Les incohérences du gouvernement sur le dossier Xynthia.
A l’occasion du vote de 10 millions d’euros en faveur de la gestion du trait de côte, après la tempête Xynthia, Claudine Goichon, élue EE vendéenne, est intervenue pour pointer du doigt les incohérences de l’État dans ce dossier.
Les évènements tragiques liés à la tempête Xynthia survenus il y a quelques mois maintenant nous avaient plongés dans une douleur brutale. Le bilan est en effet lourd avec 53 personnes disparues, 79 blessées et environ 500 000 sinistrés à divers degrés. Face à ce drame humain, à la perte des biens et à la situation catastrophique en termes d’activité économique (tourisme, agriculture, ostréiculture, tissu entrepreneurial) nous avions, dès le lendemain de cette catastrophe climatique, adopté un plan de solidarité avec les territoires touchés dit « le plan tempête régional ». Celui‐ci avait été voté dans cette même assemblée de manière unanime et consensuelle.
Nous sommes aujourd’hui amenés à nous prononcer sur le cofinancement du programme national de réhabilitation des ouvrages de défense contre la mer et la gestion du trait de côte. Sans attendre le gouvernement qui, malgré l’urgence, semble trainer des pieds (à titre d’exemple aujourd’hui nous attendons que l’État donne son accord aux maîtres d’ouvrages qui doivent entreprendre les simples travaux de reconstruction et de renforcement indispensable en vu des grandes marées d’équinoxe de septembre). Le Conseil régional témoigne de sa volonté et de sa détermination en adoptant dès aujourd’hui une dotation de 10 millions euros.
Quid du plan digue annoncé a grand renforts de communication par Nicolas Sarkozy dès le lendemain de la catastrophe ? Celui‐ci devait très rapidement entrer en vigueur. Le gouvernement aurait‐il osé sur un sujet aussi grave que celui‐ci, faire des annonces sans lendemain ? Car, comme le relève le récent rapport du Sénat, avant la mise en place d’un véritable « plan digue » nous nous trouvons confronté à deux défis majeurs : Premièrement, il faut définir une gestion simplifiée de nos digues aujourd’hui très complexes du fait de la multiplication des acteurs impliqués. Si les digues sont en mauvaise état, c’est en grande partie du fait de l’entretien aléatoire, accentué par un contrôle de l’État souvent absent. Les petites communes ou propriétaires privés ne peuvent généralement pas faire face aux coûts engendrés par l’entretien. Là aussi, l’État doit jouer son rôle, pour la sécurité des français et des françaises, en formant de véritables professionnels et en affectant les moyens humains et techniques suffisants à l’entretien des digues.
Ensuite, les financements avancés aujourd’hui sont très insuffisants. Le traitement de 3 500 à 4 000 km de digues sur le territoire français coûterait 3,5 à 4 milliards d’euros. L’actuel fond Barnier ne dispose que de 150 millions par an affecté pour l’instant à l’indemnisation des sinistrés. Face à cette réalité, il convient aujourd’hui de prendre nos responsabilités. La tempête Xynthia n’est malheureusement pas un phénomène isolé. Elle s’inscrit dans une série de catastrophes survenues au cours du siècle dernier. Aujourd’hui, en France, l’inondation est le premier des risques des catastrophes naturelles. Selon l’Institut Français de l’Environnement, près de 1 000 communes littorales présentent un risque d’intrusion d’eau.
Car ces zones sont exposées à une fragilité grandissante, non seulement du fait de tempêtes comme celle que l’on vient de vivre mais également du fait de l’augmentation du niveau de la mer. Et pourtant, la Vendée connait l’une des plus fortes croissances démographiques de l’hexagone avec 1,5 % d’augmentation par an en moyenne. Selon les Nations‐Unies, ce serait un phénomène général : « d’ici 25 ans, 80 % de la population mondiale vivra sur une bande littorale de 100 kilomètres. La pression foncière qui en découle est tout simplement phénoménale ».
Le dossier départemental des risques classait déjà les zones les plus touchées comme « zones de risques majeurs à enjeux humains » tant pour les inondations terrestres (via le bassin versant), que maritimes (via la mer). La Direction Départementale de l’Équipement, en octobre 2008, prévoyait ce scénario pour la Faute‐sur‐mer. Nous connaissons les effets des grandes marées, des basses pressions, et du vent…
Nous savons ce que les 3 ensembles peuvent entrainer. La Faute fut déjà inondée et devint à plusieurs reprises une île au cours du 20e siècle. La digue de l’Aiguillon a déjà cédé plusieurs fois (notamment en 1999) sous la pression de l’eau. En 1940 et 1941, ce sont 3 à 5 000 hectares qui ont été noyés. On appelle cela la mémoire du risque et la prévention. On parle pour cette fois‐ci de 4 500 hectares. Les mises en garde des géographes, les luttes des associatifs écologistes, complémentaires de la législation, auraient dû nous protéger contre des projets immobiliers incohérents.
Scientifiques et associatifs nous avaient averti sur cette question des zones inondables, de l’urbanisation, de l’érosion intensive du littoral et de la destruction de zones humides qui sont pourtant de formidables éponges. Notre responsabilité, c’est aussi de prendre en compte la réalité de menaces nouvelles : celle de la montée des eaux, inéluctable aujourd’hui et qui va augmenter la force et la violence des intrusions de la mer. Il y a un an, en session plénière, Emmanuelle Bouchaud avançait l’idée que notre Région devait anticiper cette question et permettre l’élaboration d’une réflexion commune des régions Bretagne, Pays de la Loire et Poitou‐Charentes sur la question des zones côtières.
Devons‐nous taire le fait que les conséquences dramatiques de la tempête Xynthia sont le reflet de choix de société, de choix de civilisation, guidés par l’attrait du gain ? Monsieur Sarkozy lui‐même demandait l’assouplissement de la loi Littoral. Je ne résiste pas à l’envie de vous lire un extrait de son discours tenu il y a un an : « Il faut rendre constructible les zones inondables, mais par des bâtiments adaptés à l’environnement et aux risques. Il faut utiliser les interstices, les délaissés d’infrastructures. Il faut changer nos procédures. Il faut changer NOTRE FAÇON D’APPLIQUER LE DROIT. Il faut changer notre façon de concevoir les choses, passer, SORTIR DU RESPECT PASSIF D’UNE RÉGLEMENTATION DE PLUS EN PLUS PESANTE. » Aujourd’hui, il semble affirmer qu’une fermeté politique grandissante est nécessaire. La loi littoral a été votée en 1986 et c’est entre 1980 et 1999 que la pression immobilière a été la plus forte (+ 3 000 maisons en 10 ans sur ce secteur). Cherchez l’erreur…
Claudine GOICHON