L’avenir de l’énergie est en l’air, pas dans les profondeurs des schistes

Article publié sur Slate.fr

Pour Sandrine Bélier, eurodéputée Europe Ecologie-Les Verts, nous devrions laisser les Etats-Unis développer et expérimenter des technologies alternatives à la fracturation hydraulique. Pendant ce temps, nous pourrions miser sur les énergies renouvelables, sur les économies d’énergies, l’efficacité énergétique, c’est-à-dire sur un futur durable et sûr.

 

Les gaz de schistes continuent de faire débat en France et au niveau européen. En France, il n’y a pas une semaine sans que le sujet fasse l’objet de unes dans les médias. J’ai pour ma part eu le sentiment d’une propagande organisée exploitant la détresse économique, promettant la lune, l’indépendance énergétique, et les étoiles, de l’argent à flots pour tous. Même Michel Rocard voit dans les gaz de schiste un cadeau des dieux, s’associant ainsi dans le verbe et l’esprit à Louis Gallois, son rapport et ses promesses babyloniennes.

Au niveau européen, c’est avec les débats sur les gaz de schiste que l’on peut mesurer combien la perspective d’intérêts économiques de court terme fait tourner les têtes. Le dérèglement climatique? La protection de la ressource en eau? Les micros-séismes? Les impacts sont minimisés pour ne pas dire volontairement ignorés.

Pourtant, de nombreux documents officiels mettent en lumière les risques sanitaires et environnementaux liés à l’exploitation des gaz et huiles de schiste.

En 2011 déjà, un rapport officiel du Parlement européen concluait que nos cadres législatifs européen et nationaux n’étaient pas adaptés pour faire face aux nombreux impacts inévitables et avérés de la fracturation hydraulique sur l’eau, les sols, l’air et l’environnement en général… sur la base des premières analyses et leçons tirées des Etats-Unis. Depuis, ces conclusions ont été confortées et ce notamment par des études rendues publiques par la Commission européenne en septembre dernier.

Les pro-gaz de schiste n’ont de cesse de brandir le «rêve américain des gaz de schiste», soi-disant source de gains financiers et des emplois.

Mais l’Europe n’est pas les Etats-Unis. Nous n’avons pas les mêmes contraintes de densité de population, les mêmes exigences de sécurité, de préservation de la santé de la ressource en eau ou de nos sols. Les microséismes en France, pour ne parler que d’elle, avec ses 58 réacteurs nucléaires, n’auront pas les mêmes incidences…

Invoquer un pseudo-modèle américain ne devrait nous servir qu’à tirer les leçons de leur expérience: épisodes sismiques, nappes phréatiques polluées… Je suis allée en Pennsylvanie, et je n’ai pas aimé ce que j’y ai vu et entendu: des puits qui laissent s’échapper des gaz et des produits chimiques dans les nappes phréatiques. On ne peut plus rien cultiver, les paysages sont dévastés.

On entend dire que les industriels travailleraient sur le remplacement des produits chimiques, la technologie des forages, une fracturation sans eau avec du gaz propane, du dioxyde de carbone, une stimulation électrique et autres.

Laissons les Etats-Unis développer et expérimenter des technologies alternatives à la fracturation hydraulique. Pendant ce temps, nous miserons sur les énergies renouvelables, sur les économies d’énergies, l’efficacité énergétique, c’est-à-dire sur un futur durable et sûr. Ne cédons pas à la paresse de l’intelligence… et à la désinformation.

Au niveau européen, le débat est loin d’être clos. Les deux résolutions votées fin novembre en plénière sont des étapes et elles ont eu le mérite de révéler clairement les lignes de partage entre eurodéputés.

Je regrette à ce titre que l’amendement déposé par les écologistes, appelant à un moratoire européen sur la fracturation hydraulique, n’ait pas trouvé de majorité lors des votes. Mais je me réjouis que plusieurs articles témoignant d’un a priori favorable à cette exploitation aient également été supprimés, et que priment deux principes qui nous tiennent particulièrement à cœur: le principe de précaution et le principe «pollueur-payeur», qui ont été actés.

Le Parlement européen a donc envoyé un message clair à la Commission européenne, aux Etats membres et à leurs citoyens: nous ne pouvons exploiter cette énergie fossile sans prendre de précautions, et celles-ci ne sont pas réunies aujourd’hui.

Les commissaires à l’Energie et à l’Environnement se sont engagés à présenter en 2013 une proposition de cadre réglementaire fondé sur une consultation publique et des analyses de risques.

J’espère que cette mise en perspective des risques avérés et des bénéfices attendus permettra à certains Etats membres de reconsidérer leur engagement dans la course effrénée et avide aux gaz de schiste et qu’elle confortera des Etats comme la France ou la Bulgarie dans leur décision d’interdire la fracturation hydraulique.

Notre priorité est et devra rester de garantir une protection élevée de la santé humaine et de l’environnement en Europe. Notre vision politique pour l’énergie est une stratégie gagnante à long terme pour l’économie et l’environnement –durable et renouvelable.

Alors mon message à Arnaud Montebourg est le suivant: le redressement, c’est regarder vers le haut (éolien, solaire) pas de continuer à s’enfoncer dans les profondeurs des schistes. Mieux vaut produire des énergies renouvelables que de continuer à les importer de Chine ou d’ailleurs.

Sandrine Bélier

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