axes de vie vers Nantes et l’Ouest. Il est donc tout aussi légitime de prendre en compte les inquiétudes liées à un éventuel démantèlement.
Pour les écologistes, le préalable à tout redécoupage doit être le débat citoyen !
Pourquoi le recours au référendum, impératif en cas de redécoupage, n’est-il plus, dès lors, qu’une simple option dans le projet de loi ?
Selon le gouvernement, les régions auront jusqu’à début 2015 pour transmettre leurs propositions. Nous proposons donc dès maintenant que l’Etat lance un débat public via la commission nationale de débat public, et que ces débats soient déclinés sur chaque territoire permettant à chaque citoyen concerné de s’exprimer.
De la même manière, le report d’un an des élections régionales et cantonales de mars 2015, suggéré la semaine dernière par François Hollande, est cohérent et nécessaire. Le maintien du calendrier actuel prêterait à la confusion démocratique : comment mener campagne pour une assemblée fondée sur une carte que l’on prétend refondre? Quelle crédibilité pour les projets et pour les élus ?
En conclusion, je voudrais, chers collègues, résumer ici la position des écologistes :
Vous aurez compris que nous serons d’abord attentifs au « droit de faire » et aux « moyens pour faire » donnés aux territoires à définir, aux compétences et aux budgets des futures collectivités.
Nous sommes en même temps déterminés à provoquer la participation des citoyens à ce débat, notamment par une consultation démocratique territoriale qui nous apparaît indispensable (et dont les contours seront à préciser très rapidement). Ainsi, la réussite de notre séance d’aujourd’hui ne se mesurera pas à nos seuls avis, mais à ce que nos débats provoqueront comme réactions dans l’opinion publique.
Soyez assurés, enfin, que nous, écologistes, serons au premier rang afin de porter des propositions originales et innovantes, permettant de conjuguer l’exigence de proximité, de cohérence et de qualité du service public qu’exigent plus que jamais nos concitoyens.
Jean-Philippe MAGNEN