100 jours après l’élection… Le bilan de Jean-Philippe Magnen.

Jean-Philippe MAGNEN,  Président du groupe des élu-e-s EELV au Conseil Régional.      3ème vice-président du Conseil Régional.   Président de la commission de l'Emploi, de la Formation professionnelle et des métiers de demain.

C’est un exercice classique mais salutaire : faire le point de son action, cent jours après avoir entamé un mandat. Un peu épuisé en ce milieu d’été, je veux quand même partager avec vous quelques réflexions sur la riche période que nous venons de vivre.L’exigence des électeurs

 

Nous avons fait une belle campagne, pour la deuxième fois sous la bannière d’Europe Écologie, et pour la deuxième fois victorieuse. Dans la crise que nous traversons, qui est autant sociale et économique qu’écologique, sociétale sans aucun doute, les politiques sont décriés et paradoxalement particulièrement sollicités. J’ai d’ailleurs senti tout au long de la campagne à quel point les attentes étaient importantes. Et je mesure donc aujourd’hui le poids des lourdes responsabilités que nous portons sur nos épaules. Loin d’être un fardeau, ce doit être une exigence.

C’est en revanche une certaine difficulté que nous rencontrons aujourd’hui que de devoir mettre « les mains dans le cambouis » – la gestion ! – tout en réussissant à garder le sens du projet, à ne pas se laisser déborder par un certain quotidien routinier. Il y a là un équilibre à trouver qui n’est pas si évident, mais qui est essentiel à mes yeux.

 

C’est d’ailleurs pour cela que j’ai choisi de quitter les deux exécutifs de Nantes et Nantes Métropole en lâchant respectivement mon mandat de maire-adjoint à Nantes et ma délégation à la coopération décentralisée à Nantes Métropole. Cette décision de non-cumul, qui surprend beaucoup de mes amis férus de politique traditionnelle, me semble évidente. Et sans doute elle présage – je l’espère – ce qui demain sera la règle. Ce sujet du non-cumul est crucial : j’y reviendrai. Pour l’instant, sachez que je me sens bien seul sur ce terrain, et que les critiques qui me sont faites me semblent de grande mauvaise foi.

 

Une équipe de combats

J’ai eu un grand bonheur à être le chef de file des écologistes lors de la campagne de l’hiver dernier, et je suis fier que notre équipe soit dorénavant forte de 18 unités à la Région – une minorité de blocage, ça compte ! -, équipe menée avec brio par le « capitaine » Christophe Dougé. Ensemble, nous sommes en train d’inventer de nouvelles façons de faire – vraiment collectives, participatives, collaboratives – qui impressionnent en interne de la Région, on me l’a rapporté. Une invention qui passe par des phases de réglages assez épuisantes, il faut l’admettre, réunions après réunions de groupes grands et petits, pour tisser en fine couture un patchwork qui demain fonctionnera… Mais nous allons dans le bon sens.

 

Un mot aussi sur nos relations avec nos amis et alliés socialistes au sein de la majorité régionale. J’ai commencé à utiliser l’expression à la mairie de Nantes, elle reste d’actualité à la Région des Pays de la Loire : la coopération conflictuelle. Nous avons construit un accord politique, socle de notre coopération. C’est sur lui que nous nous appuyons pour travailler, et ce n’est évidemment pas sans hauts et bas, tant il est vrai que les plus belles roses ont aussi des épines.

 

C’est souvent un choc de cultures, mais nous ne lâchons pas, même si nous sommes parfois un peu ou beaucoup « limite »… comme c’est le cas avec Notre Dame des Landes. Mais nos partenaires socialistes savent, et nous leur rappelons « autant que de besoin », que nous ne renoncerons pas et serons jusqu’au bout attentifs à la lettre comme à l’esprit de notre accord. Et que nous saurons en tirer les conséquences.

 

Relevons tout de même que nous ne sommes pas au quotidien à couteaux tirés. Au contraire, nous avons pu je crois déjà faire porter notre sensibilité écologiste dans les politiques régionales bien plus loin que jamais. Sur nos thèmes de prédilection comme l’énergie, l’environnement, les transports… L’amendement éolien porté par Emmanuelle Bouchaud, vice-présidente en charge de l’énergie, en a été le symbole fort lors de la première session fin juin… Mais aussi sur des sujets où on nous attendait moins, mais qui sont au cœur de la transformation sociale et écologique de la société : l’éducation et la formation, politiques que nous pilotons à la tête des deux présidences de commissions « éducation et apprentissage » (Matthieu Orphelin) et « politiques de l’emploi, formation professionnelle et métiers de demain » (moi !)…

 

Nos priorités dans les politiques

Sur mes dossiers de responsabilité – l’emploi, la formation professionnelle, les métiers de demain – nous avons ainsi traversé quelques mois très chargés. Beaucoup de journées de travail avec les services régionaux, en parallèle d’une réorganisation qui va dans le bon sens, permettant de mieux inscrire les exigences du développement durable dans les politiques publiques. Et puis beaucoup de rencontres avec les organismes de formation, les entreprises, les partenaires sociaux…

Au total, des heures éprouvantes mais une première phase de mandat assez efficace, où nous avons su peser pour que l’emploi, le développement économique et le développement durable soient enfin – et dès le début de la réflexion et des projets – associés. C’est dans ce cadre que nous allons élaborer un Schéma Régional du Développement Économique et de l’Emploi Durable dans un travail transversal avec le premier vice-président, Christophe Clergeau, notamment en charge du développement économique, de l’agriculture, de l’innovation. Un sigle un peu barbare, SRDEED, j’en conviens, mais dont les deux dernières lettres ne sont pas les moins fortes

 

