L’objectif français pour la consommation énergétique finale en 2020

Note en support de l’audition du 25 avril par la Commission d’enquête du Sénat sur « Le coût réel de l’électricité ».

Par Bernard Laponche

 

Le 16 décembre 2011, Madame Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement (MEDDTL), a présenté 27 mesures pour accélérer les économies d’énergie, en conclusion des travaux de la « table ronde nationale sur l’efficacité énergétique » qui s’est tenue de juin à novembre 2011. A cette occasion, elle a présenté l’objectif de la France pour la consommation d’énergie finale à l’horizon 2020.

La présente note a pour objet d’analyser et de commenter cet objectif qui est passé presque inaperçu (en tout cas des média) et qui est important pour les futures discussions sur la politique énergétique française.

Les documents utilisés sont ceux diffusés le 16 décembre (Communiqué de presse, Dossier de presse, Programme d’action pour l’efficacité énergétique), ainsi que le Plan d’action de la France en matière d’efficacité énergétique (PNAEE) transmis à la Commission européenne en juin 2011.

Les Annexes 1 et 2 présentent les bilans énergétique et électrique français en 2010.

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Table des matières

1. L’objectif 2020 pour la consommation d’énergie

2. Que signifie « l’accélération de la politique d’efficacité énergétique »

3. Ce que dit le PNAEE en termes d’objectif

4. La baisse de l’intensité énergétique finale et la loi POPE

5. Conclusion : l’objectif français pour la consommation énergétique finale en 2020

Annexe 1 : le bilan électrique français en 2010

Annexe 2 : le bilan énergétique français et la contribution du nucléaire

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1. L’objectif 2020 pour la consommation d’énergie

L’objectif 2020 pour la consommation d’énergie est exprimé ainsi :

– Dans le Communiqué de presse :

« Au total, la politique nationale en faveur de l’efficacité énergétique doit permettre une diminution des consommations à l’horizon 2020, comprise entre 19,7 et 21,4% ».

On notera la précision de cette évaluation.

– Dans le Dossier de presse :

« … pour atteindre voire dépasser un objectif de 20% d’amélioration de l’efficacité énergétique en 2020 ».

Cette phrase n’a en fait pas des sens par elle-même. Il faut donc la comprendre au sens de l’objectif « -20% » de l’Union Européenne (décision de mars 2007, non contraignante », appelée à tort « 20% efficacité énergétique » qui signifie une réduction de 20% de la consommation d’énergie en 2020 par rapport au scénario « tendanciel » (sans mesures nouvelles d’efficacité énergétique au-delà de 2007, défini pour la France comme le scénario « pré-Grenelle »). Mais, l’objectif européen a été défini comme se rapportant à la consommation d’énergie primaire alors que celui que la France affiche est formulée en énergie finale[1]. La France refuse l’objectif en énergie primaire (sans doute à cause du nucléaire).

Donc, grosso modo, l’objectif du gouvernement actuel est une réduction de 20% de la consommation énergétique finale en 2020 par rapport au scénario tendanciel. Qu’es-ce que cela signifie en valeurs absolues et que signifie l’expression « accélération des économies d’énergie » par rapport à cet objectif ?


[1] Il s’agit de la consommation finale énergétique. Celle-ci exclut la consommation des usages non énergétiques qui incluse dans la consommation finale totale.

 

2. Que signifie « l’accélération de la politique d’efficacité énergétique »

Le Dossier de presse précise le sens de cette « accélération » apportée par les 27 mesures du 16 décembre :

« D’après le Plan national d’action en faveur de l’efficacité énergétique (PNAEE), publié en juin 2011, la mise en œuvre de la stratégie de la France en termes d’efficacité énergétique permet une réduction de a consommation d’énergie de 17%, soit 135 Mtep. Un effort supplémentaire est donc nécessaire pour atteindre la contribution d la France à l’objectif européen de 20% d’économies d’énergie à l’horizon 2020 ».

Ce paragraphe appelle quelques commentaires :

a) Il confirme bien le glissement par rapport à la décision européenne : celle-ci porte sur l’énergie primaire et la France prétend s’y conformer, amis elle parle d’énergie finale.

b) On voit que le gros des économies d’énergie obtenues en 2020 par rapport au scénario tendanciel devrait être assuré par les mesures qui figurent dans le PNAEE (les 17% représentent la différence entre l’objectif de 135 Mtep et la valeur tendancielle de 163 Mtep). Les 27 mesures permettraient de gagner 3% de plus.

