Nicolas Vivant est directeur du système d’information à la mairie de Fontaine, en Isère. Depuis quelques années, il s’attelle à la migration du parc informatique vers des solutions logicielles open source et libres. …
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Actualité
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L’expérience du logiciel libre à la mairie de Fontaine
Nicolas Vivant est directeur du système d’information à la mairie de Fontaine, en Isère. Depuis quelques années, il s’attelle à la migration du parc informatique vers des solutions logicielles open source et libres.
Des logiciels libres d’abord, puis des distributions Linux entières, ont débarqué sur les ordinateurs des employés de la mairie. Comment s’est réalisée cette migration ? Quels retours des usagers ? Quels avantages ? Nicolas a accepté de répondre aux questions de la commission Partage 2.0.
Bonjour Nicolas, peux-tu d’abord nous présenter rapidement ta ville, combien y a-t-il d’employés dans la mairie et de postes informatiques ?
Fontaine est une ville d’un peu plus de 22 000 habitants. La mairie emploie 600 personnes et le parc de PC est également de 600 postes environ (dont 250 dans les écoles maternelles et élémentaires), répartis sur une quarantaine de sites.
Quel est ton rôle ?
Je suis DSI (directeur des systèmes d’information). Sept agents travaillent au service informatique. Le service gère l’informatique de la ville (postes clients, serveurs, logiciels, réseau), la téléphonie (fixe et mobile) et la vidéosurveillance.
Comment est venue l’idée de remplacer le système d’exploitation existant par une solution opensource ? Etait-ce une volonté politique au départ, ou plutôt une solution envisagée à cause de soucis techniques ?
La mise en place du logiciel libre est une décision ancienne. Elle remonte à 2001. C’est un choix politique porté depuis par les majorités successives. Les valeurs de l’opensource et du libre rejoignent dans une large mesure celles du service public communal : travail communautaire, service de l’intérêt général, transparence et juste prix. L’intérêt économique, avéré à Fontaine, est venu comme un bénéfice secondaire de ce choix.
Les « décideurs » ont-ils été difficiles à convaincre, quelles étaient leurs inquiétudes à l’idée de changer d’environnement de travail ? Et quels arguments les ont convaincus ?
Dans une commune, il y a deux types de décideurs : les élus et la direction générale. Le libre étant un choix politique, l’adhésion des élus était évidente puisqu’ils étaient moteurs. Pour ce qui concerne l’administration, et pour répondre à l’inquiétude légitime d’un certain nombre d’utilisateurs (décideurs ou non), une stratégie de migration « douce » a été mise en place. C’est par l’expérimentation et la démonstration que nous avons choisi d’agir, plutôt que par l’argumentation.
Dans un premier temps (avant 2009), le choix de logiciels d’infrastructure (messagerie, serveur de fichiers, annuaire informatique, etc.) libres a été fait. Ce changement a été transparent pour les utilisateurs, mais il a permis d’asseoir les bases du changement.
Dans une deuxième séquence (2008 à 2012), les logiciels tournant sur nos PC sous Windows ont été migrés sur du libre (Thunderbird pour les mails, Firefox pour le web, OpenOffice pour la suite bureautique). Le plus difficile a été de changer de suite bureautique. Une formation spécifique de deux jours a été mise en place. Plutôt que de former nos utilisateurs à l’utilisation de la bureautique (dont ils connaissaient, pour la plupart, les bases), le choix a été fait de les aider à migrer leurs connaissances et leurs données. Sur les deux jours de formation, un jour et demi ont donc été consacré à « Comment faire sur OpenOffice ce qu je sais fait sur MS Office ? » puis une demi-journée à la migration effective des documents utilisés au quotidien, avec l’aide du formateur. Cette formation était proposée à l’ensemble des employés qui souhaitaient s’y inscrire. Quand le cycle de formation a été terminé, nous n’avons pas systématiquement désinstallé Microsoft Office. Nous avons simplement cessé de livrer dans les services des PC comprenant la suite de Microsoft. Ainsi, au fil du temps, la suite propriétaire a disparu de notre parc. Il reste quelques exceptions, dues à des incompatibilités d’OpenOffice avec des logiciels « métier », mais elles représentent moins de 5% de notre parc.
La dernière étape de la migration vers le logiciel libre, toujours en cours, concerne le système d’exploitation. Notre parc est essentiellement composé de machines sous Windows Seven. La stratégie de migration comprend plusieurs phases et nous avons choisi de prêcher par l’exemple plutôt que d’utiliser une approche contraignante :
- De janvier à septembre 2014, nous avons travaillé sur l’interface graphique, que nous voulions belle en plus d’être pratique, et sur l’intégration de postes sous Linux dans notre système d’information. Nous tenions à ce que le niveau de service soit au moins équivalent à celui que nous délivrions pour les postes sous Windows.
- De septembre 2014 à décembre 2014 (3 mois), nous avons réalisé un test avec 20 utilisateurs. La direction générale et les élus (les décideurs, donc) ont été intégrés dans cette phase. Cela nous a permis de parfaire notre interface et de vérifier que tout fonctionnait correctement. Les résultats ont été très positifs, et nous n’avons pas eu de demande de retour en arrière.
- De janvier à juin 2015, nous avons proposé un plan de volontariat. En plus des postes déjà installés, une trentaine d’agents se sont portés volontaires pour migrer sous Linux.
Nous sommes désormais dans la quatrième phase, qui est une phase d’incitation : nous proposons systématiquement Linux pour les postes neufs en déploiement. Si l’utilisateur refuse, Windows est conservé. Parallèlement, l’adjoint à l’éducation nous a demandé d’entamer la migration sous Linux des PC des écoles maternelles et primaires. Sur les 17 écoles de la commune, plusieurs se sont portées volontaires pour un test. En décembre 2015, nous avons entamé le processus de migration d’une école pilote. La migration de toutes les écoles devrait prendre trois ans.
Si tout se passe selon les prévisions, 70% de notre parc informatique devrait utiliser Linux en 2018.
Y a-t-il eu « d’amicales pressions » d’éditeurs de logiciels propriétaires pour tenter de freiner cette démarche (si oui, avec quel discours) ?
Aucune, au contraire. Les éditeurs essaient de prendre en compte l’utilisation de PC sous Linux pour que tout se passe bien. L’augmentation significative de logiciels tournant sur des navigateurs web facilite grandement la migration.
Et les usagers de ces postes de travail, étaient-ils motivés ou plutôt dubitatifs ?
Aujourd’hui, aucun utilisateur n’a été contraint. Il n’y a donc pas de résistance forte. Certains, dubitatifs, ont été séduits par les avantages apportés par Linux (stabilité, rapidité) et qu’ils ont pu observer chez leurs collègues. D’autres ne sont pas convaincus et ont choisi de rester sous Windows. Nous respectons ce choix.
Quelle distribution Linux a été choisie, s’agit-il d’une version ad-hoc, modifiée pour mieux convenir à vos besoins ?
Nous nous sommes basés sur Ubuntu 14.04 LTS. Des modifications importantes ont été nécessaires pour une intégration parfaite dans notre informatique existante. Comme sous Windows, un profil est automatiquement créé lorsqu’un utilisateur se connecte avec ses identifiants habituels (LDAP) et ses disques réseau partagés sont montés automatiquement. Nous avons également ajouté un « dock » (Cairo-Dock) pour faciliter la navigation sur l’interface et disposer d’un « bouton démarrer ». Nous évaluons actuellement une nouvelle interface basée sur ElementaryOS (cette distribution étant elle-même fondée sur une Ubuntu 14.04 LTS), encore plus simple et plus rapide. Les résultats sont prometteurs et elle devrait devenir en 2016 notre interface de référence.
Avez-vous procédé à des recrutements pour gérer ce nouveau parc logiciel, ou bien avez-vous formé des personnes en interne ?
Nous n’avons pas procédé à des recrutements spécifiques. Certains agents du service informatique disposaient déjà des connaissances nécessaires. Les autres ont été formés en interne. Notre interface est simple d’utilisation, et une formation basique permet donc d’atteindre rapidement le niveau de service attendu par nos utilisateurs.
Dans les faits, quels soucis éventuels lors de l’installation de la distribution Linux ? (ordinateurs vétustes, périphériques non reconnus, …) ?
Aucun problème bloquant ne s’est posé, mais la migration a nécessité une cohérence globale pour être pleinement efficace. Lors de l’attribution du marché des systèmes d’impression et de copie de la ville, par exemple, une attention particulière a été portée sur la qualité des pilotes disponibles pour Linux. Nous avons fait le choix de matériel Kyocera, parfaitement compatible. HP aurait pu être un autre choix. D’autres constructeurs ont été écartés. L’installation sur les PC se fait avec FOG (Free Open Ghost) et nous n’avons rencontré aucun problème sur les machines, pourtant variées, que nous avons installées jusqu’à présent.
La courbe d’apprentissage du nouveau système a-t-elle constitué un problème ?
Pas véritablement, parce que le déploiement est très progressif, et qu’un gros travail a été fait au niveau de l’interface graphique pour les utilisateurs. Un retour quasiment systématique que nous avons eu est « finalement ce n’est pas très différent de Windows ». Le fait que les utilisateurs retrouvent, sous Linux, les logiciels auxquels il étaient déjà habitués sous Windows (Thunderbird, Firefox, LibreOffice, …) a été déterminant.
Finalement, l’inquiétude la plus vive a été pour le service informatique lui-même. Nous sommes passés par une phase de doute quant à notre capacité d’apporter un même niveau de service sur un environnement aussi différent. Après un an de travail quotidien sur Linux, ce doute est levé.
Cela fait donc un an maintenant que les ordinateurs de la mairie tournent sous linux, au-delà du changement technique quel bilan en tires-tu, côté finances et usages au quotidien ?
Toute l’administration ne tourne pas sous Linux, loin de là. La migration prendra du temps. C’est la dernière étape de la migration vers le libre, et pas la plus simple. Chi va piano, va sano e va lontano !
D’un pur point de vue financier, acheter des PC sans système d’exploitation nous permet de faire de sérieuses économies (autour de 30% sur un PC portable acheté par l’UGAP, la centrale d’achat des collectivités). Les machines sous Linux génèrent moins d’appels à la hotline, l’installation d’images par FOG prend cinq minutes, et ce temps gagné représente également une économie certaine (il faut compter 45 minutes pour l’installation d’une image Windows).
Autre intérêt : Linux vieillit mieux que Windows et la performance met du temps à se dégrader. Le remplacement des machines peut donc être décalé dans le temps. Mon estimation est qu’une économie de 30% sur le matériel est envisageable à terme (mais nous n’en sommes pas encore là, le parc de machines sous Linux étant encore largement minoritaire).
Au quotidien, les retours des utilisateurs sont positifs et le support est facilité. La bonne nouvelle, c’est donc que tout se passe bien et sans souffrance ce qui, au regard d’expériences menées dans d’autres collectivités, n’était pas évident de prime abord. L’autre bonne nouvelle c’est que, conformément à l’esprit du logiciel libre, le travail mené à Fontaine est partagé avec d’autres collectivités. Notre espoir est que le mouvement prenne de l’ampleur, pour le bien de tous.
Est-ce que le fait d’utiliser des solutions opensource a permis de faire un minimum « d’évangélisation » à ce sujet parmi les équipes de la mairie, ou bien est-ce qu’ils ne voient pas la différence ?
