BUDGET PRIMITIF 2012 : POLLUTION AUX PCB, PLUS JAMAIS CA !
Lors de la session plénière du 26 janvier 2012 du Conseil Régional des Pays de la Loire, Michel Perrier, conseiller régional (Mayenne) a prononcé une intervention sur la politique environnementale et sur les conséquences de la pollution aux PCB en Mayenne.
Monsieur le Président, cher-e-s collègues
L’environnement et le développement territorial sont des politiques clés de l’action régionale et le dernier rapport voté aujourd’hui le montre :
– La politique environnementale reste ambitieuse et le groupe EELV s’en félicite. En cette période de crise, nombreux sont celles et ceux qui font passer ces objectifs au second plan, voire les oublient complètement. Ce n’est pas le cas pour nous : nous maintenons nos ambitions et encourageons les projets concrets et innovants.
– Quant à l’aménagement du territoire, soulignons une réelle professionnalisation de l’action : stratégie, évaluation, diagnostic… Les outils fonctionnent bien. Notons particulièrement l’intérêt du Fonds régional d’études stratégiques, qui va aider les collectivités à structurer leurs projets de territoire.
Je souhaite maintenant aborder un sujet plus spécifique : les pollutions aux PCB et leurs conséquences désastreuses, et en particulier la situation autour de l’usine Aprochim à Grez-en-Bouère en Mayenne. L’entreprise Aprochim est spécialisée dans le retraitement des déchets souillés aux PCB. Un produit interdit en France depuis 1987 car considéré comme potentiellement cancérigène et qui peut entraîner des dommages du foie, avoir des effets sur la reproduction et sur la croissance.
Dès 1988, les écologistes avaient alerté sur les risques et la nécessité d’une vigilance rigoureuse. Un référendum local s’était prononcé contre l’implantation prévue mais des responsables locaux, et non des moindres, avaient choisi de passer outre.
Aujourd’hui, le bilan est lourd pour les communes entourant l’usine. Les problèmes ne se limitent pas à « quelques petites nuisances environnementales ». Dans les exploitations agricoles, les conséquences sont vraiment désastreuses : 400 bovins contaminés abattus, des exploitations sous séquestre, la perte de valeur des terres, l’arrêt de la vente directe pour beaucoup… Certains d’entre eux ne tirent plus aujourd’hui aucun revenu de leur travail et s’endettent.
Les habitant-e-s de ce territoire rural se sentent abandonnés par les autorités publiques, seul-e-s face à un drame environnemental, aux enjeux sanitaires graves.
L’action en justice engagée par la Région dans l’affaire « Aprochim », aux côtés de riverains et d’associations environnementales, est une première réponse apportée. Nous le souhaitions, et nous nous en félicitons. Elle se place dans la continuité d’autres dossiers liés au préjudice écologique, notamment à la suite de l’affaire de l’Érika. Aujourd’hui, cette démarche nous permet d’avoir accès au dossier et de montrer concrètement aux populations touchées et aux élus locaux qu’ils ne sont pas seuls à affronter cette situation. C’est un premier pas, mais il doit être complété par d’autres.
Il ne sera pas suffisant de s’en tenir à clarifier la chaîne des responsabilités entre l’industriel, l’État et l’organisme privé chargé des mesures de contrôle. Il ne s’agit pas de toute façon de vouloir fermer l’usine à tout prix – cette filière de décontamination est nécessaire. Nous le savons bien. Il nous faudra en parallèle être actif pour informer, accompagner et permettre un avenir.
En priorité, trouver la meilleure solution pour stopper définitivement la source de pollution. Une solution technique, dont le groupe Chimirec, qui détient 70 % des parts de l’entreprise, doit assumer le financement. Une fois ce point préalable traité, il faudra pouvoir dépolluer les sols, et accompagner les agriculteurs et paysans dans une période transitoire. Mais aussi se soucier de la santé de ceux qui ont respiré l’air pollué et qui se sont nourris d’aliments contaminés.
Nous serons présent-e-s au cours de ces étapes. Nous le serons au titre de notre nouvelle compétence en matière de déchets dangereux, dont nous nous sommes saisis en 2007, en engageant l’élaboration concertée d’un Plan régional d’élimination des déchets dangereux (PREDD) adopté en janvier 2010.
En 2012, il est prévu de redéfinir ce plan d’action et d’envisager les orientations futures : ce sera l’occasion d’apporter une attention toute particulière aux PCB. Nous le serons aussi au titre de nos politiques de territoires ou encore d’accompagnement économique.
Cette affaire montre une fois de plus que l’environnement ne peut être balayé du revers de la main parce qu’il « commence à bien faire » comme le proclame le Président de la République.
Qui oserait dire cela face à la détresse des familles ? Que répondre à un homme qui baisse les yeux en disant : « j’ai empoisonné mes enfants… 10 ans que nous mangeons les légumes du jardin… Je pensais qu’ils étaient sains ». La filière du retraitement du PCB est nécessaire et créatrice d’emplois. Mais ce constat n’autorise pas à mettre entre parenthèse pendant 20 ans la santé d’enfants, de femmes et d’hommes.
Cette nouvelle affaire de pollution industrielle soulève bien des questions. Nous espérons que la justice donnera rapidement des réponses. Nous espérons aussi que 2012 soit l’année de l’ouverture du chantier autour de la législation sur les installations classées. C’était au programme du Grenelle : les contrôles et l’expertise indépendants. Mais là encore les ambitions gouvernementales ont été revues à la baisse : elles privilégient un fonctionnement qui repose sur la responsabilisation des industriels et allègent encore un peu plus les procédures ! Ce n’est pas sérieux…
Une fois la pollution survenue il est trop tard, mais les responsabilités doivent être recherchées, c’est le sens de l’action juridique. Nous sommes persuadés que la Région accompagnera au mieux le territoire impacté, c’est indispensable. Mais plus globalement, l’intervention régionale doit faire en sorte que ce type d’affaires ne survienne plus ! C’est un objectif que chacun devrait partager. »
Michel PERRIER