Transition énergétique : « Le pari de l’espoir »
Mardi, l’Assemblée s’est prononcée, par scrutin public, sur le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte. Samedi au petit matin, l’Assemblée nationale avait achevé l’examen en première lecture des 64 articles du projet de loi sur la transition énergétique.
314 Voix se sont prononcés pour contre 219. Le groupe écologiste a voté le projet de loi.
Les débats – parfois tendus en raison de la suspension de l’écotaxe – ont duré cinq jours en séance publique et Éric Alauzet a participé sur plusieurs débats et est notamment le co-auteur de l’amendement voté sur l’obsolescence programmée.
Voici les principales mesures de ce texte, « l’un des plus importants du quinquennat », selon François Hollande.
Interdiction des sacs plastiques
Au premier janvier 2016, la mise à disposition de sacs en matière plastique à usage unique aux points de vente sera interdite. Seuls les sacs « biosourcés » et les sacs compostables en compostage domestique seront autorisés. De même, un autre amendement adopté prévoit l’interdiction de la vaisselle en matière plastique à partir du 1er janvier 2020.
Création d’un chèque énergie
La création d’un chèque énergie pour les ménages modestes est une des mesures phares du projet de loi sur la transition énergétique. Il doit permettre à ses bénéficiaires de payer les fournisseurs d’énergie ou de capitaliser afin de réaliser des travaux destinés à économiser de l’énergie. Ségolène Royal plaide pour une « cohabitation partielle » des tarifs sociaux de l’électricité et du gaz avec le chèque énergie.
Le développement des véhicules propres
Des mesures obligeant l’Etat, mais aussi les propriétaires de taxis, voitures de transport avec chauffeurs et voitures de location, à être équipés d’un nombre croissant de véhicules « propres » ont été adoptées. Ainsi, à compter du 1er janvier 2016, au moment du renouvellement des flottes de voitures de l’Etat et des établissements publics, un véhicule sur deux devra être « propre ». Ce devra être aussi le cas de 10% des taxis, voitures de transport avec chauffeurs (VTC) et voitures de location renouvelés avant 2020. Cette obligation d’achat ne s’appliquera qu’aux sociétés de taxis et VTC comptant plus de 10 véhicules.
Réduction de la part du nucléaire
L’article 1er du projet de loi prévoit la réduction de 75 à 50% de la part du nucléaire dans la production d’électricité à l’horizon 2025 – comme l’avait promis le candidat Hollande. La consommation énergétique devra diminuer de moitié en 2050 par rapport à 2012. Parmi les autres objectifs définis figurent la baisse des émissions de gaz à effet de serre de 40% entre 1990 et 2030, et leur division par 4 en 2050. Enfin, la part des énergies renouvelables doit être portée à 23% en 2020 et 32% en 2030, et la consommation des énergies fossiles diminuer de 30% en 2030.
Les travaux de rénovation énergétique encouragés
L’obligation de réaliser des travaux de rénovation énergétique en cas de travaux de ravalement, de toiture, et d’aménagement de nouvelles pièces a également été adoptée. Pour aider les ménages à financer ces travaux, le projet de loi de finances 2015 institue un crédit d’impôt pour la transition énergétique, qui va remplacer l’actuel crédit d’impôt développement durable (CIDD). Il porte à 30% l’allègement fiscal pour des travaux de rénovation énergétique ou pour l’acquisition d’équipements permettant des économies d’énergie (chaudières à condensation, appareils de régulation du chauffage, etc.). L’abattement actuel, dans le cadre du CIDD, est compris entre 15% et 25%. Cela concernera le montant des travaux engagés entre le 1er septembre 2014 et le 31 décembre 2015. D’autre part, l’éco-prêt à taux zéro a été relancé depuis juillet 2014.
« L’obsolescence programmée » sanctionnée
« L’obsolescence programmée » par les fabricants pourra désormais être punie comme une tromperie « sur la durée de vie du produit intentionnellement raccourcie lors de sa conception ». Selon cet article voté à l’Assemblée nationale, l’obsolescence programmée pourra entraîner une peine de prison de deux ans au plus et une amende de 300.000 euros, au vu des sanctions prévues pour les autres types de tromperie jusqu’alors inscrits dans le code de la consommation. Éric Alauzet, Denis Baupin et Cécile Duflot, auteurs de l’amendement, ont dénoncé des pratiques « néfastes pour l’environnement » et qui « pèsent sur le pouvoir d’achat des ménages ».
Article avec AFP.
L’explication de vote positif du groupe écologiste par Cécile Duflot, Député de Paris
Pointant des avancées considérables, mais également des doutes légitimes sur la prise en compte des défis écologiques par le gouvernement, la députée de Paris, qui a assuré aux côtés de Denis Baupin la coordination du travail du groupe écologiste sur le texte, a rappelé que le vote des écolodéputé-e-s était « un pari, le pari de l’espoir ». Elle a annoncé des parlementaires écologistes « combattifs et déterminés » sur les textes à venir, et notamment sur la question essentielle du financement des indispensables investissements qui traduiront les objectifs fixés par la loi dans les faits et dans la vie quotidienne des Français.