Nous avons eu quelques demandes d’installation sur du matériel personnel d’agents communaux et nous avons donné plusieurs coups de mains à d’autres collectivités de l’agglomération. Grenoble, qui a également entamé sa mutation, est dans le même esprit et il n’est pas impossible qu’une solution commune émerge de tout ce travail. Nos élus voient d’un bon œil cet essaimage, en cohérence avec la politique qu’ils ont choisie et qu’ils soutiennent. Plusieurs actions sont envisagées pour faire connaître plus largement notre travail et les bons résultats obtenus : conférences, démonstrations lors d’événements autour du libre, travail à destination de la population fontainoise, etc.
Récemment, le ministère de l’éducation nationale a signé un partenariat avec Microsoft pour des solutions pédagogiques via des produits de cette entreprise, quel est ton regard sur cette décision et penses-tu que des solutions libres auraient pu être envisagées à la place ?
Les choix des services de l’État manquent sérieusement de lisibilité. Les positionnements semblent varier selon les ministères. D’un côte le SILL (Socle Interministériel de Logiciels Libres) de Matignon, le choix du libre par la gendarmerie, etc. Et de l’autre cette initiative de l’éducation nationale ou d’autres ministères. Peu importe : il y a fort à parier que l’évolution, si évolution il y a, viendra d’initiatives locales multiples (et peut-être concertées) plutôt que de grandes décisions qui s’imposeraient à tous. Pensons global, et agissons local.
Pour info, la liste des logiciels libres que nous utilisons :
- Infrastructure (serveurs sous Debian et Ubuntu server) : Samba, OpenLdap, Cyrus, SOGo, Squid, SquidGuard, Shorewall, KVM, FOG, ownCloud, Booked, Framadate, FileZ, phpList…
- Postes clients : Ubuntu Desktop, ElementaryOS, Cairo-Dock, Thunderbird, LibreOffice, Firefox, Gimp, Inkscape, Scribus, ProjectLibre, VLC, Audacity, Avidemux, Openshot, PlayOnLinux, FileZilla, …
- Logiciels métier (la grande majorité sont des logiciels propriétaires) : WebDelib, OpenERP/Odoo, …
- Web : Drupal, WordPress, …
- Smartphones : OpenDocument Reader, DavDroid, …
Interview par Grégory Gutierez, responsable de la commission Partage 2.0.
Cet article est publié sous licence Creative Commons Attribution – Partage dans les mêmes conditions 2.0Lire la suite -
Le basculement numérique : une région, trente propositions
Par Juliette Espargilière (compte Twitter), adhérente EELV, candidate aux régionales sur la liste Ile-de-France.
Citoyenneté numérique
- Soutenir la mutualisation des archives et fonds de bibliothèques et de musées
- Favoriser l’ouverture d’internet gratuite dans les lieux publics
- Développer la gouvernance participative territoriale
- Développer les espaces et les outils de coproduction de l’information
- Doter les associations, LivingLabs et EPN des moyens de sensibiliser et former les internautes à la protection de leurs données personnelles
- Créer des modules de formations continue et professionnelle à la protection des internautes
- Créer des dispositifs décentralisés d’alerte à l’atteinte à la vie privée pour faciliter l’exercice du droit
Création et Innovation
- Formaliser, en partenariat avec les chambres de commerce et d’industrie et les OPCA, le métier de Data Editor pour encourager les créateurs de données
- Favoriser l’émergence d’une économie de la contribution, par la mise à disposition de lieux, d’infrastructures, de compétences et de relais de diffusion
- Favoriser la mise en réseau des créateurs et financer les moyens de diffusion des formations pair-à-pair
- Faciliter l’auto-archivage des travaux de recherche
- Permettre aux EPN de proposer un éventail de conférences spécifiques liées aux compétences clés du marketing digital
- Introduire des critères de développement participatif, de coopérativisme, de troc, d’échange, de monnaies alternatives et de pair à pair dans le financement public des projets innovants
- Elargir l’accès aux formations aux compétences clés du reporting
- Permettre la mutualisation des ressources en débit réseau, la création de fournisseurs locaux issus d’une mutualisation des usagers.
Intelligence économique
- Au titre de l’action privilégiée de la région en matière de développement économique et de l’innovation, devenir partenaire du comité de pilotage de l’IE en Ile-de-France
- Au titre du développement des territoires, proposer une mutualisation des outils d’information et de cartographie des structures économiques innovantes
- Diffuser les bonnes pratiques et le cadre juridique de la Veille en utilisant le maillage territorial institutionnel et associatif existant,
- Soutenir la mise en réseau des projets d’innovation environnementale
- Favoriser la sécurité numérique et économique des projets ESS innovants, notamment en modèle « open »
Tiers Lieux
- Favoriser le partenariat de ces structures avec les employeurs « grands comptes » et les entrepreneurs individuels
- Privilégier le partenariat avec les collectivités territoriales pour consolider le modèle économique des espaces de coworking
- Appuyer la création d’espaces de coworking dans des zones de grande couronne identifiées comme porteuses par les usagers
- Soutenir les EPN dans leur travail sur la transition numérique des ménages, des associations et des entreprises et les valoriser
- Soutenir les ateliers consacrés aux métiers du numérique
- Défendre la mission de développement de territoire des EPN, notamment sous l’angle des solidarités numériques intergénérationnelles
- Valoriser l’approche « tout public » et intergénérationnel des ateliers de fabrication (marchés publics)
- Soutenir l’autoproduction participative
- Valoriser l’apprentissage pair-à-pair (VAE, livrets de compétences etc.)
Citoyenneté numérique
1) Communs
Que désigne-t-on sous le mot « Communs » ? Empruntons la définition au manifeste du collectif Savoirs Com1 : « il s’agit d’abord de ressources que nous voulons partager et promouvoir, que celles-ci soient naturelles – une forêt, une rivière, la biosphère -, matérielles – une machine-outil, une imprimante – ou immatérielles – une connaissance, un logiciel, l’ADN d’une plante ou d’un animal –. Il s’agit aussi des formes de gouvernance associées à ces ressources, qui vont permettre leur partage, le cas échéant leur circulation, leur valorisation sans destruction, leur protection contre ceux qui pourraient atteindre à leur intégrité.»
Définition à laquelle, en matière de politiques publiques est accolé l’objectif suivant : « Placer les politiques publiques sous le signe des communs signifie garantir l’interopérabilité, la lisibilité, l’appropriabilité et la citabilité des communs de la connaissance, et contribuer au développement d’une culture de l’information de nature à favoriser le développement des connaissances et des apprentissages. »
Le Manifeste convivialiste souligne de son côté la connexion suivante : « Les technologies de l’information et de la communication multiplient les possibilités de création et d’accomplissement personnel (…). L’exemple de wikipedia ou de Linux montre l’étendue de ce qu’il est possible d’accomplir en matière d’invention et de mutualisation des pratiques et des savoirs. »
Or se fait jour l’accusation, à l’égard des contributeurs, de favoriser « l’uberisation de l’économie ». Hugues Sibille par exemple, président du Labo de l’ESS, dénonce les errances d’une économie collaborative déconnectée des enjeux d’intérêt général (Uber, Airbnb…), et appelle à remettre la coopération au cœur des objectifs de l’économie collaborative. En bref : favoriser une économie contributive, oui, s’affranchir de l’intermédiation qui garantit le droit du travail et la protection des acquis sociaux, non. Pour ce faire, il en appelle au tissu des entreprises de l’économie sociale et solidaire. « L’ESS doit rapidement établir les liens qui s’imposent avec l’approche des biens communs » (Tribune La Croix, 20 juillet 2015).
Il y a donc un fort enjeu politique à ce que la notion de Communs entre dans le vocabulaire de l’action publique, pour caractériser un projet d’avenir soutenable, désirable et émancipateur.
2) Open models
Après le terme d’open source » dans le domaine informatique pur (le « libre ») qui consiste attribuer une licence ouverte au code source d’un programme (creative commons), sont venus ceux d’open data, open manufacturing, open access (sciences), open design, free-to-play, data journalisme… Ils forment ce qu’on appelle les « Open models » au sens large. Une multitude d’alternatives aux usages en silot traditionnels, qui renouvellent les paradigmes de production sociale, culturelle, économique. Ils sont à lier étroitement à la notion de Communs dans la mesure où ils puisent dans une prolifération de culture partagée pour la réalimenter, la transformer, se réapproprier ses outils, produire et agir, dans un continuum allant de la contribution bénévole à un modèle économique marchand innovant.
Open data, data journalisme
Les premières démarches d’ouverture des données publiques ont eu lieu il y a cinq ans. Difficile à mesurer économiquement, le rapport de McKinsey de 2013 prêtait à la démarche une valorisation entre 3 220 et 5 290 milliards de dollars annuels. Je renverrai sur cette question précise à l’excellent livre Open Models, les business models de l’économie ouverte et en particulier à son article Open Data : show me the money rédigé par Louis-David Benyayer et Simon Chignard.
L’émergence du terme a eu lieu en 2007 en Californie, et correspondait la demande de données brutes visant à l’émergence d’une contre-expertise citoyenne. La demande de données brutes vise à l’émergence d’une contre-expertise citoyenne, à « l’encapacitation » ou « empouvoirement » (« empowerment »), en donnant un appui statistique permettant de vérifier les agrégats sur lesquels se fondent les arbitrages politiques. Les démarches d’open data étant essentiellement portées par les acteurs publics, et étant les seuls à y être contraints, si le mouvement visait à l’origine tous les détenteurs de données, on parle aujourd’hui essentiellement d’ouverture des données publiques.
Le rapport produit sous la direction de Laurent Chevereau sur l’open data à la lumière des données de mobilité montre qu’une réflexion globale visant à créer un espace collectif qui rassemblerait des données « privées » et celles qui ont vocation à appartenir aux Communs est nécessaire. Car à la lumière de plusieurs études, l’open data des collectivités territoriales sous sa forme actuelle ne s’avère pas suffisante à elle seule à remplir ces objectifs ambitieux. Sont en question :
- Les freins liés à l’appréhension à mettre en ligne des données dont la qualité n’est pas fiable à 100%
- Le risque de monétisation de ces données par les géants privés
- La perte de maîtrise et d’expertise de la donnée par ses diffuseurs
- Les difficultés de mutualisation des démarches
- Un cadre juridique complexe (loi de propriété intellectuelle, protection des données personnelles imposant l’anonymisation ou le consentement)
- Le poids du lien contractuel entre collectivités et fournisseurs de données, le prestataire pouvant rester propriétaire des données
À souligner tout de même les initiatives marquantes du secteur, notamment le collectif « Regards citoyens », avec sa mise à disposition des intérêts des parlementaires sous forme de bases de données brutes : en une semaine, 8000 personnes avaient libéré les données manuscrites des déclarations d’intérêts que l’HATVP n’avait publiées qu’en versions scannées.
Citons également la ville de Rennes, première ville à mettre en place l’Open Data, et qui regorge d’expériences de terrain reproductibles ailleurs en France, sur les mobilités notamment mais aussi sur les données de pollution grâce à la distribution de capteurs, ou encore sur la santé, moyennant une anonymisation extrêmement rigoureuse des données avant ouverture à la consultation.
