Budget 2014 du Conseil régional d'Auvergne : Un budget mi-figue mi-raisin
Par nicole rouaire le mardi 17 décembre 2013, 15:51 - Voeux, discours, communiqués - Lien permanent
Discours de Pierre Pommarel - Session du 16 au 18 décembre 2013
C’est dans un contexte particulièrement morose et tout à fait incertain que
vous nous proposez ce Budget Primitif 2014 ; tout d'abord, bien sûr
:
- baisse des dotations de l’Etat,
- incertitudes sur nos compétences de demain, avec des
réformes nationales qui sont anticipées dans ce budget sans même qu’elles ne
soient finalisées au plus haut niveau de l’Etat,
- troisièmement, flou quasi total sur le futur Contrat de Plan Etat
Régions, avec un Etat qui ne cesse d’alourdir la commande sans jamais
s’avancer officiellement sur sa contribution financière, exception faite du
volet mobilité où ses propositions sont tout à fait scandaleuses et aux
antipodes des besoins de l’Auvergne,
- enfin incertitudes de nos collectivités sur les fonds européens
pour la période 2014 – 2020.
Vous avez, dit Monsieur le Président, je vous cite, « qu’à données constantes, et avec une nouvelle baisse programmée de la dotation de l’Etat, je ne vois pas comment faire le budget 2015 ». Comment, en effet, construire sereinement et solidement un budget dans de telles conditions ?
Lors de son discours d’ouverture du Congrès 2013 de l’ARF, Jacques Auxiette avertissait clairement le gouvernement sur l’asphyxie des régions : « Que l’on nous transfère des ressources. Et vite ! Les dotations ne sont pas des cadeaux. Elles financent des compétences que l’Etat n’a plus. En dehors des moyens réels, nous avons besoin également de perspectives à moyen terme ».
Malgré ce nouveau cri d’alarme, vous vous êtes pourtant associé récemment à l’ensemble des Présidents de Régions pour demander un droit à l’expérimentation pour les collectivités. Séduisant sur le papier, mais faut-il aujourd’hui courir d'autres lièvres alors que nous sommes déjà étranglés par des transferts de compétences et de charges mal compensés ? Faut-il le faire avant toute réforme fiscale d’envergure alors que nous sommes d’ores et déjà forcés de restreindre nos ambitions, y compris sur nos compétences obligatoires : les TER, les lycées, la formation ?
Ceci m’amène à ce qui ce nous rassemble aujourd’hui, le Budget 2014 de notre collectivité.
Ce budget aurait pu, malgré ce contexte, être plus vertueux, plus cohérent, plus responsable.
A l’heure du bilan, force est de constater que, pour construire ce budget,
Monsieur le Président :
- vous avez largement suivi les conclusions financières de Standard &
Poors. Dont Acte.
- vous avez délaissé bon nombre des recommandations issues de la notation
extra-financière de notre région et d’autres évaluations relatives à nos
politiques. Je ne sais pas ce qu’il faut en conclure.
- Enfin, vous n’avez que très partiellement pris en compte les propositions
de votre majorité, et en tout cas celles du groupe écologiste : je le
regrette très vivement et c’est pourquoi l’ensemble du groupe sera amené à ne
pas voter plusieurs dispositifs de ce budget et à déposer plusieurs
amendements.
Ce budget, Monsieur le Président, au bout du compte, c’est donc mi-figue, mi-raisin.
Sur plusieurs points, ce budget présente pour nous des déceptions, des évolutions négatives ou en trompe-l’œil et il souffre d'un déficit de concertation avec votre majorité.
Je n’aurai pas le temps de tout évoquer, nous y reviendrons au cours de cette Session, mais voilà déjà quelques exemples.
- En matière de développement économique tout d’abord
Vous aviez un bilan du FIAD 1 entre les mains qui plaidait en faveur de la généralisation des avances remboursables pour le FIAD 2 et a contrario pour la baisse des subventions. Vous aviez aussi 52% des chefs d’entreprises bénéficiaires du FIAD qui considéraient que les avances remboursables constituaient l’aide la plus utile. Vous n’en n’avez pas tenu compte pour construire le FIAD 2 et aujourd’hui c’est l’UPA qui doit s’en réjouir.
Vous auriez pu également tenir compte d'une étude de 2012 du cabinet KPMG pour vous convaincre de concentrer le FIAD 2 sur nos TPE et nos PME plutôt que d’ouvrir la boite de Pandore aux établissements de taille intermédiaire (ETI)**. Cette étude arrive à la conclusion suivante : les ETI françaises résistent bien à la crise. En 2012, 91% des dirigeants des ETI prévoyaient de maintenir ou d’augmenter leur activité dans les deux prochaines années, 86% leurs effectifs, et 81% leur rentabilité.
Vous nous critiquez fréquemment sur nos choix en matière de développement économique. Vous pouvez continuer car nous ne porterons pas la responsabilité de donner plus aux ETI pour donner moins aux TPE et aux PME auvergnates dans le cadre du FIAD2.
