Notre politique recherche doit refléter un projet de société au service de l’humain et non au seul bénéfice de la compétitivité et du profit.
Intervention de Geneviève Lebouteux – BS 2013
Monsieur le Président, cher-e-s collègues,
Nous, écologistes, sommes régulièrement accusés de prôner le retour à la bougie alors que nos positionnements ont souvent un temps d’avance. Notre courant de pensée s’est construit à travers des penseurs tels que Jacques Ellul et nous regrettons comme lui que le progrès technologique, et par extension les techno-sciences, soient, je cite « le plus souvent destinés à produire ni des biens de consommation, ni du bien-être, ni une amélioration de la vie des gens, mais à produire du profit. Exclusivement ».
Quel est le sens d’un progrès pour le seul profit ? Ou d’un progrès pour le progrès ? Quel est le sens de l’innovation pour l’innovation ? Quel est le sens de cette fuite en avant techniciste que nous connaissons ? Nous ne sommes pas contre la technologie, mais nous la souhaitons au service de l’humain, de son épanouissement individuel et collectif. Considérer le progrès technique par le seul prisme de l’investissement financier revient à n’attendre de ce progrès qu’un retour… sur investissement. Une vision strictement capitaliste et libérale dénuée « d’utilité sociale ».
Notre société a oublié ce vers quoi elle veut aller. Grisée de progrès technique et prisonnière de puissantes logiques financières, elle continue de foncer dans la surproduction, la surconsommation… et le gaspillage ! Cela se traduit par toujours plus de déchets, de mal-être et d’inégalités. Et, comble du cynisme, le progrès se résume parfois à l’obsolescence programmée des produits.
Nous ne sommes pas contre l’innovation, bien au contraire, mais nous privilégions celle qui est au service de la préservation de l’environnement et de la transition énergétique. Nous appelons aussi de nos vœux une innovation sociale, sociétale, qui induit d’autres comportements, d’autres modèles de partage de richesses entre les individus. Une innovation ouverte et partagée dans les entreprises, où le savoir-faire et la créativité de tous les salariés, collaborateurs, cadres comme ouvriers, puissent être sollicités.
Compte-tenu de ces éléments, le schéma soumis au vote aujourd’hui nous pose problème.
Dans son modèle actuel, il se concentre essentiellement sur le transfert de technologies et esquive les vrais problèmes. Le CESER remarque d’ailleurs que « La pression de l’innovation ne doit pas détourner les chercheurs de recherches plus fondamentales, parfois à risque, essentielles à l’avancée des connaissances ».
A trop se fixer sur l’innovation, nous entravons la nécessaire émancipation de notre société et bridons la capacité d’analyse et de contributions des citoyens. Ce schéma laisse à notre avis par ailleurs trop peu de place à la recherche fondamentale et aux Sciences Humaines et Sociales.
D’accord pour faire de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation « le ferment d’un nouveau modèle de société » mais nous ajoutons les propositions suivantes :
– Donnons-nous la possibilité d’évaluer le caractère d’intérêt général et d’utilité sociale des projets avant de décider de les financer ;
– Organisons des débats citoyens sur le territoire, sur des sujets à haute sensibilité sociétale comme l’utilisation des nanotechnologies ou la biologie de synthèse. Plus globalement, il nous semble déterminant d’encourager des nouvelles formes de travail collaboratif et de partage de connaissances entre le monde scientifique et les citoyens.
Ce schéma doit refléter un projet de société au service de l’humain et non au seul bénéfice de la compétitivité et du profit. Il doit traduire une volonté politique d’accompagner les mutations vers des systèmes plus durables et harmonieux, pas une simple adaptation à la mondialisation ultra-libérale et ultra-productiviste. Nous souhaitons connaitre vos positions sur ces propositions et attendons des réponses concrètes quant à la déclinaison opérationnelle de ce schéma.
Merci