Il faut à ce stade distinguer deux termes : l’open data et la donnée contributive. Dans le premier cas, c’est l’organisation ou la collectivité qui ouvre ses données à la consultation et à la réutilisation. Dans le deuxième cas, ce sont les citoyens qui, volontairement et de façon anonyme, alimentent une base de données commune. Ainsi, quand les cyclistes alimentent une cartographie ouverte des trajets possibles à vélo, il s’agit de projets contributifs. Si la collectivité met à disposition sa cartographie des équipements en pistes cyclables, il s’agit d’open data. S’ils sont complexes à mettre en place, les projets qui mêlent les deux aspects sont néanmoins souhaitables dans la mesure où, conformément à ce que nous souhaitons, il permettent aux citoyens de se réapproprier et de participer activement à l’élaboration et à l’évaluation des politiques publiques.
Mentionnons enfin le « fact-checking » participatif, c’est-à-dire la vérification des faits, voit également le jour, dont la communauté regroupe à la fois des journalistes, des bloggeurs, et des citoyens… l’Elysée s’est pris au jeu, à sa manière, en ouvrant un compte twitter dédié au fact-checking : @Elysee_com, sous la houlette de Gaspard Gantzer, le directeur de la communication de la présidence.
3) Neutralité du net
Le concept n’est pas intuitif, il touche pourtant au quotidien des internautes. En France, une alerte récente à la neutralité du net a été déclenchée par des accords commerciaux entre Youtube avec SFR, au détriment des autres plateformes vidéo. Or le principe de la neutralité, ou « loyauté des opérateurs », est de transmettre les données sans en examiner le contenu, sans privilégier aucun fournisseur ni aucun protocole.
Une fois ceci posé, reste le problème de la quantité de bande passante nécessaire à assurer ces flux vidéo : Netflix consomme à lui seul jusqu’à 34% de la bande passante nationale aux USA aux heures de pointe. En France, les serveurs de l’entreprise sont reliés au réseau des fournisseurs d’accès par des accords commerciaux. Ainsi, quelques mois avant son installation en France en juillet 2014, France IX lui a accordé 100 Gigabits de bande passante. Et en devenant un service de télévision (IPTV) par accord avec certains opérateurs il bénéficie d’une priorisation de flux, et ce moyennant une commission.
Comment la mécanique à l’œuvre dans l’internet dit « de divertissement » peut elle être mise en accord avec l’idéal de pair-à-pair au fondement d’internet ? Comment articuler massification et libre choix ? Netflix en représente un cas limite parmi d’autres.
4) Vie privée
La littérature concernant le droit à la vie privée ayant déjà donné lieu à nombre de préconisations dans le sillage de la loi dite « Renseignement », aussi je me concentrerai ici sur un seul phénomène peu mentionné jusqu’ici me semble-t-il : les data brokers.
La Federal Trade Commission (FTC) a produit en mai 2014 un rapport sur les courtiers en données, les « Data Brokers » en anglais dans le texte. Ces données rassemblent des informations personnelles sur des consommateurs et les fournissent aux entreprises moyennant finance. «L’ampleur du profilage du consommateur aujourd’hui signifie que les courtiers de données savent souvent autant – voire plus – sur nous que notre famille et nos amis » (Edith Ramirez, président de la FTC).
Ces sociétés de courtage n’ont pas de relations directes avec le public, elles s’appuient sur des sources diversifiées et négocient les données entre elles. En jeu, la sécurité des données personnelles (engagements politiques, syndicaux, expression des idées, convictions religieuses), familiales, bancaires, de santé…
5) Création, rechercheLa capacité de publication immédiate ouvre théoriquement à la possibilité de se constituer en auteur de contenu. Mais l’expansion massive du « statut » d’auteur n’a pas été socialement anticipée, et cette participation à la vie culturelle, citoyenne, sociale, ne se fait pas sans heurts avec un certain nombre de reconnaissances et de droits traditionnels. D’où l’idée de « souveraineté technologique », qui consiste à rechercher « sous quels types de processus sociaux apparaissent les technologies et comment certaines amplifient notre autonomie » (Alex Haché). Nous passons, en suivant ce fil, de la production d’une technologie à une technologie appropriée, vectrice de création. Nous y reviendrons avec les EPN et les fablabs dans la partie suivante.
L’étude Copyright and the value de l’Intellectual Property Office au Royaume-Uni se penche sur 22 petites entreprises créatives qui réutilisent des contenus issus du domaine public en vue de commercialisation. Comme l’explique le blog S.I.Lex, « Les répondants ne semblent pas particulièrement handicapés par l’absence d’exclusivité sur les matériaux qu’ils utilisent », « Par contre, nombreux sont les projets qui déclarent avoir rencontré des difficultés pour déterminer clairement si des contenus appartiennent ou non au domaine public. Ils signalent aussi des problèmes pour accéder à des copies numériques d’oeuvres du domaine public, de bonne qualité et réutilisables. »
La 1ère plateforme d’archives de recherche en Sciences Physiques, Arxiv a été créée 1991. Aujourd’hui, 30% des publications scientifiques mondiales sont en libre-accès, dont 2/3 en auto-archivage. 50% des institutions ont des projets d’archives ouvertes aboutis, mais 15% ne l’envisagent pas du tout. En matière de mise à disposition des publications de recherche, tant en sciences exactes qu’en sciences humaines et sociales, le rapport IPP de juillet 2015 montre que plus une publication met de temps à être publiée en libre accès (délai de « barrière mobile »), plus son nombre de vues par an est faible. Il s’agit donc de tenir d’une main deux impératifs : la préservation de l’édition et la diffusion la plus large possible des travaux de recherche. Bien que les pistes légales du processus soient nationales et supranationales, ce travail prend appui sur des conditions de production, de stockage, de diffusion qui peuvent être régionales.
Intelligence économique et économie de l’innovation
En matière de numérique, les outils ne sont pas condamnés à suivre leur destination initiale. Ils sont conçus, appropriés, détournés, réappropriés, dans un flux continu d’innovation et de création. De la même façon, si l’intelligence économique est un outil de l’économie de marché, concurrentielle et productiviste, ses outils (la veille, la sécurité et l’influence) sont réappropriés par des lanceurs d’alerte, des ONG, et des acteurs de l’économie solidaire.
Citons par exemple le récent scandale de l’opération de veille et d’influence pro-kremlin, qui engendre en miroir l’opération de veille et d’influence des acteurs de l’open source. C’est somme toute une remise au goût du jour l’arroseur arrosé : « tu me regardes donc je vois que tu me regardes et je te regarde ». D’où une question d’ordre politique : comment favoriser l’appropriation et le bon usage de ces outils ? Comment promouvoir dans un monde technique existant une économie soutenable et souhaitable ?
1) L’intelligence économique : un levier d’action publique ?
Au plan national
En 2008, le coordonnateur ministériel à l’intelligence économique du ministère de l’Economie, le ministère du Budget et le club secteur public du Conseil Supérieur de l’Ordre des Experts-Comptables avaient élaboré un programme de sensibilisation des PME à l’intelligence économique. Il avait été mis en place dans 7 régions. A l’échelle d’un département rural, la Drôme, 72% des entreprises pratiquent la veille et/ou la recherche d’informations ciblées et 22% d’entre elles ont un budget dédié. C’est un changement des pratiques dont s’est saisi l’Etat, non conçu en termes de développement soutenable mais bien pour une lutte concurrentielle,
Une première définition du rapport Martre : « Ensemble des actions coordonnées de recherche, de traitement et de distribution en vue de son exploitation, de l’information utile aux acteurs économiques. Ces actions sont menées légalement avec toutes les garanties nécessaires à la protection du patrimoine de l’entreprise. » Plus récemment définie par l’Etat au sein d’une délégation interministérielle, la D2IE, comme une « forme de gouvernance fondée sur la maîtrise et l’exploitation de l’information stratégique pour créer de la valeur durable dans une organisation. » Cette délégation s’inscrit dans ce qui est décrit comme un contexte de montée de l’interconnexion des économies, et ce faisant, une intensification de la concurrence et une fragilisation économique des PME françaises. Ainsi définie, elle se décline en plusieurs axes dont : La veille (l’anticipation), la maîtrise des risques (la sécurité), l’action proactive (l’influence), mais aussi la formation, l’animation etc.
Pour saisir l’esprit dans lequel cet enjeu est circonscrit par l’Etat aujourd’hui, on peut se référer au Guide du routard de l’intelligence économique : « les entreprises sont obligées de revoir leur approche de l’information : il faut à la fois organiser le partage de l’information afin de la capitaliser en interne, tout en la protégeant des appropriations malveillantes ». Elle y est donc vue, somme toute, comme un moyen de protéger les acteurs économiques français d’une économie mondiale vue comme essentiellement menaçante pour le patrimoine entrepreneurial français. Comme en attestent nombre de publications du site portail-ie.fr : dans la rubrique TIC et systèmes d’information nous trouvons pêle-mêle des articles sur les projets innovants, mais aussi des flashs de la DCRI, ou encore en mars dernier le compte-rendu d’une conférence intitulée « La réalité de la menace économique ».
Au plan régional – une organisation déconcentrée
Le dispositif régional d’intelligence économique est mis en œuvre par les préfets de région depuis 2003. Le pilotage opérationnel est assuré par un coordinateur régional organisant un comité régional composé de représentants de l’Etat auxquels se joignent des représentants institutionnels et éventuellement les Régions.
En Ile-de-France, de nombreux partenaires institutionnels sont membres de ce comité : la Direccte IDF, la D2IE, la DRTT, l’ANSI, le DPSD, l’INPI. S’y joignent la CGPME, le Medef, le CDSE, l’EGE (« Ecole de Guerre Economique ») etc.
Le schéma stratégique 2012-2015 pour l’Ile-de-France propose entre autres de :
- Protéger les axes de développement du Grand Paris
- Renforcer la coopération interinstitutionnelle
- Lutter contre les transferts de technologies imposés
- En déclinaison de ce document cadre, la feuille de route 2015 appuie sur trois axes :
- Connaitre : cartographie, club de l’IE, audits des pôles de compétitivité
- Diffuser : documents et événements de sensibilisation, formation des professionnels
- Conseiller, accompagner les PME
La veille
C’est l’observation attentive de l’environnement technologique, commercial et juridique, ayant pour but d’anticiper les évolutions de contexte. 155 millions des sites internet sont actifs, l’enjeu n’est plus de « trouver » l’information, mais d’évaluer, de catégoriser, d’analyser.
La sécurité économique
Dans ce contexte, elle est conçue comme une façon d’allier ouverture et maîtrise des risques, dont les suivants : les actes d’ingérence, les atteintes aux savoir-faire, les atteintes financières, informatiques, l’exploitation de failles dites « humaines », les atteintes à l’image et à la réputation etc.
L’Influence
Il s’agit ici de jouer sur le contexte, « d’élaborer des stratégies d’action destinées à saisir les opportunités et à convaincre les décideurs ». L’influence, c’est un concept qui coiffe la compréhension globale des sphères d’interactions, des communautés, des écosystèmes. C’est aussi la volonté de façonner son environnement, une action recherchée tant par les acteurs dits « économiques » que par les organismes à visée sociale ou, plus largement, non lucratifs.