En période de crise, nous ne porterons pas non plus la responsabilité d’approuver un dispositif d’aide aux entreprises, le FIAD 2, lorsque celui-ci ne prévoit pas de placer l’utilité de l’aide publique comme le critère principal. C’est une aberration.
2ème dispositif économique, même critique : vous aviez à votre disposition un bilan évaluatif de notre politique concernant les parcs d’activités économiques. Votre prise en compte des conclusions de ce bilan est partiale et partielle.
Le Conseil Régional mettra dorénavant l’accent sur le remplissage des parcs d’activités et c’est tant mieux. Il était temps : 57%, c’est le taux de remplissage moyen des parcs d’activités subventionnés par notre collectivité depuis 2006, soit une surface totale de plus de 200 hectares disponibles.
En revanche, la requalification et la reconversion des friches industrielles et logistiques sont la dernière roue du carrosse des nouvelles orientations régionales, ce qui laisse encore présager toujours plus de nouvelles zones d’activités, qui artificialisent les sols, rabotent les terres agricoles, déménagent les territoires et les emplois, tous plus loin des centres villes, et ne favorisent que dans une très faible mesure l’emploi et l’implantation d’entreprises exogènes.
Par ailleurs, le cabinet d’étude recommandait aussi, à juste titre, de mettre l’accent dans nos financements sur la qualité de service et le développement durable dans les zones d’activités. Rien n'est prévu à cet égard dans le budget 2014. Quid de la signalétique dans les parcs ? Quid des dessertes en transport en commun ? Quid du recours aux CAUE pour l’insertion paysagère ? Quid des services mutualisés souhaités par les entreprises, à l’instar des services de restauration, des conciergeries, des salles de réunion, etc. ?
- En matière d’agriculture ensuite
Alors que tout plaide en faveur de la relocalisation, de l’élargissement et de la diversification des activités des producteurs agricoles, c’est tout l’inverse qui nous est proposé dans ce budget : baisse de 20% des crédits sur les contrats régionaux de diversification agricole et réduction de 46% de nos crédits sur l’agri-tourisme. Nous le regrettons.
- En matière de formation
Sur l’orientation tout d’abord. Notre région fait partie des 8 retenues par le gouvernement pour expérimenter le Service Public Régional de l’Orientation. Pourtant, ce sont bel et bien des évolutions budgétaires en trompe l’œil qui nous sont proposées et nous ne pouvons que rejoindre les avertissements du CESER concernant la création d’une plateforme numérique d’information sur la formation qui « ne peut venir qu’en appui, sans se substituer au contact humain des Missions locales, de Pôle Emploi… ».
Nous regrettons également vivement la réduction conséquente de nos investissements sur les travaux dans les lycées, l'absence d’un grand plan de réduction des consommations énergétiques sur ces établissements et les budgets insuffisants consacrés aux Missions locales et aux aides individuelles à la formation professionnelle des personnes sans emploi. Ça n’était pas suffisant cette année, ça ne le sera pas non plus l’an prochain.
- Enfin en matière de transport
Plutôt que d’allouer plus de 200k€ à la SNCF pour financer des canaux de distribution à distance de titres de transports, qui relèvent entièrement de sa responsabilité d'exploitant, nous vous proposons d’utiliser ces crédits pour financer plusieurs études en vue de mener une réflexion approfondie afin d’attirer davantage d’usagers sur les transports TER de notre Région : l’étude d’une offre de soirée sur le Grand Clermont, d’une offre tarifaire en faveur des Auvergnats qui n’utilisent jamais le TER, ou encore l’étude interrégionale approfondie d’un scénario alternatif à la LGV POCL, qui aurait l’avantage, avec des échéances beaucoup plus rapprochées, de satisfaire à moindre coût les besoins des usagers et de l’Auvergne.
Enfin, l’an dernier vous étiez tous unanimes ici pour nous dire que nous étions irresponsables parce que nous critiquions le retour de RyanAir sur Clermont, les destinations proposées et sa capacité à claquer la porte du jour au lendemain. Aujourd'hui, RyanAir risque de réduire les liaisons sur Charleroi qui ne présentent que de très faibles retombées pour l'Auvergne. Nous redisons que l'aéroport de Clermont peut vivre sans l'apport de liaisons lowcost subventionnées à grands frais par les collectivités. L'Auvergne est reliée aux hubs aériens de Paris et d'Amsterdam, c'est bien et c'est suffisant.
Pour conclure, c'est peu de dire que ce budget ne soulève pas notre enthousiasme, Monsieur le Président. J'ai concentré dans cette intervention, dont la durée est très limitée, les points négatifs. Cela ne veut pas pour autant dire que nous le rejetons car nous en partageons suffisamment de grandes orientations.
Je vous remercie.
** Etablissements de taille intermédiaire : entreprises composées au
maximum de 5000 salariés et dont le chiffre d’affaires annuel n’excède pas 1,5
milliard d’euros ou un total du bilan n’excédant pas 2 milliards d’euros.