Education et apprentissage : intervention de Matthieu Orphelin

Intervention prononcée lors de la session du 21 octobre 2011 consacrée à la Décision Modificative 2 (DM2), par Matthieu ORPHELIN, président de la Commission Éducation et Apprentissage.

 

Chèr-e-s collègues,

 

Il m’apparaît impossible de débattre aujourd’hui d’éducation sans commencer par avoir une pensée pour Lise Bonnafous. Madame Bonnafous était professeure de mathématiques au Lycée public Jean-Moulin de Béziers. Il y a une semaine, elle s’est immolée par le feu, dans la cour de récréation, devant les élèves et ses collègues. En se suicidant, elle leur a lancé ces quelques mots : « C’est pour vous… ». Un geste d’une violence extrême, jamais vu dans un établissement scolaire, infiniment lourd de symboles. Imaginons que cela aurait pu se passer dans l’un des lycées de notre région.

 

J’ai eu, depuis, des échanges avec des professeurs du lycée Jean-Moulin. Ils révèlent, au-delà des circonstances personnelles, de la solitude, de la fragilité et du courage mainte-fois soulignés de cette professeure, le malaise fort qui existait là-bas. Une délégation de professeurs du lycée avait été récemment reçue en urgence au rectorat, avec une écoute certes attentive mais sans aucune action corrective mise en œuvre.

 

Plus globalement, les langues se délient, les études sont dévoilées, confirmant par les chiffres ce que tous savent depuis longtemps. La situation est devenue très difficile dans de nombreux établissements. Les professeurs sont victimes à 17 % de burn-out, contre 11 % en moyenne dans les autres métiers. Le monde de l’éducation est en souffrance grave. Lui redonner confiance doit être le chantier majeur des prochaines années. C’est évidemment en priorité par l’éducation, par l’école, par le lycée qu’on redonnera à toutes et tous, aux jeunes et aux enseignants, la force de croire à l’avenir.

 

La mort de Lise Bonnafous n’a pas fait longtemps la une de la presse. Mais il faudra s’en souvenir longtemps.

 

 

Revenons aux décisions budgétaires que nous présentons à votre vote cet après-midi.

 

Pour l’éducation et l’apprentissage, cette décision modificative du budget est peu significative en termes financiers ; le Budget primitif 2011 avait été bien « calibré ». Mais, au-delà de cet aspect purement comptable, cinq points illustrent aujourd’hui le sens politique de notre action.

 

→ Le premier point, c’est notre volonté de tenir nos engagements ; « nous faisons ce que nous disons », c’est notre «leitmotiv », notamment sur les dotations aux lycées publics

 

Lors de la DM2 2010, nous avions adopté, pour l’exercice 2011 seulement, des dispositions à caractère exceptionnel en appliquant une réfaction de 2 millions d’euros sur la Dotation annuelle des crédits de fonctionnement pour ceux des lycées publics qui disposaient de fonds de réserve importants. Cela nous a permis de financer de nouvelles mesures éducatives dans les mêmes lycées publics.

Nous nous étions également engagés à réexaminer les situations de 20 lycées pour lequel notre décision posait question aux proviseurs, par un bilan à mi-année, ce que nous avons fait. Nous ré-abondons ainsi 20 établissements dont 7 parmi ceux que nous avions mis sous surveillance.

 

En arrêtant aujourd’hui le montant de la Dotation pour 2012 à 32 millions d’euros, nous revenons comme promis au niveau de 2010 et nous le maintiendrons pour les deux exercices suivants.

 

 

→ Le second point, c’est notre volonté de trouver des solutions pour assurer nos obligations réglementaires de financement des lycées privés, même si l’Etat n’a toujours pas compensé en totalité ces charges.

 

L’enseignement privé est d’ailleurs aussi touché par les réductions de moyens imposées par le gouvernement et pour la première fois, a lui aussi fait entendre son désarroi dans la rue, le 27 septembre dernier. Un nouveau rassemblement est prévu ce samedi devant la préfecture.

