[DM2] Sophie Bringuy présente le Schéma Régional de Cohérence Écologique : « Il nous appartient à toutes et tous d’agir à notre niveau »

SB

Monsieur le président, Chers/ères collègues,

Le Schéma Régional de Cohérence Écologique a été co-piloté par l’État et le Conseil régional des Pays de la Loire.

Avant de vous présenter le travail mené depuis 2011, posons-nous une question : pourquoi un schéma régional de cohérence écologique ?

La fragmentation des espaces est l’une des principales causes d’érosion de la biodiversité. Elle a été exponentielle depuis la fin de la seconde guerre mondiale, avec une urbanisation massive et parfois sauvage, mais aussi les modifications des systèmes agricoles qui ont appauvri les paysages.

Notre région porte une responsabilité particulière en la matière, à plusieurs titres :

  • Avec plus de 6 % de son sol artificialisé, les Pays de la Loire sont la 9ème région la plus artificialisée de France. Et la tendance va en s’aggravant, nous sommes malheureusement la Région où ce phénomène s’accélère le plus.
  • Notre territoire est riche de sa biodiversité, et nous avons une responsabilité nationale, voire plus, à la préserver. Ainsi, nous trouvons en Pays de la Loire environ 32% de la flore indigène de France métropolitaine et 12% de la flore européenne. La diversité faunistique régionale représente 69% des poissons d’eau douce de France métropolitaine, 69% des Mammifères, 50% des Amphibiens et de l’avifaune nationale nicheuse. Malheureusement, beaucoup sont menacées, entre 35 et 55 % en fonction des espèces.

Il nous appartient donc à toutes et tous, acteurs et actrices du territoire, d’agir à notre niveau, pour freiner cette érosion, et surtout inverser la vapeur.

Après l’échec de la politique française de préservation de la biodiversité menée pendant des années, et qui reposait sur la seule protection de certains îlots remarquables, les travaux du Grenelle de l’environnement ont acté l’importance de prendre en compte la fonctionnalité des espaces et les interactions des écosystèmes. C’est l’objet même du SRCE, qui identifie les réservoirs de biodiversité de notre territoire, ces espaces où la faune et la flore trouvent ce qu’il leur faut pour se nourrir, se reproduire, bref vivre. Et parce que ces espaces ne se suffisent pas à eux-mêmes, la démarche SRCE nous invite à restaurer et préserver les continuités écologiques, nécessaires pour les relier entre eux, les fameuses trames vertes et bleues.

L’élaboration du SRCE a commencé il y a plus de quatre ans, en 2011. Elle s’est faite dans le cadre de groupes de travail où étaient représentés les acteurs des cinq collèges définis par le Grenelle de l’environnement. Nous avons aussi voulu associer les territoires au plus près, via trois séries d’ateliers dans chaque département, aux étapes clefs du processus. Un travail exemplaire de co-construction, d’échanges horizontaux et verticaux. Un travail de qualité réalisé dans la transparence. Au bout du processus, le SRCE a bénéficié d’un avis favorable et sans réserve de la Commission d’enquête, c’est assez remarquable pour le souligner. Mardi, l’avis favorable présenté au Conseil économique, social et environnemental régional (CESER), qui souligne la qualité de la concertation menée et du travail réalisé, tout en pointant à juste titre les imperfections du SRCE, a été voté quasi-unanimement (88 pour, 4 abstentions). C’est aussi assez rare pour être souligné.

Je tiens aujourd’hui à remercier toutes les structures et personnes qui ont contribué au SRCE, je les remercie pour leur temps, leurs contributions, leur participation aux échanges. Je tiens aussi à remercier les services de l’État et de la Région pour la qualité de leur la travail et de notre coopération, pour leur engagement à voir émerger un SRCE dont nous pouvons toutes et tous être fiers.

Un travail dont nous pouvons être fiers, un travail de qualité. Mais aussi – je le soulignais à l’instant en référence à l’avis du CESER – un travail insatisfaisant. En effet, nous avons fait au mieux, avec les informations dont nous disposions. Mais nous avons encore du chemin à parcourir en termes de connaissance de la biodiversité régionale. Nous le savons, c’est pour cela que c’est une priorité de notre Plan d’action régional pour la biodiversité. Notre SRCE reflète ainsi nos lacunes : manque d’informations, données non homogènes, méconnaissances du fonctionnement de certains écosystèmes. Autant d’éléments sur lesquels il nous faudra travailler durant les prochaines années. Juste un exemple : la classification des cours d’eau a bien montré les limites des bases de données actuelles. La seule base de données de niveau régional existante réalisé par l’Agence de l’eau, Carthage, a ainsi été mise de côté car ses données n’étaient pas fiables et les consacrer dans le SRCE provoquait de fortes inquiétudes. Le SRCE considère donc aujourd’hui que tous les cours d’eau sont des corridors écologiques, et renvoie au travail réalisé dans les territoires.