L’essor de cette discipline a fait apparaitre des spécialisations métiers transverses comme le « data scientist » ou encore le « data officer ». Du côté des solutions logicielles, citons par exemple Gephi et Linkurious (outils graphs) ou encore Visibrain (plateforme de veille twitter). On retrouvera dans ce domaine une superposition avec une partie des métiers du marketing digital. Des outils très grands publics comme Google Analytics sont également utilisés.
Big data
Le « data-mining », c’est-à-dire le fait de tirer parti d’un volume important de données en provenance d’une source unique, est un chantier ancien. De nombreuses solutions logicielles ont vu le jour ces vingt dernières années pour aller en ce sens.
Ce qui a changé, c’est l’essor des « méga-données », c’est-à-dire la convergence entre plusieurs bases de données différentes avec un volume important et dans un temps très court, une grande variété des données (vidéo, audio, images, textes), et des provenances très distinctes (réseaux sociaux, données publiques, commerciales, académiques etc.). Ces données sont hébergées en différents endroits (du globe) et structurées différemment. L’enjeu devient alors de mettre en place des règles de gestion, de segmentation, et de dépersonnalisation, le tout en temps réel.
2) L’emploi et la formation
Marketing digital
L’enjeu du classement et de la réutilisation des données binaires (images, audio, vidéo, documents post-print), ainsi que les différents régimes de droits qui leurs sont attribuées (licences, droits d’auteurs, régime de diffusion, de modification, de vente etc.) conduisent les utilisateurs de média à organiser numériquement leurs ressources. C’est ce qui signe l’essor des solutions logicielles de « media asset management », sous catégorie des logiciels de Gestion des Ressources Numériques, ou en anglais dans le texte, Digital Asset Management, qui organisent également les logiciels et matériels informatiques de traitement de ces données. Ces logiciels peuvent être « open-source », ou « propriétaires », Adobe se plaçant des solutions propriétaires depuis son rachat en 2013, pour 600 millions d’euros, de la startup française NEOLANE.
Dans cette jungle technique, de nouveaux métiers (« Chief Digital Officer » par exemple), de nouvelles compétences, et pas à proprement de parcours académique à ce jour. Cette fonction, transversale, qui doit tisser un lien entre communication et informatique, appelle une transition forte des pratiques entrepreneuriales et appelle à se repérer dans une jungle d’outils, aussi tarde-t-elle à se mettre en place.
Ont donc évolué : la technicité, la diversité, la masse et la temporalité notamment, ce qui sa transcription dans l’emploi et la formation. Parmi les milliers de métiers liés au numérique, voici les récentes évolutions du marketing digital :
Source : IAB France
Une étude qui recense par ailleurs les métiers les plus matures : Consultant IT, Administrateur réseaux, Intégrateur web, Développeur multimedia, Chef de projet technique
Ceux qui sont « amenés à durer » : Data scientist, Chef de projet web mobile ou e-CRM, Responsable stratégie, Directeur digital marketing, Chargé de communication web, Consultant web analytique
Avec une série de compétences clés : Gestion de projet, Leviers de performances (KPI), Maîtrise des outils d’analyse, Social media, Gestion de bases de données / CRM, SEO
Compétences qui peuvent être acquises : Par la pratique, en séminaires ou en mooc, en formation continue longue ou en grande école
On notera que ces métiers n’interviennent pas seulement dans le secteur marchand comme le mot « marketing » pourrait le laisser croire. Tout salarié, tout bénévole, qu’il travaille dans une entreprise, une association, un mouvement citoyen ou une collectivité territoriale, peut être amené à exercer l’une de ces compétences. D’où la nécessité de veiller à ce qu’elles soient prises en compte indépendamment de leur destination supposée.
Sur un plan large : l’économie de l’innovation
Le CESE rendait déjà, en 2006, nombre de préconisations dans le domaine de l’intelligence économique, dont les suivantes :
- Propositions pour les entreprises :
- sensibilisation des dirigeants,
- organisation (création de labels, octroi de moyens),
- o anticipation des évolutions sociétales (développement durable, droits sociaux, transparence financière)
- Propositions pour les « facilitateurs » :
- coordination et mise en réseau,
- formations continues,
- financement via OSEO,
- actions locales via les Fonds Régionaux d’Aide au Conseil pour financer la définition de stratégies d’intelligence économique dans les PME.
Le rapport Ambition Numérique du CNNum insiste à son tour en 2015 sur le potentiel du secteur : 7566 salariés dans les startups en 2013, +22% en 2014, dont 91% en CDI.
Il propose :
- la mise en place de « jumelages numériques » entre villes européennes
- l’accompagnement opérationnel des jeunes entreprises innovantes, en renforçant le volet « médiation ».
- Une plus grande ouverture des marchés publics à l’innovation
- De lancer des campagnes de promotion des filières techniques dans les écoles, notamment en direction des femmes
- De former l’ensemble des personnels aux enjeux numériques et de développer la formation au code
Sur un plan conceptuel, des collectifs comme la Quadrature du Net ou Savoirs Communs montrent l’opportunité de penser plus largement « l’économie de la contribution » :
- Mettre à disposition les conditions nécessaires à l’acte de création : espaces, équipement, formation, cadre juridique, protection sociale, financements
- Faire converger des communautés qui manquent d’espace de dialogue communs : le libre, le durable et le solidaire. Ce pari est enclenché au sein de l’économie sociale et solidaire mais nécessite un soutien des politiques publiques.
Reporting
Une PME sur 2 investit dans une solution logicielle de reporting automatisé, là où en 2006 encore, Excel suffisait (source Coeptis). Dans les grands groupes, il a suivi l’accélération du numérique, de l’accès à l’information. Les cycles sont plus courts, plus automatisés, les compétences techniques nécessaires s’affinent.
Le reporting consiste à faire rapport de son activité au regard d’indicateurs dits de « développement soutenable », un prisme extrêmement large dont nous ne pourrons ici que donner un aperçu.
Directement issu de la réforme du marché financier engagé par Barak Obama en 2010, le Dodd-Frank Act a été signé en 2010 pour « promouvoir la stabilité et la transparence » et mettre fin aux « sauvetages financiers » payés par les contribuables américains. Il acte, entre autres, des « reporting requirements » qui modifient en profondeur les processus de validation dans le secteur financier.
Mais il s’est fortement généralisé dans la sphère financière après les scandales révélés dans la sphère financière, évolution législative faisant. En Europe, il s’agit d’EMIR : European Market and Infrastructure Regulation, qui contient entre autres « une obligation de déclaration à des référentiels centraux de l’ensemble des transactions sur produits dérivés ».
Dans le champ extra-financier, nous avons vu dès le début des années 2000 l’impératif de reporting monter en force suite à quelques scandales industriels (droit du travail dans les filiales, irrespect des normes de qualité, conditions d’extractions de matières premières etc.) qui furent autant d’atteintes à la valeur et à la réputation des grands groupes concernés. Le grenelle de l’environnement avait d’ailleurs contraint, en 2001, à publier un certain nombre d’informations extra-financières qui appelaient une réforme des pratiques en matière de rapports internes. Une loi renforcée par Grenelle 2 avec un rapport, imposé aux sociétés cotées et aux SA de plus de 500 salariés et plus de 100 millions d’euros de Chiffre d’affaire, devant comprendre :
- les informations sociales (emploi, organisation du travail, relations sociales, santé et la sécurité, formation, égalité de traitement, respect des conventions de l’Organisation Internationale du Travail);
- les informations environnementales (politique générale, pollution et gestion des déchets, utilisation durable des ressources, changement climatique, protection de la biodiversité);
- les informations relatives aux engagements sociétaux en faveur du développement durable (impact territorial, économique et social de l’activité de la société, relations entretenues avec les personnes ou les organisations intéressées par l’activité de la société, sous-traitance et fournisseurs, loyauté des pratiques).
En découle une montée en charge de ces fonctions, avec des métiers propres comme le « chargé de reporting », mais aussi une évolution des compétences requises dans des métiers existants. Ainsi, les offres d’emploi du secteur bancaires contiennent pour la plupart deux ou trois occurrence du mot dans leur fiche de poste. Vu comme un vecteur essentiel de l’information de pilotage, le reporting sous sa forme actuelle s’est progressivement imposé dans le contrôle de gestion, l’analyse des risques, la prospective et plus largement dans le vocabulaire standard de la gestion de projets.
Des initiatives numériques qui changent la donne
Nous ne ferons ici qu’un tour d’horizon des différents « Tiers-lieux » possibles et existants. La définition diffère selon les acteurs investis et l’objectif poursuivi. A suivre donc quelques réflexions sur les télécentres, les EPN, et les ateliers de type FabLab. Mais méritent également d’être cités ici les bibliothèques, LivingLabs, incubateurs, initiatives Emmabuntüs, hackerspaces et tant d’autres…
1) Coworking
Télétravail
L’étude Greenworking de 2012 était d’une ampleur sans précédent tant quantitativement – plus de 20 000 données concernant plus de 6 200 télétravailleurs français. Trois enseignements essentiels au sujet du télétravail et de ses impacts :
- le télétravail offre aux travailleurs de la connaissance des conditions de travail qui permettent un niveau de concentration et donc une productivité très élevés, à rebours des aspects négatifs de la généralisation de l’open space et de la diffusion des Technologies de l’Information et de la Communication
- le télétravail implique un nouveau rapport au travail et un nouveau modèle managérial fondé sur la confiance et l’autonomie.
- En achevant l’unité de lieu et l’unité d’action au travail, le télétravail contraint à repenser complètement le lieu de travail qui ne va plus seulement se résumer à une tour de bureaux mono-entreprise mais à un mix de différents types d’espaces qui auront chacun leurs avantages et leurs inconvénients : le bureau de l’entreprise qui sera un hub de rencontres et d’échanges intensifs, le domicile pour se concentrer et éviter les déplacements et enfin les tiers-lieux de travail qui offriront un nouveau lien social avec son écosystème professionnel et un lieu de passage idéal en situation de mobilité.
Le Conseil d’Analyse Stratégique prévoyait en 2009 que le télétravail concernerait 50 % des actifs à l’horizon 2015. Plus modestement, l’essor du télétravail s’est accéléré et concernait en 2012 12,4 % des salariés français, ce qui reste encore très loin des pays anglo-saxons ou scandinaves (entre 20 % et 35 %).
- 92% des employeurs considèrent que le premier frein au développement du télétravail est la réticence des manageurs intermédiaires
- +22% de gain moyen de productivité en télétravail grâce à une réduction de l’absentéisme, à une meilleure efficacité et à des gains de temps
- 37 minutes de temps moyen gagné au profit de la vie familiale par jour de télétravail et 45 minutes de temps moyen de sommeil supplémentaire par jour de télétravail
- 96% de taux de satisfaction liée au télétravail de toutes les parties prenantes : télétravailleurs, manageurs, et employeurs.
- Le télétravail concerne les hommes à 63 %
Selon cette étude, si la France apparaît très en retard en matière de télétravail par rapport à d’autres pays occidentaux, c’est principalement en raison des difficultés et des craintes exprimées par les manageurs de proximité : une culture managériale française qui repose encore trop souvent sur le contrôle qui ne serait pas compatible avec le management à distance qui exige, lui, confiance et management de l’autonomie.
