DEBAT REGIONAL ENERGIE : INTERVENTION DE JEAN-PHILIPPE MAGNEN

Jean-Philippe MAGNEN,  Président du groupe des élu-e-s EELV au Conseil Régional.      3ème vice-président du Conseil Régional.   Président de la commission de l'Emploi, de la Formation professionnelle et des métiers de demain.

Intervention prononcée par Jean-Philippe Magnen, vice-président du Conseil Régional des Pays de la Loire, président  groupe Europe Écologie Les Verts, le 14 novembre 2011 à l’occasion du débat régional énergie qui s’est tenu à l’Hôtel de Région.

 

La majorité régionale avait pris l’engagement d’organiser un débat sur l’énergie avant la fin de l’année 2011, c’est chose faite aujourd’hui et nous nous en réjouissons tant les questions relatives à une transition énergétique sont au cœur de la transformation sociale et écologique que nous souhaitons pour notre région, pour notre pays, pour le monde.

Un engagement volontariste et courageux, qui mérite d’être salué.

Volontariste, car, à quelques mois des élections présidentielles, un débat sur l’énergie est indispensable à notre pays et est déjà au cœur des débats sur la question de la sortie ou non du nucléaire.

Courageux, car au lieu de balayer certaines divergences qui peuvent exister au sein de notre majorité régionale d’un revers de main ou de tenter de les dissimuler, nous abordons ce sujet, sereinement et en toute transparence aujourd’hui dans l’hémicycle.

 

Car oui, je le dis assez tranquillement, socialistes, communistes, écologistes, nous ne sommes pas d’accord sur tout.

Nous ne sommes pas d’accord, cela n’a eu de cesse d’être souligné, sur la construction d’infrastructures lourdes comme l’aéroport de Notre Dame des Landes.

Nous ne sommes pas toujours d’accord sur la priorisation de nos objectifs.

Nous ne sommes pas non plus unanimes sur un sujet comme le nucléaire, même si je ne m’interdis pas de penser que nos positions finiront par converger…

Pour preuve notre accord électoral qui, comme le rappelait ma collègue écologiste et vice-présidente à l’Energie, Emmanuelle Bouchaud, interdit tout nouveau recours à l’énergie nucléaire en Pays de la Loire.

Autre pas, l’adoption d’un vœu demandant collectivement au gouvernement de revoir sa copie sur la ligne THT Cotentin-Maine (ligne à très haute tension visant à acheminer l’électricité de la centrale de Flamanville à travers la Manche et la Mayenne).

Enfin, l’adoption d’un vœu prônant la sortie progressive du nucléaire, au sein de ce même hémicycle, unissant socialistes et écologistes autour de cette cause, est un signal fort et très cher à nos yeux. Un signal d’autant plus fort qu’il ne s’est pas cantonné aux Pays de la Loire, dans une quinzaine de Régions, un texte similaire a été approuvé.

 

Aujourd’hui, après Fukushima, c’est une évidence, un impératif pour les générations futures qu’il faut sortir du nucléaire.

Pour autant, la France persiste et signe dans sa volonté de rester l’exception (plus de 75% de son électricité produite par le nucléaire) sans remise en cause. La France ne doute pas. Le nuage des incertitudes portées par Fukushima semble là encore s’être arrêté à nos frontières.

 

Les arguments qui avaient cours avant la catastrophe n’ont même pas été congédiés : le nucléaire français, proclament industriels et politiques, c’est la sécurité, l’indépendance énergétique, l’électricité bon marché, et pour toujours !

 

Ce débat n’est donc pas nouveau dans notre pays, et nous nous réjouissons qu’il soit rouvert aujourd’hui et de façon beaucoup plus transparente, même si le lobby nucléaire fait feu de tout bois ces dernières semaines pour mettre en garde ceux qui seraient amenés à remettre en cause l’existence à terme de la « filière d’excellence nucléaire ».

 

 

Rappel historique pas inintéressant dans la période : jusqu’aux années 70, l’opinion française n’est pas favorable au nucléaire civil. Une enquête de 1973, centrée sur la crise du pétrole d’alors, indique que 58% des personnes interrogées sont d’accord pour accroître l’indépendance énergétique de la France mais 46% par le solaire et seulement 35% par le nucléaire. Sondage IFOP Et je ne cite pas toutes les enquêtes favorables au développement des énergies vertes à cette époque – soigneusement peu diffusées dans les médias. Et pourtant, les choix énergétiques de la France ont été exactement inverses, il a fallu des trésors de rhétorique dans les protocoles d’enquête pour parvenir à faire basculer l’opinion.

 

Alors essayons d’éclairer ce débat. Cela n’est plus contesté par personne : notre consommation énergétique se trouve face à de multiples contraintes. Mêmes les projections les plus optimistes nous préviennent qu’au rythme actuel, il ne nous reste plus que quelques dizaines d’années de pétrole, une cinquantaine d’année de gaz naturel, à peine plus pour l’uranium.

Les effets néfastes de notre mode de consommation et de production actuel sont innombrables : changement climatique, accumulation de déchets radioactifs, pollution de l’air, de l’eau, du sol, effets néfastes sur notre santé ou des connivences avec des régimes douteux. Sans parler des risques que nous faisons encourir (marées noires, catastrophes nucléaires…etc) comme nous l’a tristement rappelé Fukushima.

 

C’est pourquoi il est temps de renoncer au mythe gaulliste de l’indépendance énergétique française. Non la France, n’est pas plus autonome qu’un autre pays en matière énergétique. Faut-il rappeler que ni l’uranium ni le pétrole ne pousse dans nos champs ?