 

Nous venons d’achever avec l’URADEL et l’AREPLAE une longue et parfois difficile négociation. Mais le résultat est là. Emmanuelle Bardin était hier avec nous et avec l’ensemble des représentants des lycées privés de la Région, j’espère qu’elle partagera avec nous ce qu’elle a retenu des déclarations de ces représentants quant aux actions mises en œuvre par le Conseil Régional et à la qualité de l’accord obtenu.

 

Depuis 2009, date à laquelle les Régions sont devenues compétentes pour fixer les modalités de calcul du forfait d’externat, part personnel TOS, nous avons revalorisé annuellement ce forfait sur la base de l’évolution du point d’indice de la fonction publique.

En effet, nous attendions les conclusions de la Commission Consultative d’Evaluation des Charges concernant une juste compensation des charges liées au transfert de 2004, conclusions qui n’ont toujours pas été rendues.

Dans le contexte budgétaire extrêmement contraint que nous connaissons, nous avons donc décidé d’entamer la concertation avec l’URADEL et l’AREPLAE sur la base d’une revisite globale des dotations que ce soient en fonctionnement ou en investissement.

 

Le protocole d’accord sera mis au vote lors de la Commission permanente du 14 novembre car le calendrier n’a pas permis que ce protocole soit présenté à la DM2.

 

Trois principes ont présidé à cette négociation :

 

– Nous actons le besoin d’abonder le 2nd forfait d’externat, pour concourir à améliorer les contrats de travail des agents techniques de ces établissements. Cette allocation s’effectuera principalement par redéploiement de crédits facultatifs existants.

 

– L’action publique régionale garantit à tous les lycéens et particulièrement ceux de milieux modestes un égal accès à la formation. Aussi, seront reconduites les aides à caractère social (gratuité des manuels scolaires, premiers équipements professionnels, fonds social lycéen et pour l’année à venir l’ordinateur pour ceux qui en sont démunis).

 

 

– La Région soutiendra plus l’investissement immobilier des établissements privés, sur les priorités que nous nous sommes fixées (énergie, handicap, internat).

 

La Région abondera donc, en 2011, au titre du forfait d’externat – part personnel TOS aux établissements privés relevant de l’Education Nationale à hauteur de 1 million d’euros

 

Sur la période 2011/2016, la négociation représentera un surcoût moyen annuel de 0,9 million d’euros en contribution obligatoire de fonctionnement et une augmentation annuelle moyenne de 1,8 millions d’euros en investissement.

 

Pour arriver au bouclage financier, cet accord financier comprend une suspension des crédits éducatifs concentrés et d’un différé de mise en œuvre des séjours en Europe. Les mots ont un sens. Suspendre ne veut pas dire supprimer. Différer ne veut pas dire supprimer. Nous tiendrons nos engagements de les rétablir, notamment si le budget 2012 accordé par l’Etat sur ces lignes est meilleur qu’en 2011.

 

En année pleine, c’est près de 870 000 € qui sont ainsi redéployés, soit moins de 5 % des contributions facultatives de la région (20 M€/an). L’accord préserve plus que l’essentiel.

 

Vu du côté des établissements privés, dans une approche globale des contributions obligatoires, le coût moyen élève alloué par la Région passe de 599,8 € à 683,41 € pour l’enseignement privé sous contrat avec l’Education nationale.

 

 

→ Le troisième point, c’est notre volonté de faire de tous les lycées et CFA des établissements engagés dans le développement durable

 

Aujourd’hui, vous est présenté le règlement d’aides dans le cadre de notre expérimentation avec 37 lycées sur le développement d’une restauration durable. Les projets des établissements vont être finalisés début novembre. On part de loin, avec par exemple moins de 2 % d’agriculture bio dans nos lycées. Mais certains sont déjà proches de 20 % et sans aucun surcoût. Nous soutenons et accompagnons cette mobilisation.