Les conclusions de l’étude sont très positives. Et pour cause :
- le télétravailleur a une plus grande latitude dans la gestion de son temps et l’organisation de ses tâches
- la communication interpersonnelle est plus factuelle et efficace
- les télétravailleurs acquièrent le sentiment d’être dignes de confiance
- les horaires de travail sont globalement plus flexibles en télétravail (meilleure adéquation entre moment de travail et moment propice au travail)
- le télétravail limite la « réunionite »
L’étude conclue à un optimum de deux jours de télétravail par semaine, pour bénéficier au mieux des avantages spécifiques du bureau et du domicile.
L’étude Workshifting Benefits de 2010 insiste quant à elle sur les bénéfices en matière de santé publique :
- Une baisse de 85% des pathologies liées au stress
- La baisse de l’exposition aux collègues malades
- Une baisse de l’exposition aux agents pathogènes environnementaux
- Une baisse de l’accidentologie puisque les salariés circulent moins en voiture
- Davantage de temps pour l’activité sportive régulière
- Un accès à l’emploi accru pour les travailleurs et travailleuses en situation de handicap
Télécentres
On déduit des études précitées un net gain sur la qualité de vie, la santé publique, et le travail en lui-même en adoptant le trio télétravail (2j/semaine), tiers-lieux (pour les réunions et le suivi) et bureau (pour l’interaction avec les collègues). C’est ici qu’interviennent les espaces de coworking.
La notion admise de l’espace de coworking en grande couronne est celle qui cherche à limiter les mouvements pendulaires domicile-travail et à créer des synergies au plus proche du lieu de résidence. A l’épreuve des faits, « les lieux de travail partagés ne sont guère fréquentés par les salariés des entreprises privées ».
Plusieurs raisons à cela :
- En grande couronne, les logements sont souvent suffisamment spacieux pour permettre l’aménagement d’un espace de travail
- La grande distance des salariés à leur entreprise concrétise pour l’employeur la nécessité d’un encadrement basé sur la confiance et l’autonomie. C’est une révolution que peu d’employeurs sont disposés à mettre en place
- Les grands comptes qui ont pris la décision de proposer à leurs salariés des aménagements en télétravail pourvoient pour certains à l’aménagement du poste de travail au domicile du salarié.
Les espaces eux-mêmes ont privilégié dans un premier temps le contact avec les usagers plutôt que le démarchage des employeurs. Ils en reviennent, constatant leurs difficultés d’occupation, et une volonté collégiale de démarchage des « grands comptes » pour nouer des partenariats se fait jour.
Du côté des télétravailleurs, le manque d’intimité des espaces de coworking (ou télécentre) est montré du doigt. Ainsi que le manque de plus-value par rapport à un équipement considéré comme suffisant à la maison.
Comme le télécentre est hors de l’espace intime et familial, il se prête en revanche très bien aux réunions, rendez-vous clients, fournisseurs etc. Cette fonction de réel tiers-lieux professionnel appelle un développement. En somme, au lieu de relocaliser l’emploi, il y a une forte demande à relocaliser les réunions et les rendez-vous professionnels. Cela conduit les acteurs du secteur à repenser les lieux d’implantation de ces espaces. La zone 4, dans les zones de gares, est vue comme attractive. Nous verrons très probablement des fermetures d’espaces à taux trop faible d’occupation au profit d’ouvertures ailleurs, en partenariat avec des collectivités territoriales dans ces zones urbaines, ou des changements de destination de type passage en EPN.
2) Etablissements Publics Numériques
Dans le dernier appel à communication ASTEE, le volet « Un territoire plus facile, plus sain et plus interactif pour l’usager » appelle les développements suivants :
- Le renforcement de la performance des services publics, l’accessibilité et la facilité d’utilisation des services et la prise en considération de nouveaux usages
- Le renforcement du lien social
- La réduction des risques sanitaires
- L’interactivité avec le citoyen-usager, à la fois consommateur de services et d’informations pour accompagner sa vie quotidienne et fournisseur de données
Mise à part la question sanitaire, ces objectifs convergent largement avec ceux qui sont confiés aux Etablissements publics numériques.
« Ouvert à tous, un Espace Public Numérique (EPN) permet d’accéder, de découvrir, de s’informer, d’échanger, de créer et de s’initier aux outils, aux services et aux innovations liés au numérique dans le cadre d’actions diversifiées : rencontres, débats, ateliers collectifs d’initiation ou de production, médiations individuelles, libre consultation, etc. Les EPN proposent des accès à l’Internet, ainsi qu’un accompagnement qualifié pour favoriser l’appropriation des technologies et des usages de l’Internet fixe et mobile. » NetPublic
Leurs réalisations sont extrêmement larges et vont de la lutte contre la fracture numérique à la mise en place de MOOC en passant par le coworking et l’accompagnement associatif.
La fracture numérique est pourtant réputée réduite : pas si sûr. Elle recouvre en réalité les autres fractures :
- Quasiment tous les diplômés du supérieur ont un ordinateur chez eux (97 %), contre 1 personne sur 2 parmi les non-diplômés (51 %).
- 49 % de ceux qui vivent dans un foyer où les revenus mensuels sont inférieurs à 900 euros n’ont pas un accès couplé téléphone fixe et Internet.
- Les non-diplômés n’utilisent quasiment jamais internet sur le lieu de travail ou d’études, 6 diplômés du supérieur sur 10 le font.
- 2 non-internautes sur 3 sont retraités dont 60% de femmes.
- 29% des personnes ne disposant d’aucun diplôme seulement ont internet à la maison (contre 91,1% pour les celles qui disposent de diplômes de l’enseignement supérieur)
- 87 % de connexions quotidiennes pour les diplômés de l’enseignement supérieur, 59% pour les personnes sans diplôme
- 30% des personnes âgées de plus de 70 ans et 26% des personnes sans diplôme ne se connectent presque jamais à Internet
Source : CREDOC 2013
Ces chiffres ne sont pas de l’ordre du négligeable quand de plus en plus de démarches, notamment administratives, se font de manière dématérialisée. Les Etablissements Publics Numériques remplissent donc une fonction largement sous-estimée.
La réflexion est celle de l’accès, bien sûr, mais aussi celle des besoins d’accompagnement à l’apprentissage des usages, de dépasser l’accès pour atteindre l’objectif national de « Service Universel ». Suite à une consultation nationale ayant recueilli 764 contributions, les lignes fortes suivantes ont été dégagées :
- Education, apprentissage
- Lien social, solidarité
- Equipement, logiciel libre
- Economie, innovation
- Accessibilité, accueil, mobilité
Par ailleurs, 6 nouveaux référentiels métiers ont été créés dans le cadre du dispositif Emplois d’Avenir pour renforcer les équipes des EPN et favoriser l’insertion :
Forgeur numérique : Assistant du FabLab Manager
Régisseur multimédia : Assistant du réalisateur d’évènements numériques
Assistant de valorisation des usages numériques responsables
Assistant de valorisation numérique du territoire : Assistant du Conseiller Numérique, du référent Agenda 21, …
Assistant de formation aux usages mobiles
Assistant vidéoludique : pour la valorisation des compétences et des usages éducatifs des jeux vidéos, des jeux sérieux, de l’organisation de conventions locales de joueurs, …
Et de nouvelles missions de Service Civique voient le jour.
Un exemple récent :
« Ils ont décroché leur certificat de participation. Dix-huit jeunes, répartis en deux promotions, en décrochage scolaire, viennent d’achever la formation Hello World à Argenteuil. Cette formation aux outils numériques, dispensée au sein de la Silicon Banlieue, a été créée à l’initiative de l’Agglomération d’Argenteuil-Bezons. Le dispositif est surtout destiné aux jeunes qui ont quitté l’école prématurément. » Le parisien, 22 juillet 2015
… mais Silicon Banlieue est un EPN géré une agglomération, son avenir est compromis par la dissolution à venir de l’EPCI, Argenteuil entrant dans la métropole parisienne.
3) FabLabs
La Direction Générale des Entreprises a publié un état des lieux des Ateliers de fabrication numérique, appelés couramment « FabLab ». A l’origine de ces ateliers, on trouve une initiative chère aux écologistes : les hackerspaces, basés la conviction qu’il est possible de créer de l’émancipation citoyenne par l’appropriation technique des outils, notamment numériques.
C’est une plateforme qui rassemble un public diversifié dans le but de concevoir et de réaliser des objets physiques en utilisant des machines à commande numérique. Ces ateliers répondent à des tendances de fond : la numérisation des procédés industriels, la baisse de prix des logiciels et des équipements, l’extension de l’open source aux machines, la recherche de nouvelles formes d’apprentissage… Créé en 2001 sous l’impulsion du MIT, le concept du FabLab s’est généralisé sous forme d’un label, garanti par une charte. D’autres types d’ateliers ont à leur tour émergé, dont les Techshops. Certains sont ouverts à tous, d’autres non, sur abonnement ou non, mêlant parfois activités commerciales, prototypage, espace de travail partagé etc.
Aujourd’hui, 92,4% de ces ateliers disposent d’une imprimante 3D, et 77% d’une fraiseuse numérique. Principalement tournés vers l’électronique et la menuiserie, ils s’ouvrent toutefois aussi à l’assemblage, à la couture, à la métallerie et à la peinture et sont portés en majorité par des associations et des universités (ils sont alors appelés FacLabs).
On peut identifier trois grands types d’ateliers :
- Ceux qui privilégient l’apprentissage et le pair à pair
- Les ateliers spécialisés dans le prototypage et l’innovation
- Les ateliers de fabrication personnelle
Une communauté à la fois locale et globale, désignée couramment sous le terme de « makers« , qui s’organise autour de quelques critères centraux: une dimension communautaire forte, la volonté de modifier le rapport à la propriété intellectuelle, un accès aux outils de production et d’échange de données à distance, l’hétérogénéité des participants.