Il nous faut donc regarder ce que dit le PNAEE puisque c’est lui qui représente de loin l’essentiel des économies prévues.

 

3. Ce que dit le PNAEE en termes d’objectif

En application de la Directive de 2006[1], le gouvernement français a adressé à la Commission européenne, en juin 2011, le « Plan d’action de la France en matière d’efficacité énergétique » (PNAEE).

Dans ce document, au chapitre 3 « Evaluation des économies d’énergie », sous-chapitre 3.1 « Les économies d’énergie estimées en 2016 et 2020 », deux scénarios sont présentés pour effectuer cette évaluation :

– le scénario « pré-Grenelle » (PG), scénario tendanciel estimant l’évolution de la consommation d’énergie de la France en l’absence des objectifs et mesures décidés lors du Grenelle de l’Environnement ;

– le scénario « avec mesures supplémentaires » (AMS), scénario fondé sur l’ensemble des mesures décidées à l’été 2010 et des objectifs sectoriels inscrits dans la loi suite au Grenelle de l’Environnement (prise en compte des objectifs et des mesures réellement décidés nous dit le texte).

 

Les résultats sont donc tout à fait officiels et, à nouveau, présentent à la Commission européenne et aux autres Etats membres les engagements de la France, notamment par rapport à l’objectif dit « 20% efficacité énergétique » du paquet énergie-climat de l’Union Européenne.

Ces résultats sont les suivants :  l’évolution de la consommation totale d’énergie finale varie de 158 Mtep en 2009 à 163 Mtep en 2020 dans le scénario PG et 135 Mtep dans le scénario AMS.
Dans le scénario AMS, cette consommation est, en 2020, inférieure de 28 Mtep, soit 17%, à celle du scénario PG la même année et inférieure de 23 Mtep, soit 15%, à la consommation constatée en 2009.

Evolution des consommations d’énergie finale de la France entre 1990 et 2020 selon les scénarios PG et AMS (sources : historique : SOeS, base de données Pégase, scénarios PG et AMS :étude Enerdata, Mars 2011)

Le caractère d’objectifs politiques de ces résultats est bien confirmé par le « Programme national de réforme de la France 2011-2014 », document d’avril 2011, envoyé à la Commission européenne dans le cadre du suivi du traité de Lisbonne.

Quelques extraits :

a) Dans le Chapitre 1, « Présentation des objectifs :

« En conformité avec les cinq grands objectifs européens, la France s’engage à poursuivre ses efforts pour atteindre les objectifs nationaux suivants d’ici 2020…

.3. …« Concernant l’efficacité énergétique, la France a fait le choix de retenir des objectifs sectoriels (bâtiment, transport par exemple), chiffrés en énergie finale, en cohérence avec la directive 2006/32/CE relative à l’efficacité énergétique dans les utilisations finales et aux services énergétiques ainsi qu’avec le dispositif des certificats d’économies d’énergie mis en place en France, qui est l’un des piliers de la politique d’efficacité énergétique française. La notion d’énergie finale apparaît en effet mieux appréhendée par les consommateurs. À titre indicatif, l’atteinte de ces objectifs devrait porter la consommation d’énergie finale à 135 Mtep à l’horizon 2020, contre une tendance qui aurait abouti à 163 Mtep sans les mesures prises par la France au titre du Grenelle de l’environnement. »

b) Dans le tableau récapitulatif des objectifs :

Aux consommations d’énergie finale en 2020, respectivement de 163 Mtep et 135 Mtep dans les scénarios PG et AMS, correspondent des consommations finales d’électricité en 2020 de 45,0 Mtep (soit 523 TWh) dans le scénario PG et 34,7 Mtep (soit 403 TWh) dans le scénario AMS, celui-ci état présenté comme l’objectif à atteindre.

L’objectif de la politique énergétique française serait donc de réduire la consommation finale d’électricité  de 424 TWh constatés en 2009 à 403 TWh en 2020, soit de 5%.

[1] Articles 4 et 14 de la Directive 2006/32/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2006 relative à l’efficacité énergétique ans les utilisations finales de l’énergie et aux services énergétiques.