 

 

→ Le quatrième point, c’est une volonté équilibrée de soutien aux deux voies de réussite professionnelle que sont l’apprentissage et es lycées professionnels, sans que l’un ne vampirise l’autre

 

Il n’y a pas UNE VOIE ROYALE à l’instar de ce que l’Etat veut nous faire croire à grand renfort de marketing… Nicolas Sarkozy vient d’ailleurs encore de nous faire une sortie assez ahurissante. Il a demandé à Luc Chatel de réfléchir sur la possibilité de rendre obligatoire l’apprentissage lors des dernières années de préparation dans les lycées professionnels.

Encore une annonce sans aucune concertation avec les Régions qui ont pourtant compétence pleine et entière sur l’apprentissage. Encore un grand écart avec la réalité au moment où, lorsque des sections mixtes lycéens-apprentis existent, l’Etat supprime ou réduit les moyens humains nécessaires à leur fonctionnement. C’est le cas en Pays de la Loire, cher Franck Louvrier, il faut que vous fassiez profiter le Président, entre deux biberons, de votre expérience de conseiller régional pour lui parler des 30 sections mixées qui existent ici.

Mais il y a plus grave. Une nouvelle fois, le Président de la République présente l’apprentissage comme la solution unique pour permettre l’employabilité des jeunes. Sa stratégie est maintenant claire : il s’attaque aux lycées professionnels dans le seul but de réduire ses dépenses.

 

Au contraire, en Région Pays de La Loire, nous souhaitons un développement équilibré des lycées professionnels (41 000 jeunes) et de l’apprentissage (30 000 jeunes). Cette volonté politique, nous en avons fait une condition préalable à la signature du Contrat d’objectifs et de moyens pour la période 2011/2015 dont le rapport d’orientation est soumis à votre approbation.

 

Ce contrat est en cours de finalisation, c’est la raison pour laquelle il ne sera présenté au vote qu’à la Commission permanente du 14 novembre et non pas parce qu’il y aurait quelque chose à « cacher ». Il est stabilisé sur une base annuelle de 19,5 millions d’euros (nous resterons donc au niveau de 2010) et une progression des effectifs arrêtée à + 3 500 pour la période couverte par le COM. Nos efforts en matière d’effectif supplémentaire se porteront pour les 2/3 aux niveaux BTS, licence, ingénieur et nous accélérerons l’ouverture de sections d’apprentissage dans les CFA de l’Education Nationale (20 % d’effectifs en plus).

 

Ce contrat est constitutif de la politique régionale en matière d’apprentissage dont le budget, je le rappelle, s’est élevé à 154 millions d’euros en 2011. 19,5 M€ sur 154 M€, ça ne fait que 12 % du total. La contribution de l’Etat est modeste, vous en conviendrez.

 

La négociation a été longue et laborieuse avec l’Etat, tout d’abord sourd à nos arguments sur l’effort important déjà consenti par notre Région lors du précédent COM et la nécessité de lier la croissance des effectifs à l’augmentation des moyens.

Certain(e)s ont jeté le trouble sur cette négociation et utilisé le terme indécent de prise d’otages ; moi, je préfère dire que nous avons défendu jusqu’au bout une certaine idée de l’apprentissage complémentaire à la formation initiale sous statut scolaire, adossée à une exigence de qualité mais aussi de développement économique de nos territoires. Et au final, l’Etat met 19,5 M€ au lieu de 14 M€.

 

Le COM, dès son article 1, précisera notre choix politique :

L’équilibre avec l’enseignement professionnel sous statut scolaire. Il ne peut y avoir de substitution des formations par apprentissage aux formations sous statut scolaire.

 

En évoquant ce Contrat d’objectifs et de moyens, je ne peux m’empêcher de vous donner les derniers chiffres qui m’ont été communiqués concernant les effectifs de nos CFA pour cette rentrée. Ils sont bons, à ce jour déjà 98 % du nombre de contrat ssignés l’an dernier, ils devraient au final légèrement dépasser ceux de 2010, même si des disparités demeurent entre certaines filières notamment.

