Hôtel-Dieu : pour une fabrique citoyenne de la ville (2)

Pour les élu(e)s écologistes de Clermont-Ferrand, la reconversion du site de l’Hôtel-Dieu, en plein cœur de Clermont-Ferrand, est un dossier ancien, sensible et crucial. Il comprend un certain nombre d’enjeux à côté desquels la ville ne peut pas passer. Malgré le manque de maîtrise publique lié aux errements initiaux sur ce dossier, il reste un certain nombre d’opportunités à faire valoir pour réussir ce projet majeur du coeur d’agglomération.
[Contribution des élu(e)s EELV à l’enquête publique sur l’aménagement de l’Hôtel-Dieu]

Partie 1

 

2- Les défis et les enjeux du projet :

Chaque enjeu de ce projet par rapport au cœur de ville clermontois est aussi porteur d’opportunités. Ce sont ces dernières qu’il nous faudra saisir pour réussir ce qui pourrait être un tournant dans l’aménagement de notre centre-ville.

I- Intégration urbaine et sociale :

Si le site de l’Hôtel-Dieu ne peut à lui seul répondre aux difficultés urbaines actuelles ainsi qu’aux ambitions de construire la ville durable, il est une opportunité exceptionnelle de rompre avec le modèle précédent de développement urbain clermontois. Au-delà des enjeux liés à la gouvernance, il peut être l’occasion d’expérimenter une nouvelle mixité sociale et fonctionnelle, en s’appuyant notamment sur l’investissement public prévu autour de la médiathèque.

Les enjeux de l’aménagement global du quartier recouvrent également :

  • celui de la diversité fonctionnelle : avec l’adoption prochaine du PLU de la Ville de Clermont-Ferrand, pour lutter contre la fracture territoriale, le temps n’est plus à l’urbanisme de zone, que ce soit à l’échelle d’une agglomération ou d’un cœur urbain. La qualité de la ville aujourd’hui passe par la diversité des fonctions et des activités en tout lieu de la ville.

Quelle sera donc la place réservée, autour de la future bibliothèque et des différents lots privés, aux services publics et/ou associatifs, aux services commerciaux de proximité ?

Le futur quartier ne s’intégrera dans le tissu urbain que s’il accueille une diversité de fonctions, diversité d’usages et d’usagers et s’impose ainsi comme un véritable espace d’échanges et de transition entre les universités et les quartiers centraux, Jaude notamment.

  • celui de la mixité sociale : l’accueil de populations socialement diversifiées est une autre condition de la vie du futur quartier. Une mixité sociale pragmatique et orientée en direction des travailleurs précaires et des jeunes en formation (ou étudiants) trouve toute sa légitimité précisément dans ce site, maillon entre le cœur commerçant et les universités.

  • et de la cohérence urbaine avec les quartiers voisins : ce site doit être le pivot du sud du centre-ville, assurant la transition entre la butte de l’hypercentre et la première couronne urbaine, sous forte pression foncière. L’enjeu est de rendre possible les cohabitations sociales et spatiales en réponse au risque de gentrification du centre-ville.

L’intégration sociale du quartier dans le tissu urbain existant passera notamment par une intégration urbaine et architecturale indexée sur la qualité et l’attractivité des projets.

– Premier objectif opérationnel : éviter l’isolement de l’îlot médiathèque avec son patrimoine ancien et valorisé au coeur d’un système de lots privés sans lien ni cohérence avec le projet public, que ce soit en termes de fonctionnement urbain, d’occupation sociale, de complémentarité thématique, de qualité d’aménagements, de densité, de volumétrie ou d’architecture.

– Second objectif opérationnel : éviter l’isolement du quartier avec sa proximité en travaillant la continuité avec le jardin Lecoq notamment.

Dans cette perspective, il nous apparaît important d’engager une réflexion sérieuse sur l’aménagement futur de l’avenue Vercingétorix (dans le prolongement d’ailleurs de la rue Ballainvilliers) : passer d’un boulevard urbain à une zone de transition entre quartiers, zone qui pourrait devenir une zone douce, priorisant les modes doux et actifs, le vélo et la marche. L’environnement proche du futur quartier, qui dépend quant à lui d’une volonté municipale, peut peser sur la forme future de celui-ci.

=> L’animation, la qualité des équipements, sa cohérence, l’attractivité du quartier sont autant d’éléments qui concourront à valoriser le projet des promoteurs, à l’intégrer au tissu urbain, à le rendre attractif et par là rentable. Il est évident que des projets publics de qualité sont également porteurs de plus-value pour les promoteurs de projets privés.

Aussi, les collectivités, la municipalité tout particulièrement, ne doivent-elles pas hésiter à placer la barre très haut, ni à accompagner les promoteurs afin d’aboutir au résultat le plus qualitatif possible, à favoriser les aménagements périphériques et connexes susceptibles d’influer sur la forme future du quartier.

II- Intégration écologique et patrimoniale :

Un patrimoine urbain singulier à valoriser :

Pendant du jardin Lecoq, du côté nord de la butte clermontoise, l’ensemble de l’Hôtel-Dieu aurait pu être un formidable espace de transition vers les Salins et le site du futur lieu identitaire de la Comédie.

Malheureusement ce site est déjà abîmé, au sud, par une ceinture de bâtiments résidentiels construits en bordure d’îlot (ensemble immobilier de 9 niveaux où se situe notamment la librairie des Volcans).

Eu égard à ces contraintes et limites préexistantes, il est impératif de saisir et de tirer parti des opportunités écologiques qu’offre ce site.

