Élargissement de l’A75 : un grand projet inutile au sud de Clermont-Ferrand (2)

En tant qu’élu(e)s EELV de Clermont-Ferrand et Clermont Communauté, nous avons pris part à la concertation publique concernant l’élargissement à 2×3 voies de l’A75 au sud de Clermont-Ferrand. Opposés à la réalisation de ces travaux, nous nous en sommes expliqués dans une présentation détaillée de nos arguments, présentation que nous publions ci-dessous en plusieurs volets ou défis. Défi N°1, le défi écologique.

IL’A 75 et le défi écologique (Air / Climat / Énergie / Biodiversité).

Défi – Quelques mois après les engagements pris à la COP 21 à Paris, le défi écologique ne nécessite pas de plus amples explications.

Outre la nécessité de réduire ses émissions de Gaz à effet de serre (GES) et ses consommations d’énergie fossile, sa dépendance aux fossiles – dans lesquelles le transport et notamment le transport automobile occupe une place déterminante (30 % des émissions de GES), le bassin clermontois est confronté à un défi spécifique lié à sa géographie, celui de la pollution de l’air avec les conséquences environnementales et sanitaires que l’on connaît.

La pollution automobile et routière a sur la question un impact très fort.

Illusion – L’illusion autoroutière est de prétendre qu’à l’occasion de cet élargissement, le sud clermontois va « enfin respirer » : au regard de la congestion du trafic, peut-être, dans un premier temps du moins. Mais cette solution est à relativiser : l’élargissement autoroutier de la traversée clermontoise (78 millions) n’a en rien résorbé les bouchons estivaux.

Il est néanmoins vrai qu’une situation de congestion ne facilite pas une combustion optimum pour les moteurs à explosion et engendre des émissions polluantes plus importantes qu’un trafic fluide.

Mais encore faut-il que cet élargissement garantisse une fluidité optimum du trafic, sans, dans le même temps, ouvrir la voie à une probable augmentation du trafic : l’élargissement des chaussées absorbe naturellement plus de véhicules ; un accroissement probable du trafic qui se traduit à terme par une pollution accrue en coeur urbain.

Solution – Il existe effectivement deux possibilités pour solutionner des situations de congestion des axes :

– soit les élargir (avec les limites écologiques évoquées ci-dessus) ;

– soit en réduire le débit, c’est-à-dire pour le domaine qui nous intéresse, la vitesse (et le nombre : voir ci-dessous) des véhicules. Plafonner la vitesse en fonction de la densité du trafic permet de résoudre une bonne part des causes de congestion. C’est aussi faire d’une pierre deux coups, en réduisant les embouteillages et en limitant la pollution via une réduction de la vitesse et une meilleure fluidité.

Il est donc primordial de réguler les vitesses, notamment en agglomération.

« Si le riz est versé doucement dans l’entonnoir , il coule plus vite dans le goulot que si on le verse d’un coup. Dans ce cas, il peut même se bloquer ! »

Doug Mac Donald, commissaire au transport de Washington.

  • La réduction de 90 à 70 km/h de la vitesse maximale autorisée sur le périphérique parisien en janvier 2014 a eu des effets bénéfiques. La vitesse moyenne de circulation a augmenté de 18 % : 32,6 km/h en 2013 contre 38,4 km/h en 2014. Les voitures roulant plus lentement, donc plus régulièrement, l’effet d’accordéon a été réduit. La conduite est plus sereine, les automobilistes ont plus de temps pour prendre leurs décisions, ce qui facilite l’entrée des véhicules sur le boulevard périphérique. Le gain de temps sur les parcours des automobilistes est d’environ 15 % le matin et 5 % le soir.

  • La réduction de la vitesse entraîne également une amélioration de la qualité de l’air. Une réduction de 20 km/h sur route ou autoroute permet de baisser jusqu’à 20 % des émissions d’oxyde d’azote et de particules fines, et jusqu’à 8 % des concentrations de polluants dans l’air ambiant. En complément, les nuisances sonores sont, elles aussi, réduites.

  • Les gains d’une réduction de vitesse portent également sur la consommation de carburant et les émissions de gaz à effet de serre. Plus un véhicule roule vite, plus sa résistance à l’air (proportionnelle au carré de la vitesse) augmente : elle est presque quatre fois plus élevée à 110 km/h qu’à 60 km/h. La consommation d’une voiture passera par exemple de 8 l/100 km à 100 km/h à 10 l/100 km à 120 km/h et 12 l/100 km à 130 km/h.

La régulation des vitesses de circulation en fonction de l’intensité du trafic présente donc de multiples avantages, en plus de coûter beaucoup moins cher qu’un élargissement sur 15 kilomètres.

A Grenoble, en 2011, sur la question de l’aménagement de l’A 480, confrontée à des problèmes quotidiens de congestion, la concertation publique avait ouvert la voie à toutes les solutions envisageables, qu’il s’agisse de voie supplémentaire, de vitesse maximale à l’heure creuse et de gestion dynamique des voies.

Pourquoi à Clermont-Ferrand, la solution de la régulation des vitesses n’est-elle ni étudiée, ni envisagée ? Pour deux raisons principales, nous semble-t-il :

– D’abord, parce qu’il peut sembler contradictoire de plafonner ainsi les vitesses sur un axe prétendument à haute vitesse : rappelons cependant qu’avec l’étalement urbain connu par notre agglomération ces dernières années, cette portion de l’A75 constitue moins un axe autoroutier qu’une autoroute urbaine sur laquelle les régulations de vitesse s’imposent.

– parce que, ensuite, la lucrativité de l’investissement est évidente pour un concessionnaire qui avance l’investissement mais conforte par ailleurs sa rente sur le domaine autoroutier, au détriment des consommateurs et automobilistes et des moyens publics qui auraient été bien utiles au financement des mobilités alternatives.

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