 

4. La baisse de l’intensité énergétique finale et la loi POPE

En page 11 du PNAEE, paragraphe 2.2, « Les engagements de la France en matière d’efficacité énergétique », il est écrit en début du second paragraphe :

« En matière d’efficacité énergétique, la loi Pope fixe comme objectifs la réduction de 2% par an d’ici à 2015 de l’intensité énergétique finale et de 2,5% par an entre 2015 et 2030 ».

On comprend (comme le comprennent apparemment les auteurs du Plan d’action comme le montrent les phrases suivantes), que l’on devrait déjà (depuis 2006, la loi Pope datant de juillet 2005) réduire annuellement l’intensité énergétique finale de 2% chaque année.

Mais la formulation de la loi Pope[1] n’est pas celle-ci mais la suivante (début de l’article 3) :

« Le premier axe de la politique énergétique est de maîtriser la demande d’énergie afin de porter le rythme annuel de baisse de l’intensité énergétique finale à 2% d’ici 2015 et à 2,5% d’ici 2030 ».

Ce qui n’est pas du tout la même chose : dans la loi Pope, il s’agit d’atteindre le 2% en 2015 et le 2,5% en 2030. La loi Pope est donc nettement moins ambitieuse que la formulation du Plan d’action.

[1] Loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique.

 

5. Conclusion : l’objectif français pour la consommation énergétique finale en 2020

Les mesures d’accélération des économies d’énergie, présentées par la ministre le 16 décembre doivent permettre la diminution des consommations à l’horizon 2020 entre 19,7% et 21,4%, soit entre 2,7% et 4,4% de plus que l’objectif de 17% du PNAEE.

Si l’on applique ces pourcentages à la consommation énergétique finale du scénario tendanciel (163 Mtep), on obtient une consommation énergétique finale « objectif » pour 2020 comprise entre 131 et 128 Mtep, soit entre 17% et 19% de la consommation énergétique finale constatée en 2009 (158 Mtep).

Si l’on applique les mêmes pourcentages de réduction du fait de «l’accélération » annoncée le 16 décembre à la consommation finale d’électricité, celle-ci devrait se situer en 2020 entre 392 TWh et 389 TWh, soit une réduction de 8% à 9% par rapport à 2009 (424 TWh).

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Annexe 1 : le bilan électrique français en 2010

Bilan électrique 2010

Total

Par habitant

     

(62,45 millions[1])

     

TWh

kWh

PRODUCTION BRUTE, dont

572,43

9169

Renouvelables non thermiques

77,54

1242

    Hydraulique, dont

67,09

1075

        Pompage  

4,49

72

    Géothermique

 

    Eolien

9,6

154

    Solaire

0,85

14

Thermiques, dont  

494,43

7920

            Nucléaire

427,91

6854

            Fossile

60,4

967

        ex-charbon  

29,33

470

        ex-pétrole  

5,83

93

        ex-gaz    

25,24

404

           Biomasse  

6,12

98

Divers    

0,47

8

Autoconsommation (1)

-24,26

-389

Production nette (2)  

548,17

8781

IMPORTATIONS  

20,17

323

EXPORTATIONS  

-50,7

-812

Consommation du pompage

-6,34

-102

Disponibilité intérieure (3)

511,3

8190

Pertes de transport et distribution

-34,15

-547

CONSOMMATION TOTALE (4)

477,15

7643

Consommation secteur énergie

31,26

501

CONSOMMATION FINALE, dont :

445,89

7142

    Industrie

130,89

2097 (29%)

     Transport

13,8

221   (3%)

    Résidentiel

167,99

2691 (38%)

    Tertiaire

128,94

2065 (29%)

    Agriculture

4,27

68   (1%)


(1) Autoconsommation : consommation d’électricité des centrales électriques.

 (2) Production nette = production brute + autoconsommation (-).

(3) Disponibilité intérieure = Production nette + importations + exportations(-) + consommation du pompage(-).

(4) Consommation totale = Disponibilité intérieure + pertes de transport et distribution (-).

[1] France métropolitaine.

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Annexe 2 : le bilan énergétique français et la contribution du nucléaire

Voir page 5 de Repères : chiffres clé de l’énergie – Edition 2011

La production d’électricité d’origine nucléaire est comptée à 114,5 Mtep, soit 18 fois celle de l’hydraulique (6,4 Mtep). En réalité, les 114,5 Mtep sont la production de chaleur dans les réacteurs nucléaires et la production d’électricité par les centrales nucléaires n’est que de 36,8 Mtep, soit six fois seulement celle de l’hydraulique.

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