Lycéen-ne-s menacé-e-s d’expulsion : amplifier la mobilisation à tous les niveaux !

Impression

Joëlle Remoissenet, conseillère régionale ligérienne à la commission éducation/apprentissage présidée par Matthieu Orphelin, en charge de la politique de soutien aux lycéen/nes menacé-es d’expulsion, a participé vendredi 27 juin dernier à l’hôtel de Région Ile de France, aux Assises régionales des lycéen-nes sans papiers.

Organisées en partenariat étroit avec RESF (Réseau Education Sans Frontière), sous la présidence d’Henriette Zoughabi, Vice Présidente en charge de l’éducation et des lycées au Conseil régional d’Ile de France, les Assises régionales viennent clôturer les 8 « samedis des papiers », rassemblements qui se sont déroulés pendant 2 mois place de la Sorbonne avec les jeunes, en présence d’un large panel d’opinions, élu-es, militant-es, communauté éducative, représentants de la jeunesse, acteurs culturels…

Ces Assises régionales, dont les écologistes saluent l’initiative, ont été riche d’échanges, avec des interventions organisées autour de 2 tables rondes alternées de beaux moments théâtraux et musicaux. Elles ont réuni l’ensemble des partis politiques de la majorité régionale Ile de France, et pour le groupe EELV, les conseiller-es régionaux Claire Monod, Jacques Picard, Jean Laffond, Mounir Satouri, ainsi qu’Emmanuelle Cosse, secrétaire nationale du mouvement.

 

Paroles de jeunes, une détermination remarquable

Lors de la première table ronde, un nombre important de jeunes ont témoigné, avec beaucoup de pudeur, de leur vie au quotidien, de leur parcours dans le dédale juridico-administratif-policier et de leur place actuelle dans la société. Ces témoignages démontrent que les jeunes ne baissent pas les bras et se débattent pour poursuivre leurs études, trouver du travail et aboutir enfin, quand ils ont de la chance, à une régularisation en France :

« Je suis heureuse d’être libre, de pouvoir enfin faire des projets, faire ce que je veux »

« Je suis en terminale, je viens d’avoir 18 ans et j’ai reçu une OQTF (Obligation de Quitter le Territoire Français). J’ai été voir RESF et, heureusement, ils m’aident dans les papiers ».

« J’ai suivi une formation et j’ai obtenu la médaille d’argent de tailleur de pierre »

Paroles de jeunes, mais aussi « expertise » du sociologue/enseignant Eric Fassin, qui nous rappelle que la bataille sur la question des sans papier doit absolument se développer au travers du renforcement des liens sociaux, dans une plus grande pluralité et reconnaissance mutuelle : être plus nombreux, plus forts, pour être davantage entendus.

 

Au-delà de l’incompréhension, une indignation partagée

La projection du court métrage Aïssa (http://www.actu-d roitsenfant.com/tag/mineurs%20isolés/HYPERLINK « http://www.actu-droitsenfant.com/tag/mineurs isolés/) qui a obtenu la mention spéciale du jury au festival de Cannes 2014 a précédé la seconde table ronde. Des images grandeur nature sur la pratique des tests osseux, d’une froideur clinique impressionnante, qui traduisent la barbarie moderne de la machinerie administrative, et qui ont glacé momentanément le public.

Pour le médecin, Pierre Duterte, œuvrant depuis 20 années dans un centre de soin auprès des jeunes migrants, notre société est désormais dans la maltraitance vis à vis des étrangers. Les tests osseux qui datent de 1932 n’ont aucune valeur et les médecins qui les pratiquent le savent très bien. La société maltraite des enfants particulièrement brillants, qui débordent de volonté et font preuve d’un courage saisissant qui leur a permis de vaincre des difficultés inouïes avant d’arriver en France. « Je suis fatigué de tout ça, c’est insupportable ». Ces propos sont renforcés par Renaud Mandel, Président de l’ADMIE (Association pour la défense des mineurs étrangers isolés), révolté lui aussi par l’accueil réservé aux jeunes à leur arrivée en France, des jeunes qui ne rencontrent que suspicion permanente : « ils mentent, ont des faux papiers, s’inventent un passé » selon les forces de police.

