La dépendance financière du nucléaire de la France

par Jérôme Gleizes*

Au delà de l’argument éthique, les arguments économiques montrent que l’EPR est une catastrophe industrielle et le nucléaire, un gouffre financier. Le développement du nucléaire, notamment en France a créé une dépendance financière. Loin de permettre une indépendance énergétique, par ailleurs fausse puisque le nucléaire représente 17 % des dépenses énergétiques, son développement est surtout lié à celui du nucléaire militaire.

L’EPR, une catastrophe industrielle. L’EPR de Finlande est passé d’un coût prévisionnel de 3 à 6,6 mds d’€ et celui de Flamanville a aussi doublé à 6 mds (sans inclure encore les travaux de sûreté liés aux recommandations de l’Agence de Sécurité Nucléaire suite à l’accident de Fukushima ou aux défauts de béton). L’EPR, au fur et à mesure de son développement est devenu une impasse technologique. Ce projet franco-allemand, initié au début des années 90, a perdu en 2010 son principal allié industriel, l’allemand Siemens qui après avoir préféré le russe Rosatom, a abandonné le nucléaire en septembre 2011. Areva n’est plus concurrentielle sur le marché du nucléaire. Elle a perdu un marché à Abu Dhabi face au coréen Kepco car l’EPR est surdimensionné par rapport à la demande. Sans allié industriel majeur et sans capacité exportatrice, Areva est en difficulté. Depuis 2007, le cours de son action a été divisée par 3,76 contre 1,9 pour le CAC.

Le nucléaire, un puits financier sans fond. Le coût du nucléaire doit inclure celui du démantèlement inévitable et celui du renouvellement du parc. La Cour des Comptes a critiqué en 2005 l’insuffisance des provisions pour le démantèlement d’EDF (23,5 mds – Synthèse du rapport 15 pagesRapport complet 279 pages). Le délai pour la formation de ces provisions a été reporté à 2011 ! La banque suisse UBS déconseille d’investir dans de nouvelles centrales nucléaires. Cette énergie est non rentable si on inclut les subventions, les frais sous-estimés des arrêts, les rénovations de l’équipement, le démantèlement, l’évacuation des déchets et leur stockage ultime (7 mds par centrale pour des délais très longs). Pour retarder l’investissement à venir, EDF préfère allonger la durée de vie des réacteurs pour un coût qu’elle évalue à 1 mds par réacteur mais cela veut dire prolonger des structures prévues au début pour 30 ans à 60 ans. Le ferait-on pour des avions ! Théoriquement, ces investissements à venir (prolongation ou renouvellement) devraient être provisionnés.

Les énergies renouvelables, un secteur non délocalisable et créateur d’emplois

 Dans un contexte de tension budgétaire, le nucléaire risque de devenir rapidement un handicap. Cela se retournera contre les salariés du secteur alors que les énergies renouvelables en Allemagne nécessitent 3,6 emploi par Gwh produit contre 0,6 en France dans le nucléaire.Le bureau d’études des « 7 Vents du Cotentin » montre qu’il est possible avec les 3 mds de l’EPR de créer 15 fois plus d’emplois tout en répondant aux mêmes besoins énergétiques. Par ailleurs, la filière nucléaire va rester un gisement d’emplois important avec le retraitement des déchets et le démantèlement des centrales. En 10 ans, après l’accord entre le SPD et les grünens, l’Allemagne a pu développer le secteur des ENR et confirmer la sortie du nucléaire en 2011. Un autre politique énergétique est possible réduisant la dépendance financière et énergétique avec une relocalisation de la production près des lieux de consommation, une réduction des consommations, le développement de technologies plus résilientes. Le nucléaire ne doit pas commettre les mêmes erreurs que la sidérurgie des années 70.

Article publié sur Politis.fr

* Jérôme Gleizes est membre du Bureau Exécutif d’Europe Écologie Les Verts

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