Pays de la Loire face aux crises : au-delà des symptômes, posons le bon diagnostic !

Sophie

Intervention de Sophie Bringuy relative au rapport « Les Pays de la Loire face à la crise », prononcée lors de la session plénière du 30 novembre 2012.


 

Monsieur le Président, mes chers collègues,

 

Qui d’entre vous connaît Karl Reinhold August Wunderlich ?Et pourtant, ce médecin allemand a marqué un tournant dans la médecine occidentale en établissant que la fièvre n’était pas une maladie, mais le symptôme de différentes maladies. Grâce à son travail, on ne soigne plus les personnes pour cause de fièvre, mais on pose des diagnostics pour établir ce qui cause la fièvre.

 

Je pense que nous avons beaucoup à apprendre de ce type de démarches. Surtout en cette période de crises. Parce que depuis ce matin je me demande de quelle crise parlons-nous au juste ?

 

Nous ne prenons que trop peu le temps du diagnostic, et sommes sans cesse dans la réaction en urgence. Une stratégie qui ne semble pas porter ses fruits : nous nous enlisons.

 

Je ne pense pas d’ailleurs que les discours politiques caricaturaux sur le ton « c’est la faute à l’autre » fassent avancer quoi que ce soit Monsieur Pinte.

 

Le rapport présenté aujourd’hui aurait à notre sens dû s’intituler « Les pays de la Loire face aux crises ». Et peut-être qu’alors, nous aurions pu poser un début de diagnostic. Soyons clairs : le diagnostic partiel d’une crise surtout financière, relativement économique et consécutivement sociale, ne nous aidera en rien à traverser les crises profondes que nous subissons, et qui sont l’expression d’un système à bout de souffle, nécessitant une mutation bien plus profonde.

 

Déjà aujourd’hui, et sans attendre les catastrophes annoncées, la crise écologique a des impacts directs sur l’emploi et le développement économique. Selon un rapport produit par le DARA and Climate Vulnerable Forum (rassemblement de 20 pays fortement impacté par les changements climatiques) l’échec des actions contre le changement climatique coûte d’ores et déjà à l’économie mondiale 1,6% de son PIB, soit 1 200 milliards de dollars par an. A l’inverse le rapport note que s’attaquer aux causes du changement climatiques permettrait d’engranger des profits économiques majeurs. Constat confirmé par le récent rapport de la Banque Mondial «  Baissons le chauffage » qui alerte sur les conséquences de la hausse de la température sur notre planète : sécheresse, tempête, hausse du niveau de la mer, impact sur l’agriculture. Pour preuve le coût direct des évènements climatiques :

–         les inondations en 2007 en Angleterre et au Pays de Galle ont causé 3 billions de livres de dommages ;

–         la sécheresse en France en 2011 a causé une baisse de 12% sur les rendements céréaliers ;

–         la canicule la même année aux Etats-Unis qui du fait des incendies a détruit 3 millions d’hectares de terre avec un coût estimé entre 6 et 8 billions de dollars.

Les enjeux économiques liés à la biodiversité ont aussi été clairement identifiés dans le cadre de la dixième conférence des parties à la convention sur la diversité biologique  qui s’est tenu à Nagoya. Les économistes les ont chiffré: 40 % de l’économie mondiale repose sur les services rendus gratuitement par la nature.

Face aux enjeux de la transition énergétique, mais aussi de la lutte contre l’érosion de la biodiversité, sur fond de crise sociale profonde, nous ne pouvons pas les ignorer.

C’est pour ça aussi que, nous écologistes n’avons pu que regretter amèrement les conclusions du rapport Gallois.

 

Il contient certes quelques idées intéressantes (le dialogue social, la stabilité fiscale et réglementaire, le financement public de l’industrie, les crédits inter-entreprises), mais la vision du monde sur lequel il repose est celle des années 80 et se prête mal aux années 2010.

 

Ce rapport ignore les enjeux énergétiques, dont le coût est de plus en plus impactant que celui du travail. Il passe à côté de la conversion écologique de l’économie en mentionnant en une seule phrase que l’économie verte créera de nombreux emplois, mais sans prendre en compte les enjeux industriels qu’elle représente. Il se focalise donc uniquement sur l’innovation hyper-technologique, comme si un nouveau minitel ou un concorde, voire encore mieux un nouvel aéroport, allaient créer de l’emploi et des industries de toutes tailles. Il oublie l’innovation dans tous les domaines, que ce soit dans les économies d’énergie, dans le bâtiment (et matériaux), dans l’agriculture (et donc industrie agro-alimentaire), etc., ainsi que l’innovation sociale.

 

Enfin, pratiquement toutes les propositions démontrent une vision hyper-centralisée de la décision, au détriment des territoires, et je crois que c’est autre chose que nous portons ici. Et c’est sans penser un instant que la réflexion sur la production (ici industrielle) devrait se faire en même temps que la réflexion sur la consommation, el lien avec les bassins de vie et de travail, avec la prise en compte de production de matière première (notamment par le recyclage et l’économie circulaire).

 

Le rapport Gallois passe donc à côté de l’enjeu territorial et humain de la production industrielle de demain.

 

Nous espérons que notre action à l’échelon régional sera jusqu’en 2015, et au-delà, d’un autre ordre. La présentation que vient de faire Christophe Clergeau du rapport va dans ce sens et nous le remercions d’avoir pris en compte nos remarques sur ce document.

 

Nous allons en effet avoir de nouvelles compétences, notamment la Banque Publique d’Investissement. Le président de la République a souhaité qu’elle soit la banque de la transition énergétique. Nous avons sur notre territoire de formidables outils industriels, de recherche et d’innovation, dont des chantiers navals et un bassin automobile, qui pourront permettre l’émergence d’une filière éolienne (associant la dimension on-shore et off-shore) prospère. Nos agricultures, viticultures, et autres, se sont développés grâce à une image forte de qualité. Les poulets de Loué tiennent le cap alors que le groupe Doux échoue. Ceci nous indique le chemin à suivre, vers une agriculture de qualité, sans OGM et biologique, pour une alimentation saine et accessible à toutes et tous. Nous disposons d’un vivier dynamique d’artisans et d’entrepreneurs dans le domaine du bâtiment, et nous devons les former et les accompagner dans les chantiers de rénovation en cours et à venir. Notre patrimoine naturel est aussi une richesse inestimable, notamment d’un point de vue touristique. Le succès de la Loire en vélo en est la preuve. Sans oublier la dynamique du secteur de l’économie sociale et solidaire ou encore les milieux culturels. Dans tous ces domaines, il nous faut anticiper. Nous avons, ce rapport nous le montre bien, mis l’accent sur nos politiques éducatives ou encore la formation tout au long de la vie. Ces axes permettent la montée en compétence et d’assurer les transitions. Elles participent des synergies pour préparer l’avenir et non l’hypothéquer.

 

Notre territoire est riche, de ses hommes, de ses femmes, et de toutes leurs potentialités. Pas besoin de construire un nouvel aéroport à Notre Dame des Landes pour créer de l’emploi. Au contraire, cet aéroport en détruirait à court terme. Notre avenir est ailleurs. Il ne doit et ne peut pas passer par le bétonnage d’un bocage humide.

Tel est notre engagement, tel est ce que nous avons porté avec constance, et tel est le cap que nous garderons.

 

Sophie BRINGUY

 

Un commentaire pour “Pays de la Loire face aux crises : au-delà des symptômes, posons le bon diagnostic !”

  1. Bravo Sophie,
    Que de sagesse et de détermination, seras tu entendue ?
    Bon courage
    annette

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