Beaucoup d’indignation également de la part de la magistrate Hélène Franco et de l’avocat Julien Lambert devant les situations vécues par les jeunes. L’incompréhension est totale au regard d’un système judiciaire et législatif qui devient de plus en plus absurde, un système qui ne contribue qu’à amplifier les inégalités et précariser les minorités.

La justice sociale recule et la circulaire Taubira qui devait apporter un signal fort de la gauche aux associations, a renforcé le pouvoir des administrations, en excluant les garanties minimum, notamment, celle de la présomption d’innocence. Les tests osseux sont devenus le terreau sur lequel des magistrats fondent leur décision, des décisions qui sont parfois contestées par les départements en charge de l’aide à l’enfance, au détriment de la protection des jeunes !

Les procédures pénales sont « violentes », dénonce l’avocat, les jeunes sont poursuivis comme escrocs, comme receleurs, leurs papiers sont confisqués et ils restent des mois dans l’incertitude et l’inquiétude face à leur avenir.

 

Et la scolarisation dans tout ça ?

La scolarisation reste un levier formidable d’intégration. Chacun défend le droit inaliénable à l’éducation, droit non conditionné au fait d’avoir ou non des papiers.

L’espoir est grand chez les jeunes de poursuivre leurs études, de trouver du travail, de construire une famille. Les représentants et les mouvements de jeunesse sont très présents à Paris dans les luttes contre les expulsions aux côtés des familles sans papier. Les établissements scolaires sont très engagés, comme en Pays de la Loire, où les équipes pédagogiques, CPE, assistantes sociales se mobilisent pour accompagner les jeunes en lien avec les associations (RESF, CIMADE, LDH, MRAP, GASPROM…), et avec le soutien de la région.

Pourtant la convention des Droits de l’enfant est trop souvent bafouée et bien que « la régularité de la situation administrative d’un étranger n’est pas un préalable à son accueil dans un établissement d’enseignement », les jeunes scolarisés sont, dès 18 ans, sous la menace permanente d’une expulsion.

Les difficultés restent très prégnantes, notamment pour les mineurs ou majeurs isolés (hébergement, domiciliation, frais de régularisation et de subsistance…), ce qui n’empêchent pas les familles de résister car elles savent que d’où elles viennent, les conditions de vie seront pires encore.

 

Amplifier le mouvement et renouer avec la solidarité

La manifestation se termine par une intervention de chaque groupe politique présent. Unanimement, les porte-paroles ont proclamé que tout cela devait cesser, qu’il était désormais du devoir des politiques de passer à la vitesse supérieure et d’agir sur le plan national.

En France, l’alternance politique de 2012 a suscité de nombreux espoirs mais rien n’a altéré la montée des extrémismes qui accentue l’isolement et la vulnérabilité des étrangers. Pour Joëlle Remoissenet, « en entretenant les peurs et la confusion, les populations immigrées sont trop souvent stigmatisées comme des personnes à charge pour la société, alors même qu’elles participent du développement de notre richesse économique et culturelle. Il est plus que temps d’ouvrir les yeux sur l’absurdité du système actuel, prendre des initiatives nouvelles pour amplifier le combat au niveau local, et agir au niveau national ».

De nombreux militants, jeunes, associations luttent sur les territoires, entreprennent des actions depuis de nombreuses années pour peser sur les décisions, mais force est de constater que les gouvernements successifs sont restés sourds à leurs appels. L’humiliation des étrangers doit stopper. Emmanuelle Cosse propose « d’ouvrir une séquence nouvelle, dans le cadre d’un travail plus collectif entre régions et de remettre les jeunes au cœur du mouvement pour porter leur parole au niveau national et exiger une revisite de la législation en vigueur».

« Il est temps qu’un sursaut se produise pour dire que ces politiques sont dangereuses et faire que le combat pour la régularisation des étrangers devienne un mouvement solidaire, de toute la jeunesse et des étudiants » revendique en conclusion Henriette Zoughabi.

Un final en musique et en chanson ponctue les interventions, avec un refrain repris en chœur par  les jeunes qui traduit leur détermination :

 

On sait ce qu’on fait

On est des milliers !!

Tous coupables et fiers

Du délit de solidarité.

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