Vieillissement des centrales nucléaires

Le vieillissement des centrales nucléaires et le prolongement de leur durée de vie est d’actualité comme le montre, parmi d’autres, ce reportage de BFM-TV.

Un petit rappel de la situation

Des données à actualiser figurent dans le fameux rapport parlementaire des députés Birraux & Bataille de 2003 mais aussi sur cette présentation  d’AREVA.

« Le fond du problème est bien entendu la pyramide des âges très particulière du parc électronucléaire français. La diminution du parc électronucléaire d’EDF pourrait être aussi rapide que l’a été sa montée en puissance de 50 GWe entre 1980 et 1990. » disaient nos deux duettistes de l’atome !

D’où le souci fort à l’époque de la DGEMP (Direction Générale de l’Energie et des Matières Premières) de garantir une prolongation du parc : quelle place pour le nucléaire ? et cette réponse de Global Chance avec son actualisation.

« La pression de l’industrie est donc très forte pour obtenir des autorités toute extension de durée possible. Aux États-Unis, où les réacteurs ont été initialement autorisés pour une durée de 40 ans à partir de leur permis [3], une campagne de réexamen se poursuit depuis dix ans environ pour accorder au cas par cas une autorisation pour vingt années supplémentaires. En avril 2009, le 52ème réacteur pour lequel une telle demande a été présentée à ce jour soit exactement la moitié des 104 réacteurs en exploitation dans ce pays a obtenu cette autorisation. Un second tour d’extensions portant la durée à 80 ans semble même déjà envisagé par certains. »

Tout cela nous amène à reconnaître l’intérêt que portent les nucléocrates français pour le modèle américain

 

La situation du nucléaire aux États Unis

Elle apparaît très critique à court terme, certains exploitants choisissant dès aujourd’hui de ne pas chercher à renouveler leurs licences d’exploitation face à l’intérêt économique du charbon et du gaz naturel et à la mauvaise compétitivité actuelle du nucléaire.

Les licences d’exploitation des centrales nucléaires sont délivrées par la Nuclear Regulatory Commission (NRC) pour une durée de 40 ans, conformément à l’Atomic Energy Act de 1954 (cette durée de 40 ans représente la durée classique d’amortissement des investissements en centrales électriques).

Elles sont renouvelables pour une période de 20 ans maximum.

Aux États-Unis, l’autorisation ne fonctionne pas sur un principe de prolongation d’autorisation tous les 10 ans sans limite maximum a priori comme en France. La durée maximale est fixée à l’avance. Ce qui ne veut pas dire que le fonctionnement jusqu’à l’âge correspondant sera autorisé quoi qu’il arrive. La NRC a donc dû se prononcer sur le principe de porter la limite maximale de 40 ans à 60 ans, sur la base d’un examen réacteur par réacteur. Ça veut dire que la NRC ne voit pas dans l’état actuel du réacteur d’éléments pour empêcher sa prolongation au-delà de 40 ans, mais ça ne veut pas dire qu’elle s’engage aujourd’hui sur la certitude de pouvoir atteindre 60 ans.

La question du prolongement de la durée de vie des 107 réacteurs actuellement en service apparaît de plus en plus pressante dans le contexte d’un parc nucléaire vieillissant : entre 1995 et 2015, une cinquantaine de tranches devraient en effet atteindre l’expiration de leur licence, soit 38 % de la capacité du parc électronucléaire américain actuel. Ce scénario ne prend pas en compte les fermetures prématurées de centrales devenues non compétitives sur un marché électrique ouvert à la concurrence.

Depuis la fin de 1996 (il y avait alors 110 réacteurs en service), ce sont déjà trois centrales qui ont fermé ou vont fermer définitivement avant d’être démantelées pour des raisons financières (le coût de l’électricité produite par les anciennes centrales nucléaires, après le remplacement de générateurs de vapeur entraînant un investissement lourd de l’ordre de 100 à 150 millions de dollars par unité, n’est plus compétitif). Il est à prévoir que cette tendance va s’amplifier.

Certains exploitants nucléaires trouveront plus économique d’assumer les coûts de démantèlement de leurs centrales (opération évaluée entre 300 et 400 millions de dollars par centrale) ou de s’en séparer en les revendant, d’autant plus que la base de la réforme du système électrique américain prévoit la séparation des activités de production et de distribution des compagnies d’électricité. Aucun projet de nouvelle centrale nucléaire n’est envisagé d’ici l’an 2015, les centrales au gaz naturel et au charbon s’avérant plus économiques. La dernière centrale nucléaire neuve a été mise en service en 1996.