Au-delà de la réponse à la crise, les enjeux environnementaux et sociaux existent vraiment dans les politiques régionales et tout ceci s’est accéléré depuis le début du mandat : soutien aux deux projets d’« éolien off-shore » en Loire-atlantique et en Vendée – cette création de filière, au-delà du gain indéniable sur le plan environnemental, c’est au moins 400 emplois convertis, maintenus ou créés à STX (chantiers navals à Saint-Nazaire), formation à la maintenance de l’éolien en Sarthe, clusters énergie (volet bâtiment) et éolien, vote pour lancer une étude exhaustive sur les éco-filières, vote sur un fonds public exclusivement régional de co-investissement dans les PME de moins de 50 salariés pour soutenir activités et emplois durables, effort d’intégration dans les CFA et organismes de formation de la région – que je mène avec Matthieu Orphelin – des indicateurs du développement durable dans les offres de formation, dans les projets d’établissements…

 

Vers un Service Public Régional de la Formation Continue

Ainsi, nous avons poursuivi et amplifié les priorités de mise en œuvre du Service Public Régional de la Formation Professionnelle Continue (SPRFPC).

 

Une parenthèse ici pour rendre très sincèrement hommage à mon prédécesseur écologiste Patrick Cotrel, pour son superbe travail effectué entre 2004 et 2010. C’est lui qui a lancé en 2009 cette belle initiative du SPRFPC, et il faut lui en savoir gré. Les vives tensions entre nous ces derniers mois, créées par nos divergences de vue sur la stratégie électorale, n’empêchent en aucun cas que je reconnaisse la qualité de son investissement à la tête de la commission Formation professionnelle pendant six ans.

 

L’objectif de ce service public régional est de soutenir une vraie formation tout au long de la vie, de développer l’égalité d’accès à la formation et de traitement durant cette formation mais aussi et surtout de garantir la continuité professionnelle, un engagement fort de notre campagne. Dans la crise et hors la crise, il faut tout faire pour les personnes soient maintenues en compétences, pour qu’elles aient la possibilité de se former en anticipation ou en réaction aux événements de leur vie, pour que les territoires restent irrigués d’activités structurantes, innovantes et exploitant par exemple les nouveaux secteurs et métiers de l’environnement ou du service à la personne…

 

Nous sommes au cœur d’une réflexion de fond sur ces sujets passionnants. Nous (avec l’Etat et les partenaires sociaux) avons lancé en 2009 dans le cadre du Plan Crise de la Région et confirmé pour 2010/2011 un fonds (dit de « sécurisation de l’emploi des salariés par la formation ») permettant d’activer la formation au profit d’entreprises traversant des baisses d’activité : une initiative encore rare au niveau national. Et, plus récemment, nous avons lancé l’expérimentation (à Ancenis, Angers, La Ferté-Bernard et Mamers) d’un service de conseil en évolution professionnelle au bénéfice des salariés. Là, c’est une première en France… Je serai d’ailleurs chargé de porter ces expériences et d’animer la réflexion au niveau national sur le principe de continuité professionnelle, en tant que vice-président de la commission Formation professionnelle au sein de l’association des régions françaises (ARF).

 

Pouvoir d’achat ou qualité de vie ?

Je pourrais ajouter à tous ces dossiers ceux de l’opposition au gouvernement qui met en route une détestable réforme du système de la formation professionnelle depuis 2009, et qui cet été vient tout simplement de décider d’en faire les poches ! Mais je reviendrai à un autre moment sur ce sujet, qui mérite un vrai temps de mobilisation.

Je pourrais également évoquer toutes les facettes de la vie politique politicienne qui chaque jour nous ont pris du temps, de l’énergie aussi, au fil de ces 100 jours ; nous mobilisant sur des sujets pas toujours utiles, sur des thèmes parfois totalement inappropriés, nous polluant de combats d’arrière-garde et d’aigreurs personnelles qui n’apportent rien à l’action des écologistes, et qui même érodent leur image. Mais là aussi ce sujet mérite un peu de temps, et j’y reviendrai à une autre occasion.

 

Pour finir ce petit bilan de mes 100 jours, je préfère partager avec vous un moment de débat qui nous a opposés avec certains de nos amis socialistes et communistes. Ce débat donne à voir combien est spécifique notre projet politique, et comment, au-delà des mots, il faut encore travailler et travailler encore pour que la gauche soit totalement, profondément et durablement traversée par le projet écologiste. Ce débat était simple dans les termes, mais complexe au fond. À certains qui donnaient comme priorité intangible à notre action « le pouvoir d’achat », nous avons jusqu’au bout défendu l’idée que c’était « la qualité de vie » qui compte. On reconnaît là le vieux débat sur les priorités…

 

Certes l’économie et le social sont essentiels, mais quel progrès construit-on si on ne permet pas aux plus défavorisés de nos concitoyens d’avoir accès à autre chose qu’à une offre mercantile et évidemment bas de gamme ? Pouvoir d’achat, certes, mais pouvoir d’acheter quoi ? Et qu’on ne nous accuse pas d’angélisme ou de je ne sais quel boboïsme béat ! Si nous, en charge de contribuer à l’avenir de la cité, ne faisons pas en sorte que toutes les classes sociales aient accès à une meilleure alimentation, à une meilleure éducation, à des meilleurs divertissements… Alors seuls les plus aisés continueront à y avoir accès. Alors la « qualité de la vie » restera un privilège de nantis…

 

Que nous ayons eu un tel débat dans la majorité régionale, en ayant je le crois ébranlé quelques certitudes de certains de nos contradicteurs, fait partie des petites – mais belles – satisfactions de ces 100 premiers jours de mandat. Je tenais à vous la faire partager.

 

Jean-Philippe MAGNEN

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