Je voudrais dire à celles et ceux qui ont joué les « cassandre » que je n’ai pas reçu une seule lettre, un seul appel téléphonique, soit d’un jeune, soit d’une famille, soit d’une entreprise me signalant qu’un contrat d’apprentissage n’avait pu être signé à cause de la réorientation de nos primes aux employeurs d’apprentis.

D’ailleurs, dans le même temps, nous avons continué à élargir l’offre de formation. Ainsi, 700 nouvelles places ont été ouvertes en deux ans, notamment pour répondre aux besoins en compétences en lien avec les métiers de demain (cf. EURESPACE : nouveau bâtiment, nouvelles formations), places qui sont pratiquement toutes pourvues ou en voie de l’être.

Tout cela conforte bien évidemment nos orientations politiques et assoie leur légitimité.

 

 

→ Le cinquième point, c’est la concrétisation de notre dispositif « ordinateur pour ceux qui en sont démunis », pour près de 2 millions d’euros.

 

Ce dispositif est désormais dénommé ORDIPASS.

 

Je voulais revenir sur notre méthode et notamment la pertinence de la phase d’expérimentation.

Au cours de l’année scolaire 2010/2011, nous avons testé l’attribution d’un ordinateur sous conditions de ressources auprès de 400 lycéens et apprentis.

Nous avons mis en place un comité de suivi où les différents représentants de la communauté éducative étaient présents.

Et nous avons tiré les enseignements pour décider de la généralisation selon des modalités qui n’étaient pas forcément celles que nous avions envisagées au départ.

Mais nous savons qu’elles faciliteront la mise en œuvre de cette mesure car elles s’appuient sur « le terrain », ses besoins et ses contraintes.

Ainsi, les jeunes lycéens et apprentis entrant dans le second cycle, boursiers ou au regard du quotient familial, vont se voir doter d’un ordinateur portable, plébiscité par tous, moyennant une participation dégressive.

10 000 jeunes seront éligibles et nous pensons qu’un 1/3 déposera un dossier de demande.

Nous n’avons pas oublié le volet éducatif puisqu’une sensibilisation aux usages sera faite via des actions de sensibilisation lors de la remise de l’équipement, un logiciel intégré et la remise d’une brochure. Il ne s’agit pas de laisser croire que ces ordinateurs ne seraient que prétexte pour consulter son mur face book ou surfer sur Internet.

Nous avons d’ailleurs l’ambition de renforcer, au travers de cette mesure, les usages pédagogiques de l’ordinateur en lien avec le déploiement de l’espace numérique de travail e-lyco ou l’utilisation des manuels numériques.

Début 2012, nous allons accompagner, à titre expérimental de nouveau, quelques établissements qui veulent se lancer dans cette voie innovante.

 

Doter les jeunes aux revenus modestes d’un ordinateur n’est pas une mesure gadget come je peux l’entendre ici ou là, il s’agit bien de donner les mêmes chances à tous les lycéens et apprentis d’accéder à de nouveaux outils, de nouveaux supports, plus interactifs et plus ludiques au service de leur réussite.

 

***

En conclusion, vous l’aurez constaté, cette décision budgétaire signe la mise en œuvre du projet éducatif régional intégré désormais au Schéma régional des jeunesses mais aussi et peut-être surtout une manière de « faire » :

– de l’expérimentation à la généralisation d’une mesure : le cartable numérique

– de la concertation responsable et des exigences affirmées concernant l’apprentissage (COM) et l’enseignement privé

– des engagements annoncés et respectés (budget des lycées).

 

En d’autres termes, nous ne sommes dans le paraître mais bien dans l’action pour préparer l’avenir des jeunes de notre région.

 

Matthie ORPHELIN

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