Dans ses dernières projections à moyen terme 1995-2015, le Département américain de l’Energie (DOE) brosse un tableau sombre de l’évolution du nucléaire et émet l’hypothèse qu’aucun renouvellement de licence n’interviendrait au sein du parc actuel. Avec le retrait progressif des vieilles unités, la part de l’énergie nucléaire produite par les 57 réacteurs restants en 2015 devrait décliner pour ne représenter alors que 10 % de la production d’électricité américaine contre près de 22 % à l’heure actuelle. A cette problématique de l’âge des centrales vient s’ajouter celle, encore plus critique et loin d’être résolue, du mode de stockage des combustibles usés, qui fait planer une menace réelle sur l’évolution du marché nucléaire.

Dans un raisonnement encore plus pessimiste, basant ses prévisions sur un modèle à plus long terme, le DOE envisage carrément l’avènement de l’ère zéro du nucléaire puisque ses hypothèses font état d’une capacité entre 0 et 30 GWe à l’horizon 2040.

Source : PEE Houston

A noter par ailleurs que la comptabilité de l’âge des réacteurs aux USA est très différente de la comptabilité française, puisque le point de départ est chez eux l’autorisation de construire ou le premier béton. Donc 40 ans US ne sont pas 40 ans français…

Le parc nucléaire US, globalement plus ancien, beaucoup moins standardisé et peut-être moins surveillé que le parc français, est confronté aux problèmes de vieillissement qui peuvent conduire à dégrader leur sûreté beaucoup plus vite que les exploitants ne le prévoient.

 

La situation en France

EDF s’exprime déjà depuis plusieurs mois sur la prolongation de la durée de vie des centrales à 60 ans, ce qui apparaît clairement dans les travaux préparatoires de la commission Besson dite Energie 2050 mais aussi dans les auditions réalisées dans le cadre de l’audit de la Cour des comptes : Impact macroéconomique du rythme de déclassement des centrales nucléaires sur la période 2010-2050 – Note du CIRED à la commission Energie 2050

Cet article paru sur le site Enerzine donne à voir que le projet est ancien : Durée de vie des centrales nucléaires : vers une extension à 60 ans ?

voir aussi cette article d’Actu-Environnement : Vieillissement du parc nucléaire : la prolongation de la durée de vie, un enjeu stratégique et économique

Réagir à une prolongation de la durée de vie des centrales à 60 ans est une louable intention…. puisque le mouvement antinucléaire dénonce à la fois prolongation et vieillissement.

il est même question de 80 ans aux EU comme l’annonce cet article de Slate.fr : Les centrales nucléaires passent-elles au contrôle technique?

En tout cas le problème n’est pas tant la durée de vie que les conséquences du vieillissement comme le souligne clairement le reportage mentionné en début d’article.

Pour compléter l’information, se référer à ce que disait Yves Marignac de Wise-Paris en 2009 : Le vieillissement des installations nucléaires – Risques et enjeux et au fameux dossier de Mycle Schneider : Les dangers de la prolongation de la durée de vie des réacteurs belges.

 

Enjeu social majeur …. mais aussi en terme de formation…

Comment assurer le « retour d’expérience » de ceux qui travaillent actuellement dans les centrales alors que le management d’EDF a favorisé une parcellisation absurdes des taches  qui se traduit par une déqualification globale des intervenants en particuliers des sous-traitants ?

EDF va devoir renouveler la moitié du personnel des centrales nucléaires au cours de la prochaine décennie. Bien peu de personnes aujourd’hui ont une connaissance globale des ESP et peuvent agir de façon raisonnée…

Le nucléaire fut un métier d’artisan en quelque sorte, ce qui explique probablement la fascination de beaucoup de salariés d’EDF pour le nucléaire. La dérive contemporaine a écarté les authentiques techniciens du terrain pour en faire des « contrôleurs de contrôleurs » au grand regret de beaucoup de cadres de la CGT FNME.

Un des enjeux essentiels de sûreté que l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) a bien mis en évidence est la stabilisation des équipes et la requalification des opérateurs… cela a un cout et implique une profonde refonte du management.

Sans oublier l’enjeu sanitaire …. il y a beaucoup de souffrance au travail dans les centrales, fait assez méconnu.

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Quelques données statistiques sur le parc mondial (moyenne d’âge en fonctionnement 27 ans) :
– Le plus vieux réacteur nucléaire en service a moins de 45 ans,
– le maximum atteint par un réacteur (aujourd’hui fermé) est 46,5 ans,
– fin 2009, 12 unités en fonctionnement sur 440 avaient dépassé 40 ans et 14 réacteurs arrêtés sur 123 avaient dépassé 40 ans.C’est évidemment bien moins sur les réacteurs du type d’EDF, globalement plus récents.
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Quelques données sur le parc français :
– Les sites nucléaires en France – Janvier 2011
 – Cour des Comptes : les coûts de la filière électronucléaire française

 

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