Des lignes de tensions se dessinent entre la production matérielle et la production immatérielle, entre la tendance communautaire ou la tendance « servicielle », et enfin entre la démarche citoyenne et l’approche de marché. A titre d’exemple, Leroy-Merlin a lancé un partenariat avec « Techshop », l’enseigne d’ateliers de fabrication collaborative américaine, surfant ainsi sur la réputation des fablabs. Castorama a lancé son wiki et son MOOC…
Sources documentaires
- Dossier Intelligence économique, l’Express http://www.ibi-conseil.com/wp-content/uploads/2013/12/Publi_IE_lexpress.pdf
- Rapport « Intelligence économique et stratégie des entreprises, Martre, 1994 http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/074000410/
- Délégation interministérielle à l’Intelligence Economique http://www.intelligence-economique.gouv.fr/
- Guide du routard de l’intelligence économique, 2014 http://www.intelligence-economique.gouv.fr/sites/default/files/fupload/routard-guide-intelligence-economique.pdf
- Intelligence économique et Big Data : peut-on parler d’innovation disruptive ? http://www.diplomatie-digitale.com/featured/strategie/intelligence-economique-big-data-1577
- Il y aura bien deux lois sur le numérique, Les Echos, Juillet 2015 http://www.lesechos.fr/journal20150720/lec2_entreprise_et_marches/021215582356-macron-et-lemaire-auront-chacun-leur-loi-numerique-1138314.php
- Etude IAB France: nouveaux emplois en marketing et communication numérique, Février 2015 http://fr.slideshare.net/IABFrance/etude-iab-france-nouveaux-emplois-en-marketing-et-communication-numrique
- Intelligence économique, risques financiers et stratégies des entreprises, CESE, 2006 http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/064000741.pdf
- Rapport Ambition Numérique, CNNum, 2015 http://contribuez.cnnumerique.fr/sites/default/files/media/CNNum–rapport-ambition-numerique.pdf
- Le télétravail dans les grandes entreprises françaises, Greenworking, 2012 http://www.entreprises.gouv.fr/files/files/directions_services/cns/ressources/Teletravail_Rapport_du_ministere_de_Mai2012.pdf
- Workshifting Benefits : the bottom line, 2010 [ENG] http://tompkinscountyny.gov/files/workforceny/Workshifting%20Benefits.pdf
- Les espaces de coworking peinent encore à convaincre les entreprises, Portail WK-RH, Juin 2015 http://www.wk-rh.fr/actualites/detail/85680/les-espaces-de-coworking-peinent-encore-a-convaincre-les-entreprises.html
- 2nd Global Coworking Survey, DeskMag , 2011[ENG] http://reseau.fing.org/file/download/128857
- La diffusion des technologies de l’information et de la communication dans la société française, Etude CREDOC , Décembre 2013 http://www.arcep.fr/uploads/tx_gspublication/rapport-CREDOC_2013-dec2013.pdf
- Constitution du réseau national de médiation numérique, Délégation aux Usages de l’Internet, Octobre 2014 http://consultation.mediation-numerique.fr/files/depots/Synthese_Consultation_Reseau_national_%20Juil-Oct2014.pdf
- Appel à communication « Mettre l’intelligence numérique au cœur des services publics », ASTEE, 2015 http://www.astee.org/site/wp-content/uploads/2015/05/Congres_ASTEE_2016-Appel_a_com._VF1.pdf
- Etat des lieux et typologie des ateliers de fabrication numérique, Direction générale des entreprises, Avril 2014 http://www.entreprises.gouv.fr/files/files/directions_services/etudes-et-statistiques/etudes/numerique/etat-des-lieux-fablabs-2014.pdf
- Charte des FabLabs, Octobre 2012 [ENG] http://fab.cba.mit.edu/about/charter/
- Argenteuil : l’informatique leur donne une nouvelle chance http://m.leparisien.fr/argenteuil-95100/argenteuil-l-informatique-leur-donne-une-nouvelle-chance-22-07-2015-4964505.php
- Conférence « La réalité de la menace économique, portail de l’intelligence économique, 2015 http://www.portail-ie.fr/article/1182/Conference-La-realite-de-la-menace-economique
- « flashs » de la DCRI sur l’ingérence économique, 2013 http://www.portail-ie.fr/article/974/DCRI-Communication-du-Flash-du-18-12-2013-Ingerence-Economique
- Rachat de Neolane, Le Figaro, 2013 http://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/2013/06/28/32001-20130628ARTFIG00295-adobe-achete-une-pepite-francaise-du-web.php
- Forfait SFR avec Youtube, Numerama, 2014 https://www.numerama.com/magazine/28081-pourquoi-il-faut-refuser-le-forfait-red-de-sfr-avec-youtube-illimite.html
- DATA BROKERS : A Call for Transparency and Accountability, Federal Trade Commission, Mai 2014 https://www.ftc.gov/system/files/documents/reports/data-brokers-call-transparency-accountability-report-federal-trade-commission-may-2014/140527databrokerreport.pdf
- Les courtiers utilisent des milliards de points de données pour profiler les américains, infohightech.com, mai 2014 http://www.infohightech.com/les-courtiers-utilisent-des-milliards-de-points-de-donnees-pour-profiler-les-americains/
- Stratégie Régionale d’Intelligence Economique, Préfecture de Région Ile-de-France http://www.idf.pref.gouv.fr/content/download/6280/45094/file/SRIE%202012-2015_vl-1.pdf
- Feuille de route d’Intelligence Economique 2015, Préfecture de Région IDF http://www.ile-de-france.gouv.fr/index.php/content/download/8761/64068/file/Feuille%20de%20route%20IET%202015.pdf
- Manifeste convivialiste, Collectif, Ed. Le Bord de l’Eau, 2013 http://www.mouvementutopia.org/blog/public/Livre_Manifeste_Convivialiste.pdf
- Hugues Sibille, Ne laissons pas l’économie collaborative au capitalisme sauvage, La Croix, 20 juillet 2015 http://www.lelabo-ess.org/IMG/pdf/tribune_hsi_la_croix-rotated.pdf
- Manifeste du collectif Savoirs Com1 http://www.savoirscom1.info/manifeste-savoirscom1/
- Benoît Thieulin, Les Cahiers Connexions Solidaires, http://www.les-cahiers-connexions-solidaires.fr/tribune/inclusion-numerique-benoit-thieulin-cnnum/
- Copyright and the value, An Empirical Assessment, Intellectual Property Office, juillet 2015 [ENG] https://www.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/415014/Copyright_and_the_value_of_the_public_domain.pdf
- De nouvelles études confirment la valeur du domaine public pour l’innovation et la créativité, Calimaq, S.I.Lex, juillet 2015 http://scinfolex.com/2015/07/24/de-nouvelles-etudes-confirment-la-valeur-du-domaine-public-pour-linnovation-et-la-creativite/
- Les revues de Sciences humaines en France : libre accès et audience, IPP, juillet 2015 http://www.ipp.eu/wp-content/uploads/2015/07/revues-shs-rapport-IPP-juillet2015.pdf
- Dodd Frank Wall Street Reform and Consumer Protection Act [ENG] http://www.cftc.gov/lawregulation/doddfrankact/index.htm
- European Market and Infrastructure Regulation, AMF [ENG] http://www.amf-france.org/Acteurs-et-produits/Produits-derives/Presentation.html
- Tous auteurs, tous citoyens, tous politiques, Jérémie Nestel, OWNI, 2012 http://owni.fr/2012/04/21/tous-auteurs-tous-citoyens-tous-politiques/
- L’open data en collectivité à la lumière des données de mobilité, CEREMA, mars 2015 http://www.opendatafrance.net/wp-content/uploads/2012/02/CEREMA-Open-Data.pdf
- 8000 personnes libèrent en une semaine les données manuscrites des déclarations d’intérêts des parlementaires, Regards Citoyens, août 2014 http://www.regardscitoyens.org/8000-personnes-liberent-en-une-semaine-les-donnees-manuscrites-des-declarations-dinterets-des-parlementaires/
Grand merci à :
Savoirs Com1, les élus à la santé et aux TIC de la ville de Rennes, les EPN Silicon Banlieue et AISI-Vauréal, l’Atelier Fil Rouge, Mutualab, l’Assemblée Virtuelle, la revue Mouvements, Michel Briand, Ludovic Bu, Fuel Digital, Repair Café France, la commission Partage 2.0 et toutes celles et ceux qui m’ont fait l’amitié de partager, de lire et d’enrichir cette note lors d’entretiens ou des ateliers des journées d’été.
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Motion sur la loi de renseignement proposée au Conseil Fédéral EELV des 9 et 10 mai 2015
« Loi Renseignement : un blanc seing liberticide »
« L’écologie sociale reconnaît, qu’on le veuille ou non, que l’avenir de la vie sur cette planète dépend de l’avenir de la société. »
Murray Bookchin, Qu’est-ce que l’écologie sociale ?, 1993« Internet doit rester le territoire absolu de la liberté »
Abraham Lincoln, Mémoires, 1912L’une des missions fondamentales de lʼÉtat est d’assurer la sécurité des citoyens. Une autre est d’être le garant du respect des libertés publiques et des droits fondamentaux. Parmi ces libertés figure le droit à la protection de la vie privée, entre autres garanti par la Convention européenne des droits de l’Homme (article 8) , le Pacte International des droits civils et politiques (article 17) et la Charte des Droits Fondamentaux de l’Union Européenne (article 7).
Nul-e ne peut nier le sentiment de peur et d’angoisse que les actes de terrorisme génèrent dans notre société et face à la peur, c’est la tâche du politique de répondre aux inquiétudes des citoyen-nes. Néanmoins, un équilibre doit être trouvé entre l’objectif de lutte et de prévention du terrorisme, et le respect des libertés individuelles. Cet équilibre repose sur la proportionnalité et la nécessité des mesures invoquée au regard de l’atteinte potentielle aux libertés des citoyen-nes. Cet équilibre repose également sur le contrôle de celles et ceux qui sont chargés de surveiller. Plus de sécurité ne doit pas rimer avec moins de libertés.
En 2012, suite aux crimes perpétrés par Mohamed Merah, l’UMP avait proposé une loi relative au terrorisme qui avait suscité un légitime tollé, car elle confondait protection de la population et surveillance intrusive et sécuritaire. Le groupe écologiste avait alors obtenu la création d’une commission d’enquête relative aux éventuels dysfonctionnements des services de renseignements, présidée par Christophe Cavard, député écologiste. Le groupe Ecolo rappelait alors, par la voix de son co-Président, la volonté des écologistes de ne pas légiférer dans l’émotion, son refus d’une logique du tout sécuritaire, et la nécessité de protéger la neutralité du réseau Internet.
Pour les écologistes, tant en France qu’en Europe, le respect des libertés fondamentales, y compris dans le contexte numérique, est un principe démocratique qui ne peut être remis en cause. Le Manifeste Commun de l’European Green Party adopté en vue des élections européennes de 2014, rappelait l’opposition fondamentale des écologistes à la surveillance de masse et la nécessité d’assurer la protection de la vie privée, ce qui inclut la protection des données numériques des usagers d’Internet. En septembre 2014, les député-es écolos étaient le seul groupe qui avait choisi de s’abstenir sur la loi anti-terrorisme, et nos sénateurs avaient finalement choisi de voter contre cette loi.
À la suite des tragiques événements de janvier 2015, le Gouvernement a introduit en urgence un projet de loi dit « de renseignement ». Pourtant, ces attentats ne faisaient pas apparaître un échec des méthodes de renseignement, ils posaient la question de l’exploitation et du partage des informations récoltées, des ressources allouées à cette tâche, et de la faillite à protéger une cible désignée publiquement de longue date. Les auteurs étaient en effet déjà identifiés par des services de renseignement, bien avant qu’ils ne passent à l’acte, mais n’étaient plus suivis ni surveillés. Le nouveau texte de loi a suscité, à juste titre, les vives critiques d’un large panel d’instances officielles (CNDCH, CNN, Commission de réflexion sur le droit et les libertés à l’âge du numérique de l’Assemblée Nationale), d’organisations humanistes et de syndicats (Ligue des Droits de l’Homme, Syndicat de la Magistrature, USM, Amnesty France, CGT Police, Ordre des Avocats de Paris, etc.) ainsi que de nombreux acteurs d’Internet et de l’économie numérique (W3C, INRIA, Quadrature du Net, Numerama, Gandi, OVH, Online, le Syndicat des Professionnels du Numérique, etc.).
Ce nouveau projet de loi tend à légaliser des pratiques des services de renseignements jusqu’ici utilisées sans aucun encadrement, et sans jamais interroger leur efficacité. Le texte légalise ainsi l’utilisation des IMSI catchers, dispositifs permettant le recueil de tous les échanges sur téléphones portables qui transitent dans un périmètre donné (par exemple sur les lieux d’une manifestation).