Un patrimoine environnemental :

Le site de l’Hôtel-Dieu constituait initialement le second poumon vert du centre-ville, en miroir du jardin Lecoq. Il serait souhaitable que, ne serait-ce que partiellement, son rôle initial soit rétabli afin de répondre aux enjeux contemporains de la ville durable. Cela pourrait passer par un contrat d’aménagement ambitieux passé entre la ville et les promoteurs afin d’aboutir à un partenariat gagnant-gagnant :

  • végétaliser la ville pour lutter contre le phénomène des îlots de chaleur qui se multiplient à Clermont-Ferrand, ville très minérale ;

  • prolonger et renforcer les corridors de biodiversité, partie intégrante de cette trame verte et bleue évoquée par les lois Grenelle, et reprise dans le cadre du prochain PLU de la ville ;

  • construire et signifier la continuité des déplacements, et surtout des déplacements doux, entre diverses zones de la ville pour contrebalancer l’omniprésence automobile dans le centre-ville et compléter la « zone » piétonne du coeur de l’agglomération.

    S’il est regrettable que le quartier ait finalement été ouvert à l’automobile, notamment sur son axe traversant, il nous semble impératif d’en faire une zone de rencontre où tous les modes de déplacement sont à égalité, où la vitesse de circulation est réduite. Les aménagements de proximité (Avenue Vercingétorix notamment) doivent permettre d’éviter tout trafic de transit afin de tendre vers une zone de plus en plus apaisée en cœur de quartier.

    Enfin, cet espace représente une opportunité de penser une mobilité nouvelle en plein cœur de Clermont-Ferrand et de conjuguer l’attractivité d’un ensemble immobilier moins à sa desserte automobile et à ses capacités de stationnement qu’à son accès à toutes les possibilités de mobilité en cœur de ville. Les projections à l’horizon 2020 prévoient une intensification du trafic sur les boulevards ceinturant le site. Il nous apparaît essentiel de limiter cette hausse du trafic ainsi que ses conséquences : des modes doux à la voiture partagée en passant par les transports en commun (Tramway, Voie B en TCSP, C’Vélo…), le quartier n’est pas dépourvu en matière de transports. Ce serait là une occasion de proposer un modèle d’aménagement reproductible ailleurs dans la ville et dans l’agglomération.

=> L’ensemble de ces actions permettrait de dessiner les contours d’un parc urbain pour les habitants du centre-ville, mais aussi pour l’agglomération.

  • Énergie – Ce programme d’aménagement représente également une opportunité en termes de transition énergétique, notamment en ce qui concerne la mise en réseau des différents réseaux de chaleur et/ou de froid à l’échelle de ce quartier. L’exploitation des ressources en géothermie de surface est d’ailleurs envisageable, sous une forme qui pourrait préfigurer un plan d’exploitation du potentiel géothermique de la ville et de l’aggloméra tion (sur la base d’un rapport du BRGM).

Bien évidemment, un tel engagement ne pourrait avoir de sens que dans le cadre d’un niveau d’exigence élevé en termes de qualité thermique des bâtiments (bâtiments à énergie positive).

  • Déchets – Par ailleurs, les exigences en matière de tri des déchets et d’éclairage public se devront d’être exemplaires dans une perspective d’amélioration de la qualité et de l’attractivité, dans l’intérêt à la fois de la ville et des promoteurs.

Cette exigence commune pourrait tout à fait prendre la forme d’un partenariat d’exemplarité avec des partenaires privés, partenariat prévoyant la gestion coordonnées des besoins en énergie sur l’ensemble du site (smart grids).

III- Intégration politique

Face au déficit de maîtrise publique lié à l’histoire de cet aménagement et à l’absence de toute possibilité réglementaire permettant d’orienter et/ou contrôler l’aménagement des lots privés, il convient de tenter deux choses afin de limiter la casse éventuelle ou le risque d’un nouveau Carré Jaude II. L’objectif prioritaire est de ne pas réduire l’aménagement à une stricte opération de rentabilisation immobilière : ce qui peut être tentant pour des promoteurs qui acquièrent l’ensemble pour près de 13 millions d’euros.

Pour cela, il convient de baser le processus sur :

  • la participation publique et la concertation afin de faire émerger le quartier le plus en adéquation possible avec la ville et les zones environnantes : multiplier les réunions d’information et de concertation de façon à impliquer au mieux les citoyens des zones voisines dans la définition d’un quartier en lien avec le leur.

  • la négociation permanente avec les aménageurs / promoteurs, tout au long du processus, d’aménagement puis de construction, d’autant que la Ville puis Clermont Communauté seront acteurs du chantier via le projet central de grande bibliothèque communautaire.

 

Conclusion – L‘absence de maîtrise publique appelle un changement de méthode dans la façon de concevoir les projets à Clermont-Ferrand, de construire ou reconstruire la ville.

Cela passe par l’invention d’une gouvernance adaptée s’appuyant sur la mise en place d’une série d’ateliers urbains dans le cadre d’une fabrique citoyenne de la ville, à consacrer comme instance incontournable de consultation avant et pendant la réalisation des projets ; et après… comme instance d’animation et d’évolution du site.

Si la participation démocratique est indispensable à la conception de grands projets, elle l’est tout autant pour cette mutation du cœur de ville : cette enquête publique ne peut pas se suffire à elle-même. Elle doit être le point de départ d’une implication citoyenne des Clermontois dans l’édification d’un quartier qui va durablement marquer la forme de leur ville.

Enfin ce projet d’aménagement n’est qu’une étape du processus de requalification du site de l’Hôtel-Dieu : suivront les étapes de définition du projet privé et notamment de la construction de nouveaux bâtiments. Il sera essentiel de rester vigilant tout au long de ce processus afin de contribuer à la plus grande cohérence possible de ce projet de cœur de ville.

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