[C-Presse] RENTREE SCOLAIRE : IL FAUT REINVESTIR 1 MILLIARD D’EUROS PAR AN DANS L’EDUCATION !

Par Matthieu Orphelin, Vice Président de la Région Pays de la Loire en charge de l’éducation et de l’apprentissage

 

Sous l’ère Sarkozy, les rentrées scolaires se ressemblent. Luc Chatel a succédé à Xavier Darcos rue de Grenelle mais la ligne politique est inchangée depuis le début du quinquennat: l’éducation est principalement considérée comme une dépense qu’il faut maîtriser. Le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux est appliqué chaque année avec méthode et même zèle dans certaines académies, les recteurs étant récompensés au mérite en fonction du nombre de postes supprimés.

Résultat ? Encore 16 000 postes en moins dans les établissements scolaires en septembre 2011, soit au total moins 70 000 depuis 2007.  Pour quels gains ? Ridicules sur le plan économique : autour de 250 M€ / an selon les estimations concordantes des syndicats et du rapporteur UMP du budget à l’assemblée nationale, soit 0,4 % du budget annuel de l’éducation nationale. Avec, par contre, des conséquences très négatives pour la pédagogie et notamment pour l’accompagnement de ceux qui en ont le plus besoin. Le démantèlement en cours des réseaux d’aide spécialisé aux élèves en difficulté, les problèmes de remplacement des professeurs ou d’affectation des jeunes en sont autant d’exemples.

Tout ne se réduit théoriquement pas aux questions de moyens. Mais aujourd’hui, sous cette saignée, on en manque tellement que dans la quasi-totalité des établissements  la situation devient catastrophique.

Une autre politique éducative est pourtant possible. Il faudra que le ou la prochain-e Président-e de la République et son gouvernement (j’espère de gauche et écologiste !) y consacrent 1 milliard d’euros en plus par an pour réussir la rentrée 2012.

Question préliminaire : comment financer ce nouvel effort ? Point essentiel dans un monde en crise et où le poids de la dette nous accable. Il existe quelques dizaines de milliards de niches fiscales dépassées ou inefficaces. L’une d’entre elle, qui n’a aucun intérêt social et qui plus est environnementalement néfaste, est l’exonération de taxes sur les carburants pour l’aviation. Cette mesure baroque, dénoncée par les écologistes depuis des lustres, ne survit que grâce à l’inaction et l’étourderie des gouvernements successifs. La supprimer est très simple, il suffit d’un article dans la loi de finance 2012 et le gouvernement récupère immédiatement 1 milliard d’euros/an.

Comment utiliser ce milliard ? Il pourrait être réparti équitablement en 4 grandes priorités :

1. Rétablir la sérénité dans tous les établissements. Pour cela, revenir sur les plus injustes des suppressions de postes de ces dernières années, y consacrer 250 millions par an, pour redéployer entre 10 000 et 15 000 postes.

2. Lutter résolument contre le décrochage scolaire. Le système français est l’un des plus inégalitaires des pays de l’OCDE et la situation continue de se dégrader. Il faut concentrer de nouveaux moyens complémentaires en relançant les ZEP et en dotant les établissements de moyens complémentaires en fonction des difficultés du public accueilli. 250 M€ permettront l’embauche immédiate de près de 13 000 nouveaux professionnels de l’éducation déployés dans les établissements sensibles.

3. Aider financièrement les familles qui en ont besoin. Le coût de la rentrée scolaire a encore augmenté de 7 % cette année alors que l’allocation de rentrée, qui bénéficie à 3 millions de familles, n’est réévaluée que de 1,5 %. En la revalorisant significativement (50 M€) et en permettant à 500 000 familles en plus d’y avoir droit (200 M€), on pourrait œuvrer pour réduire les inégalités d’accès à la formation et à la connaissance.

4. Faire évoluer le modèle éducatif. Le dernier quart sera consacré à stimuler une transformation forte de notre système éducatif. Les projets et expérimentations portées par les équipes pédagogiques doivent être encouragés et soutenus –y compris financièrement- car c’est du terrain que viendront les solutions, pas d’une nième grande réforme. Il faut remplacer la logique de compétition qui prévaut actuellement par une vision coopérative et partagée de la réussite. Il s’agit également de ré-interroger le sens de ce que l’on apprend et notamment de s’organiser pour former des citoyens capables de construire du bien commun.

Parce que préparer l’avenir ne peut pas se limiter à contenir la dette budgétaire. Parce que la dette éducative, comme la dette écologique, sont aussi dangereuses. N’ayons pas peur de réinvestir enfin dans l’éducation. A court terme, nous pouvons nous le permettre ; à long terme, ce sera payant.

 

Matthieu ORPHELIN

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