Plus grave encore, l’installation de « boîtes noires » chez les hébergeurs et fournisseurs d’accès à Internet, qui ont vocation à intercepter l’ensemble du trafic réseau de façon indifférenciée. Des algorithmes doivent permettre de détecter les comportements d’internautes susceptibles de refléter une activité « terroriste ». Ceci revient, ni plus ni moins, à pister tous-tes les internautes en permanence, dans toutes leurs activités en ligne, dans le but de récolter des « indices » de comportements jugés dangereux. Aucune information technique sur ces dispositifs n’est fournie, au motif du « secret défense », aucune information non plus sur les conditions de traitement et d’exploitation de ces données. Aucune justification du coût de ces nouveaux dispositifs n’est présentée par le Gouvernement dans son étude d’impact. Et aucun recours n’est prévu si un-e citoyen-ne se retrouve ainsi suivi-e. Cette activité de surveillance complète des internautes se fera donc sans aucune transparence, à la discrétion du pouvoir en place.
La Commission chargée de contrôler l’activité des services n’aura qu’un simple rôle consultatif. En procédure d’urgence, elle ne pourra même pas rendre d’avis préalables. De plus, la conservation des données interceptées a été considérablement allongée.
Le domaine d’intervention des services de renseignement sera aussi étendu bien au-delà de la lutte contre le terrorisme, notamment dans le cadre des « atteintes à la forme républicaine des institutions », des « violences collectives portant atteinte à la sécurité nationale » ou des « infractions commises en bande organisée ». Le texte introduit l’idée que les mouvements sociaux contestataires, y compris ceux se réclamant de la contestation écologique, rentrent désormais dans le champ d’utilisation des techniques de surveillance et d’écoute généralisée. Les possibilités de surveillance pour des motifs d’intelligence économique ou des intérêts de la politique étrangère ont été renforcés : surveillera-t-on demain des association qui luttent contre Areva ou la Françafrique ?
L’article L.811-1 du livre VIII du code de la sécurité intérieure dispose pourtant : « Le respect de la vie privée, dans toutes ses composantes, notamment le secret des correspondances, la protection des données personnelles et l’inviolabilité du domicile, est garanti par la loi. L’autorité publique ne peut y porter atteinte que dans les seuls cas de nécessité d’intérêt public prévus par la loi, dans les limites fixées par celle-ci et dans le respect du principe de proportionnalité. » Sur proposition du député EE-LV Christophe Cavard, le texte de loi, déjà très critiqué en l’état, a étendu les techniques de surveillance électronique aux services pénitentiaires (vote à l’Assemblée Nationale ce 15 avril 2015), et cela contre l’avis même de Christiane Taubira, qui y voyait une « modification substantielle du métier de surveillant » et de la majorité de nos député-es.
Ce nouveau blanc seing accordé au pouvoir exécutif touche aux valeurs et aux droits fondamentaux de notre République. Un tel projet de loi est incompatible avec le type de société libre, ouverte, généreuse, responsable, adulte et conviviale à laquelle aspire l’écologie politique depuis ses premières luttes dans les années 1970 pour l’émancipation des peuples et un « vivre mieux » écologique. Ce projet est enfin incompatible avec le principe de séparation des pouvoirs garanti par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789 qui affirme que : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution. »
Motion
Le Conseil Fédéral réuni les 9 et 10 mai 2015, rappelle son attachement aux libertés fondamentales des citoyen-ne-s et notamment au droit à la protection de notre vie privée et au secret de nos correspondances, qui sont au fondement même de l’idéal démocratique. Il s’oppose sans concession à la mise en place technique et législative d’une surveillance de masse de la population, qui plus est, si elle est supervisée directement par le Gouvernement, sans autorisation préalable de la justice et donc au mépris de la séparation des pouvoirs.
Le Conseil Fédéral demande que les parlementaires écologistes attachent la plus haute importance à ces principes au cours de leurs travaux législatifs.
- Le texte ayant été voté en première lecture à l’Assemblée Nationale (vote solennel le 5 mai), le Conseil Fédéral invite ses Sénatrices et Sénateurs à sʼopposer à toutes les dispositions de ce texte susceptibles de menacer les libertés fondamentales.
- Le Conseil fédéral invite ses Sénateurs et Sénatrices à reprendre les amendements, élaborés en consultation avec les Commissions nationales thématiques (Justice et Partage 2.0 – Libertés Numériques) et défendus par une majorité de député/es mais également à voter contre cette loi en l’absence d’avancées significatives.
- La présentation en urgence de ce texte empêchant une deuxième lecture à l’Assemblée nationale, le Conseil Fédéral invite ses parlementaires à soutenir toute saisine du Conseil constitutionnel concernant cette loi.
Porteurs :
Tewfik Bouzenoune, responsable de la commission Justice
Gregory Gutierez, responsable de la commission Partage 2.0 – Libertés numériques
Communiqués
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Économie numérique : innover, c’est aussi partager !
Ce mardi 5 novembre, Fleur Pellerin, ministre des PME, de l’Innovation et de l’Économique Numérique, a présenté son plan « Une nouvelle donne pour l’innovation » (1). Si l’initiative est ambitieuse dans ses termes, les propositions concrètes ne sortent pas hélas de la logique actuelle d’une économie de l’innovation fondée sur la course aux brevets et l’appui au secteur privé, au lieu de favoriser l’essor de pratiques collaboratives et de technologies ouvertes, qui serait pourtant si profitable aux PME et à la recherche en générale.
La prolifération de brevets dans les nouvelles technologies a produit et continue à produire des abus qui se comptent en milliards d’Euro, en investissements comme en procédures de justice. Ce fut le cas lors du procès retentissent entre Apple et Samsung en 2012 (2). L’innovation et la créativité se retrouvent bien souvent étouffées et empêchées par de telles pratiques, qui verrouillent la recherche.
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EELV demande à François Hollande d’accorder l’asile politique à Edward Snowden
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Affaire PRISM : menaces sur Internet, quels antidotes ?
Dossiers
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Les trois dérives du nouveau projet de loi sur le renseignement
Une fois de plus, cette fois après les attentats sanglants de janvier 2015, le parlement français s’apprête à voter une loi qui va faire encore reculer les droits fondamentaux des citoyen-ne-s, notamment lorsqu’ils utilisent le réseau Internet, et cela au prétexte de garantir leur sécurité et les intérêts de la France.
Les critiques n’ont pas tardé quant à ce nouveau projet de loi « relatif au renseignement » (1) : inquiétudes de la CNIL (2) et du Conseil National du Numérique (3) dont les avis ne sont visiblement pas pris en compte, de plusieurs ONG de défense des droits humains (Amnesty International a lancé une campagne #unfollowme contre « le Patriot Act à la française » (4)), mais aussi de représentants de la justice qui tirent la sonnette d’alarme sur les nouvelles prérogatives de l’administration (Marc Trévidic, juge anti-terroriste, parle de « pouvoirs exorbitants » concédés au gouvernement (5)).
Au-delà de ces critiques que la commission Partage 2.0 partage largement (voir notamment notre article de septembre 2014, Loi anti-terroriste : un attentat contre la démocratie), nous voudrions alerter sur trois dérives qui semblent être constitutives de cette nouvelle politique du renseignement.
1 – La notion de terrorisme est à géométrie variable : l’histoire récente l’a montré, la notion de terrorisme peut recouvrir des réalités très différentes, y compris en France (6). Tout le monde s’accorde à qualifier de « terroristes » les attaques contre Charlie Hebdo, ou plus récemment contre le musée du Bardo en Tunisie. Ce terrorisme-là ne fait aucun doute, sa violence aveugle est immédiatement constatable, tant par ses actes que son discours. Mais une fois que ce terme de terrorisme est entré dans la loi, pour justifier et renforcer une surveillance électronique généralisée et automatisée, qui sera garant que le terme ne sera pas utilisé aussi pour surveiller, entraver et éventuellement priver de liberté, des militants engagés dans certains combats, parce qu’ils pourraient nuire à des intérêts économiques ou politiques du moment ? Un lanceur d’alerte qui dévoile des secrets d’une entreprise, ou des activistes qui empêchent un train de circuler, ou des militants qui neutralisent des engins de chantier, pourront-ils être considérés comme « nocifs aux intérêts supérieurs de la France » ? À aucun moment, ni dans cette nouvelle loi ni dans celles qui l’ont précédé, les expressions « acte terroriste » ou « apologie du terrorisme » n’ont été précisés, et ses limites seront donc, de fait, définies par les hommes et femmes qui ont, ou qui auront, le pouvoir.
2 – L’État serait toujours vertueux : La loi va octroyer de nouveaux pouvoirs aux administrations, c’est-à-dire aux ministères et au gouvernement dans son ensemble, sans qu’un juge ne soit consulté au départ pour valider l’usage de ces pouvoirs. Mais qui va surveiller les motivations des hommes et des femmes qui pourront scruter la vie privée numérique de n’importe qui, à partir du moment où « l’intérêt supérieur de la France » aura été invoqué ? La nouvelle loi prévoit bien une Commission nationale de contrôle des techniques du renseignement (CNCTR), mais elle sera composée de députés, de sénateurs, de membres du Conseil d’État et de « personnalités qualifiées ». Et si l’une de ces personnes entretient des intérêts personnels contraires aux missions de la CNCTR ? Par exemple, au hasard, s’il est le porte-voix d’un quelconque lobby économique qui verrait d’un mauvais œil l’activisme de certains, ou s’il a des intérêts financiers dans une grande entreprise en charge de la distribution de l’énergie en France ? Comment sera garantie l’impartialité et la neutralité de cette CNCTR ? Et d’ailleurs, pourquoi aucun représentant des citoyen-ne-s usagers des réseaux numériques n’y siégera ? Le principe qui semble présider à cette loi est que l’État, toujours, forcément, est et restera vertueux, au point qu’il n’est plus nécessaire de consulter la justice avant d’agir. C’est tout l’idéal républicain de la séparation des pouvoirs qui est battu en brèche par un tel implicite.
3 – C’est trop technique pour y mêler le peuple : dernière dérive de ce projet de loi, et de ses prédécesseurs, l’idée que ces questions de surveillance du réseau sont de toute manière trop complexes, trop techniques, pour en faire la pédagogie auprès des citoyen-ne-s français, et pour mériter qu’ils soient consultés à ce sujet. De toute façon, « les Français ont peur », comme aiment à le répéter les médias, et de nombreux élu-e-s croient que leur rôle est avant tout de les rassurer. Pourtant toutes ces questions touchent directement aux usages des technologies numériques par tout à chacun, donc au droit à la vie privée et à la libre expression, y compris sur Internet. Nous sommes à une époque où même les pré-adolescents ont des smartphones et s’expriment sur les réseaux sociaux. Demain, va-t-on pouvoir discriminer entre les « bons » ados et les « mauvais », pour de simples statuts Facebook ou Tweeter ? L’épisode fâcheux de la censure du site islam-news.info, décidé par l’État français qui l’a présenté comme un réseau de djihadistes en devenir, alors qu’il s’agissait d’un site alimenté par une seule personne, française, qu’il était hébergé en France et clairement critique envers les appels au djihad (7), a déjà montré à quel point ces censures administratives pouvaient être contre-productives. Les usagers du Net sont loin d’être systématiquement de doux agneaux innocents, qui seraient incapables, par eux-mêmes, de comprendre les enjeux techniques et de repérer les sites dangereux ou perçus comme tels. Sous prétexte d’empêcher des jeunes à la dérive de « partir au djihad », la loi entérine l’infantilisation de tous les internautes, quitte à multiplier les injustices et les accrocs à leur liberté d’expression.