Les chiffres parlent d’eux-mêmes :

En 2009 la consommation énergétique de pétrole par habitant était de 1,06 tep contre 1,01 en Allemagne, 0,99 au Royaume Uni.

Oui, la spécificité nucléaire française fait de notre pays un cas unique. La dépendance à l’électricité d’origine nucléaire (76%) nous oblige d’ailleurs à importer tous les hivers (pic de consommation oblige) de l’électricité de nos voisins, notamment les Allemands. Est-ce là l’indépendance énergétique dont nous avons besoin ?

 

Ce modèle à la française, contrairement aux idées reçues, nous maintient dans une relation de dépendance énergétique farouche. La question du nucléaire permettant souvent de dissimuler notre dépendance au pétrole tout en expliquant le sous-investissement français dans le solaire, l’éolien et les autres énergies renouvelables.

Tout cela est pourtant le résultat d’une politique. Dans l’après Grenelle, la majorité UMP a ainsi limité le développement de l’éolien terrestre, en multipliant les interdictions de tous ordres (plus de 3 projets sur 4 sont remis en cause en Mayenne par exemple). Cette même majorité a complètement désorganisé la filière photovoltaïque…

 

Autre point en rapport avec un sujet brûlant d’actualité, l’EPR de Flamanville, arrêter ou continuer ? : sortir du nucléaire, ou même réduire sa part dans le bouquet énergétique, suppose d’abord, de ne pas l’augmenter. A qui fera-t-on sérieusement croire qu’on sortira de la dépendance à l’énergie nucléaire en commençant par accroître ses capacités de production ? Une stratégie énergétique nationale s’élabore à vingt ans, pas à quinze jours. Le réacteur de Flamanville étant conçu comme un réacteur « tête de série », décider d’aller au bout de l’EPR, c’est décider, sans le dire vraiment, qu’on maintiendra, pour les années à venir, la production nucléaire française. Et engager, sans le dire du tout, notre pays sur la voie du renouvellement de son parc nucléaire.

 

Il faut engager dès à présent la transition énergétique. Et soyons clairs :

o Non les écologistes ne prônent pas la sortie brutale et abrupte du nucléaire. Nous avons depuis plusieurs années construits des scénarios crédibles et responsables pour engager cette nécessaire transformation.

o Et non cela ne coûtera pas plus cher que la politique énergétique actuelle qui continue à investir à perte de manière aveugle et irresponsable dans le nucléaire. Combien de milliards d’euros l’Etat continuera-t-il à injecter dans le projet d’EPR à Flamanville qui a déjà plus que doublé sa facture initiale. N’est-il pas temps d’arrêter les frais ? La seule étude indépendante évalue d’ailleurs à 410 milliards d’euros d’investissements cumulés la sortie du nucléaire contre 470 milliards pour la poursuite et le renouvellement du parc.

o Non, la sortie progressive ne supprimera pas 500 000 emplois. Propos hallucinants et mensongers prononcés la semaine dernière par M. Proglio. D’où le PDG a-t-il d’ailleurs sorti ces chiffres aberrants ? Faut-il rappeler les chiffres probants de notre voisin allemand ? Selon les chiffres de l’Institut pour la recherche économique écologique, le secteur des énergies renouvelables comptait 370 000 emplois en 2010 soit un doublement vis-à-vis de 2004. Elle devrait dépasser les 500 000 emplois en 2020 doublant ainsi le secteur de l’industrie automobile et de la chimie(1).

Et je pourrais continuer sur ce dossier, en parlant des investissements, de l’impact sur la facture d’électricité, du coût du démantèlement des centrales non intégré dans le coût global pour l’instant, du coût de sortie de l’électricité pour un EPR dernière génération et la comparaison avec l’éolien, aujourd’hui, chers collègues, toutes les études et chiffres existent pour prouver cela et amorcer le scénario de sortie dès maintenant en proposant aux citoyens des solutions crédibles et accessibles.

 

Alors oui, cette transition ne peut pas se faire seulement par le développement des énergies renouvelables mais bien sur par un plan d’économies et de sobriété énergétiques, qui s’appuiera sur les territoires. Car c’est là, au plus près des citoyens qu’il faut enclencher les dynamiques, convertir les savoir-faire et développer un modèle plus économe en énergie.

C’est ce que pas à pas, nous avons enclenché ici en Région Pays de la Loire. Car l’enjeu énergétique est éminemment transversal et les 3×30% doivent irriguer toutes nos politiques publiques : agriculture, transport, éducation, nouvelles filières industrielles

Tout cela, ma collègue Emmanuelle Bouchaud l’a déjà dit : c’est la transformation écologique en actes !

 

C’est donc avec une certaine forme de colère et d’amertume que j’entends ces contre-vérités propagées à foison par des hommes et des femmes politiques sur le nucléaire en ce moment. Nous avons une responsabilité collective : celle d’engager notre société dans un avenir prometteur, celle de fournir des solutions aux impasses devant lesquelles nous nous trouvons.

 

Vous le voyez, nous faisons ici en Pays de la Loire de nos divergences, de ces débats une force. Nous nous en nourrissons pour préparer notre avenir. Et nous préparons de manière engagée l’avenir de notre territoire et des citoyens et des citoyennes qui nous ont élu-e-s pour ça : assurer la transformation écologique et sociale de notre économie. Nous sommes convaincus que cet avenir ne pourra se faire qu’en accompagnant notre autonomie vis-à-vis des énergies fossiles et nucléaire. Et nous sommes confiants dans le fait que l’avenir nous donnera raison.

 

Jean-Philippe MAGNEN

 

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