Ce SRCE, une fois adopté, sera donc une base à enrichir régulièrement. Je souhaite qu’il soit évolutif, pourquoi pas en partie interactif, et n’attende pas six ans et des procédures lourdes pour se mettre à jour. Et ce même s’il est amené à être intégré dans le futur Schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’équilibre des territoires (SRADDET). Cette vision régionale des dynamiques éco-systémiques doit être en dialogue avec le travail réalisé sur les territoires, notamment dans les documents de planification.

Un travail qui doit aussi toutes et tous nous interpeler : certaines personnes se sont inquiétés que 35% du territoire soient identifiés en réservoirs de biodiversité. 35%, ce serait trop ? Je reviens à ce que j’ai dit plus haut. Un réservoir de biodiversité, ce n’est pas une réserve naturelle. On appelle réservoir au sens de la loi, les espaces en bon état écologique, c’est-à-dire où on estime que les espèces trouvent tout ce dont elles ont besoin pour vivre. Dire qu’il y a 35% du territoire en réservoir de biodiversité, c’est aussi dire que 65% de notre territoire est en mauvais état écologique. Ce constat doit appeler à notre mobilisation. Car là où la nature va mal, l’humain va mal. Je vais simplement rappeler deux chiffres :

  • Le premier est issu du travail préparatoire au Sommet Mondial de Nagoya sur la biodiversité, d’octobre 2010. 40% de l’économie mondiale repose sur les services rendus par la nature : production alimentaire, plantes et santé, matières premières, etc.
  • Le second est une publication du mois dernier des économistes de la Banque Mondiale : 145 millions de millions d’euros. C’est la somme des services rendus par la nature à l’humanité. Soit deux fois le Produit Intérieur Brut Mondial.

Pour moi, la nature a une valeur intrinsèque. Je n’ai pas besoin de ces chiffres pour être convaincue, c’est une question de respect du vivant. J’espère que celles et ceux qui ne sont pas convaincus comme moi seront interpelés par ces chiffres significatifs : 40% de l’économie mondial, deux fois le PIB mondial.

Le SRCE n’est qu’un des leviers à actionner pour changer la donne. Il nous appartiendra de le faire vivre. Et la Région s’y est déjà attelée depuis un moment, à trois niveaux :

  • Depuis 2011, et sans attendre le SRCE, nous avons lancé les Contrats Nature. C’est un dispositif dédié à la restauration des continuités écologiques à l’échelle des territoires. Il permet de soutenir financièrement et techniquement la mise en œuvre de projets concrets de restaurations d’espaces dégradés sur la base de diagnostics préalablement établis par les territoires demandeurs. Dix Contrats Nature ont été signés pour un montant total de 2 986 187 € de participation régionale, soit une subvention régionale moyenne de 298 618 € par Contrat. Au total, ce sont 227 actions et 258 communes concernées sur l’ensemble du territoire régional, 83 maîtres d’ouvrages différents et une multitude de partenaires mobilisés (Départements, communautés de communes, communes, associations naturalistes, d’éducation à l’environnement, Syndicats de bassins, particuliers, agriculteurs, chambres consulaires, Fédérations, Offices Nationaux, etc.). Enfin, les Contrats Nature ont porté sur toutes sortes de territoires (ruraux, urbains, littoraux, rétro-littoraux, fluviaux, de bocage, etc.).
  • Depuis 2014, et conformément aux attentes qui sont ressorties du bilan du premier Plan d’Action Régional pour la Biodiversité, la Région soutient les initiatives territoriales pour préserver et conforter les complexes bocagers. Huit dossiers sont soutenus en 2015 pour un montant de 966 326 €.
  • Enfin, et c’est une particularité de la Région des Pays de la Loire. En tant qu’autorité de gestion des fonds européens, nous avons relié les mesures agro-environnementales et climatiques avec les réservoirs de biodiversité. Ainsi, les paysans, paysannes, agriculteurs, agricultrices dont les pratiques ont permis la préservation de zones de qualité pour la biodiversité vont bénéficier dès 2016 d’un soutien pour poursuivre leur travail, s’ils n’étaient pas déjà éligibles aux aides en 2015.

D’aucuns continueront à regretter le faible niveau d’opposabilité du SRCE. D’autres s’inquiètent que son statut juridique ne soit renforcé. Dans tous les cas, l’État et la Région s’engagent à ce que le document soit remis en débat pour prendre en compte les évolutions règlementaires en cours et éventuelles.

Pour ma part, je suis persuadée que même si le SRCE s’imposait à toutes et tous, même s’il était gravé dans le marbre, du moment où il ne susciterait pas l’adhésion, il resterait lettre morte. A présent donc, le plus important est d’expliquer les trames vertes et bleues, pour que la dynamique qui sous-tend le SRCE, la vision systémique qu’il formalise, puissent stimuler nos imaginaires, ceux des acteurs et actrices de nos territoires, et que notre SRCE se mette en mouvement et prenne corps. Je vais conclure avec les mots de clôture du Président de la Convention Mondiale de la diversité biologique du 17 octobre 2014 : « Protéger la vie est une tâche urgente qui ne peut pas attendre ».

Merci de votre écoute.

 

Laissez un commentaire

Remonter