Pour toutes ces raisons, la commission Partage 2.0 encourage les députés et sénateurs français à bien réfléchir aux pouvoirs qu’ils s’apprêtent à offrir à l’État, sous prétexte de réagir vite et bien à la menace terroriste. Ces nouveaux pouvoir de surveillance généralisée (et donc de suspicion généralisée) touchent aux valeurs et aux droits fondamentaux qui font qu’une démocratie peut se revendiquer comme telle. Et la question se pose, cruciale, de l’usage que pourront faire nos gouvernants de demain, quelle que soit leur couleur politique, grâce aux lois qui sont votées aujourd’hui. Les tout récents résultats des élections départementales, avec un parti d’extrême-droite recueillant pas moins de 25 % des suffrages exprimés, devrait pourtant service d’alerte. Et l’exemple (ou plutôt le contre-exemple) du Patriot Act américain permet déjà de voir à quelle société le Parlement français est en train d’œuvrer, avec la meilleure volonté du monde, sous prétexte d’assurer notre sécurité à toutes et tous.
1 – Le texte du projet de loi est publié sur LégiFrance
2 – Article Nextinpact.com : L’avis de la CNIL sur le déréférencement administratif des sites, sans juge
3 – Article sur le site du CNNum : Renseignement : le Conseil national du numérique s’inquiète d’une extension du champ de la surveillance et invite à renforcer les garanties et les moyens du contrôle démocratique
4 – Sur le site d’Amnesty International : Campagne #UnFollowMe, Stop à la surveillance de masse
5 – Article sur le site de l’Express : Projet de loi sur le renseignement: les réserves du juge antiterroriste Marc Trévidic
6 – Article Affaire de Tarnac sur Wikipédia
7 – Article sur Numerama.com : « Moi, censuré par la France pour mes opinions politiques »
Article rédigé par Grégory Gutierez, responsable de la commission Partage 2.0.
Cet article est publié sous licence Creative Commons Attribution – Partage dans les mêmes conditions 2.0Lire la suite -
Le prix Nobel de la Paix pour Edward Snowden
Nomination d’Edward Joseph Snowden pour le prix Nobel de la paix 2014
À l’attention du comité norvégien pour le prix Nobel
Par la présente, nous exprimons notre souhait de nominer M. Edward Joseph Snowden (né le 21 juin 1983) pour le prix Nobel de la paix 2014, en raison de sa contribution exceptionnelle à l’avancée des valeurs démocratiques et à la prise de conscience globale de l’interdépendance et de l’interconnexion de l’espèce humaine, conditions pour une paix universelle.
En juin 2013, nous avons tous découvert le visage d’un jeune homme qui, du jour au lendemain, est devenu pour certains un symbole de la trahison d’État et pour beaucoup d’autres un défenseur héroïque des libertés les plus fondamentales. Lorsqu’il a révélé et publié des documents sur les services secrets espionnant l’Internet, les appels téléphoniques et d’autres données de communications, M. Snowden a mis en lumière les violations les plus amples et les plus systématiques de la vie privée observées dans « le monde libre » depuis des décennies.
Ancien sous-traitant pour la NSA (Agence de Sécurité Intérieure des États-Unis) et employé de la CIA, M. Snowden a transmis des milliers de documents de la NSA révélant les programmes d’interceptions téléphonique et Internet massifs et très intrusifs au quotidien britannique The Guardian en mai 2013, avant de s’enfuir vers Hong-Kong et d’obtenir un asile temporaire en Russie.
Depuis la tragédie du 11-Septembre et le déclenchement de la « guerre globale contre le terrorisme » par les gouvernements successifs des États-Unis et leurs alliés en Europe et ailleurs, l’attitude de certains gouvernements vis-à-vis des sujets de sécurité est devenue de plus en plus intrusive. Au nom de la « paix » et de la « sécurité », de nombreuses libertés fondamentales, notamment la liberté d’expression et le droit à la vie privée, sont menacées, et même bafouées dans certains cas.Les révélations (encore en cours) sur la NSA ont eu des répercussions globales colossales, notamment l’émergence de débats publics intenses sur le secret d’État, sur la vie privée, sur la protection des données, sur la complicité des entreprises et sur les limites de la surveillance nationale et internationale. Les actions de M. Snowden ont également déclenché le lancement d’enquêtes parlementaires sur la portée et la légalité des programmes d’écoutes, un examen de tout l’espionnage des États-Unis et des technologies de collecte des communications, des incidents diplomatiques majeurs avec l’atterrissage forcé et la fouille de l’avion du Président bolivien Morales, ainsi que des incidents sérieux contre les libertés fondamentales des médias au Royaume-Uni.
Ce faisant, M. Snowden a pris de grands risques pour sa propre sûreté personnelle. Il a dû abandonner sa carrière, son pays et ses proches. La violence de certaines réactions officielles démontre qu’il a touché un point profondément sensible dans les pratiques actuelles de nombreux gouvernements et organisations publiques. Il est véritablement devenu, un cran plus loin que ses précurseurs Julian Assange et Chelsea Manning, le visage symbolisant une faille majeure dans nos systèmes démocratiques.Son action a contribué à une immense avancée des valeurs démocratiques et de la prise de conscience globale de notre interdépendance et de notre interconnexion, et donc de la paix universelle. Aussi pour toutes ces raisons, il mérite d’être considéré par le Comité norvégien Nobel pour recevoir le Prix Nobel de la Paix.
Très sincèrement,
Rebecca Harms
Daniel Cohn-Bendit
Jan Philipp Albrecht
Ska Keller
José BovéPourquoi attribuer le Prix Nobel de la Paix à Edward Snowden ?- Pour exprimer le soutien à Edward Snowden dans ses épreuves actuelles et pour encourager d’autres lanceurs d’alerte potentiels à se révéler pour le bénéfice de tous ;
- Pour souligner le fait que les lanceurs d’alerte et les journalistes d’investigation peuvent avoir un impact significatif sur la jouissance des droits de l’homme en prenant des risques considérables pour révéler la vérité sur des pratiques inacceptables des gouvernements ou des entreprises, et que de ce fait, ils peuvent être considérés comme des défenseurs des droits de l’homme et des prêcheurs de paix.
- Pour contribuer à une conscience globale de l’interdépendance et du destin partagé de l’humanité, qui sont des conditions pour la paix universelle.
- Pour apporter la preuve que les Prix Nobel de la Paix ne subissent pas de biais à double tranchant après la distinction successive du Président des États-Unis Obama et de l’Union Européenne, et pour reconnaître que la promotion et le respect des droits de l’homme, de la paix et de la démocratie commence chez soi.
Traduction de la page Peace Prize for Snowden publiée le 31 janvier 2014 sur le site Les Verts / Alliance Libre Européenne, par les membres de la commission Partage 2.0 (Libertés numériques) d’Europe Écologie – Les Verts.
Cette traduction est publiée sous licence Creative Commons Attribution – Partage dans les mêmes conditions 2.0Crédit photo : Laura Poitras (Creative Commons By) -
À l’ère du numérique, la France doit plus que jamais protéger les libertés individuelles des citoyens.
Ce mardi 10 décembre, le Sénat s’apprête à débattre en deuxième lecture et à voter le projet de loi sur la Programmation Militaire 2014-2019. Dans son article 13, ce projet propose ni plus ni moins que d’autoriser des ministères et divers services de l’État à accéder aux données des utilisateurs transitant sur le réseau Internet, et cela sans même qu’une décision de justice ne l’ait autorisé au préalable.
Les motifs invoqués pour un tel recul des libertés numériques sont plus que flous, il est question de « recherche de renseignements intéressant la sécurité nationale », de « sauvegarde des éléments essentiels du potentiel scientifique et économique de la France » et bien entendu, une fois encore, de lutter contre le terrorisme.
Cette justification d’une surveillance généralisée par l’invocation de grands principes – prétextes faciles derrière lesquels se cachent bien souvent les intérêts politiques ou financiers du moment – est inquiétante en ce qu’elle ouvre la voie à tous les arbitraires.Si l’article 13 de ce projet de loi venait à être adopté, à peu près tout et n’importe quoi, et aussi n’importe qui, pourrait donc faire l’objet d’une surveillance active, sans décision de justice et sur simple volonté du pouvoir exécutif.
Ces dernières années, les dérives en matière de surveillance et de non respect des libertés fondamentales ont été nombreuses. Écoutes de journalistes, qui remettent en cause le secret des sources pourtant nécessaire à une presse libre et indépendante du pouvoir ; affaire du « groupe de Tarnac » fin 2008 durant laquelle l’impératif de lutte contre le terrorisme a servi de prétexte à une opération de communication gouvernementale à la fois absurde et anxiogène ; depuis juin dernier, multiples révélations sur l’étendue des écoutes de la NSA et sur l’enthousiasme de la DGSE à y collaborer (ces révélations ont fait vaciller le pouvoir en Allemagne, mais le gouvernement français préfère visiblement les ignorer…).
Toutes ces affaires montrent à quel point un pouvoir peu ou pas du tout encadré par la justice, devient capable de toutes les transgressions, n’hésite plus à piétiner les droits des citoyens et à passer outre les gardes-fous nécessaires au bon fonctionnement d’une démocratie. Et les excès d’une société de surveillance généralisée sont d’autant plus dangereux qu’aujourd’hui les outils numériques agrègent les données personnelles de leurs utilisateurs avec une efficacité redoutable, souvent même sans que ces derniers ne s’en aperçoivent (réseaux sociaux, smartphones, technologies « cloud », logiciels espions des constructeurs, etc.).
Rappelons que la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 pose notamment que « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme, et que tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté, dans les cas déterminés par la Loi » (article 11), et que « la garantie des droits de l’Homme et du Citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée » (article 12).
Les commissions Partage 2.0 et Justice s’alarment des conséquences néfastes de ce projet de loi et rappellent que le Conseil National du Numérique, créé en 2011, ainsi que la CNIL, en charge de la protection des données personnelles et des libertés individuelles, ont exprimé des réserves explicites, que les député-es ne peuvent pas et ne doivent pas ignorer. La CNIL a publiquement déploré que les parlementaires n’aient pas jugé utile de recueillir son avis concernant cette disposition pourtant intentatoire aux libertés individuelles.
Les commissions Partage 2.0 et Justice invitent les parlementaires à mesurer les conséquences délétères qu’une telle loi aura, tôt ou tard, sur les libertés individuelles, et appellent au rejet de l’article 13 ainsi qu’à l’instauration d’un moratoire. Pour qu’un véritable débat démocratique puisse se dérouler, une information du public aussi complète que possible doit être organisée.
Cet article, co-signé par les commissions Partage 2.0 et Justice, est publié sous la licence Creative Commons Attribution – Partage dans les mêmes conditions 2.0