Monsieur le Premier ministre, madame la ministre, mesdames et messieurs les rapporteurs, monsieur le président de la commission spéciale, mesdames et messieurs les députés, le débat sur le projet de loi de transition énergétique s’achève et – je vous l’annonce sans davantage de suspense – les écologistes voteront en faveur de son adoption.
Les écologistes l’adopteront car, même s’il ne réalise qu’une somme de petits pas pour l’avenir, ce projet de loi fixe des objectifs salutaires et nécessaires pour notre pays. Dans ce travail, je tiens à saluer l’implication de la ministre, du groupe socialiste et des groupes de la majorité, et bien évidemment de l’ensemble de mes collègues écologistes. Tous ont été présents à un moment ou un autre et, ce n’est un mystère pour personne, nombre d’avancées de cette loi sont dues à des amendements écologistes adoptés en commission ou en séance publique. Notre groupe en est particulièrement fier.
Madame la ministre, en présentant ce texte à l’Assemblée Nationale et en acceptant la tenue d’une commission spéciale, vous avez trouvé des personnes avides de débats et de propositions. Cela a permis, chose historique, le premier débat démocratique sur la politique énergétique de la France. Permettez-moi de formuler un regret à l’adresse de mes collègues de l’UMP : ils ont réussi l’exploit d’écouler douze heures de leur temps de parole sur un seul article, c’est très regrettable.
L’enjeu nous appelait à dépasser nombre de clivages, je regrette que vous n’ayez pas souhaité franchir le Rubicon de la prise de conscience écologique.
Notre modèle politique, économique et énergétique vire à l’obsolescence, et nous traversons l’un de ces moments où il faut se jeter à l’eau pour faire avancer l’histoire de toute l’humanité. En cet instant, à cette tribune, notre sentiment est double. Nous, écologistes, ressentons de l’espoir et de la déception.
De l’espoir, d’abord, car la loi contient des avancées que je veux ici saluer.
Tout d’abord le double objectif – qu’il nous reste à concrétiser – de réduire de 75 % à 50 % la part du nucléaire et de diviser par deux la consommation d’énergie d’ici à 2050. Mais aussi des mesures techniques qui pourront faire avancer nombre de choses : l’obligation de rénovation des logements, la mise en place du tiers financement, la création d’un chèque énergie pour les ménages les plus modestes, la lutte contre l’obsolescence programmée, la réduction des déchets ou l’interdiction des cultures dédiées à la méthanisation grâce à un amendement de Brigitte Allain.
Le vieux monde était habitué à considérer le progrès comme une course vers l’accumulation de richesses. Cette loi amorce une idée neuve : le progrès passe par une gestion plus raisonnée, plus collective, plus participative de nos ressources.
Enfin, en ouvrant la voie vers l’économie circulaire – et je veux ici saluer mon collègue François-Michel Lambert pour ses apports – ce texte nous invite à redéfinir notre rapport à la production.
Je tiens donc à saluer la part d’innovation de ce projet de loi. Pourtant, l’honnêteté commande de dire que le Gouvernement, sur de nombreux points, demeure encore loin de ce qu’il faudrait faire.
C’est ici que pointe la déception. Qu’il est difficile d’avancer sur l’inéluctable chemin de l’écologie ! Le vieux monde pèse de tout son poids ! Les lobbies nous freinent, les habitudes nous engoncent, le conservatisme nous entrave.
Nier cette réalité revient à nier l’ensemble des objectifs de ce projet de loi. La transition énergétique nécessite des investissements ambitieux, précis et ciblés. Disons-le aussi et surtout, l’absence d’investissement pour la transition aura un coût supplémentaire.
Alors oui, le flou demeure quant au financement de la loi. Madame la ministre, vous avez été claire sur les gaz de schiste, et c’est une très bonne chose. Il s’agira d’être aussi claire sur le financement de la transition énergétique. Oui, cette loi est entachée de la suspension de la taxe poids lourds, mesure pourtant votée à l’unanimité de cette assemblée et qui est si efficace ailleurs en Europe. Oui, cette loi est d’ores et déjà menacée par la réduction du budget du ministère de l’écologie. Oui, cette loi est fragilisée par l’absence d’une stratégie concrète de baisse de la part du nucléaire dans la production d’électricité, en commençant par la fermeture de la centrale de Fessenheim. Au fond, toutes les ambiguïtés ne sont pas levées quant à la volonté du Gouvernement en matière d’écologie. Je pense ici à Pénélope, dont la légende raconte qu’elle tissait le jour et défaisait son ouvrage la nuit. Je veux croire que nous n’agirons pas de la même manière et que les quelques avancées ne préparent pas de nouveaux reculs. Alors, il conviendra de mettre un terme à l’imprécision et aux allers-retours constants qui font de l’écologie un rendez-vous indéfiniment ajourné, au gré des intérêts des uns ou des autres. Pourtant, en matière d’écologie, pour reprendre dans un autre contexte une expression d’Aimé Césaire, « l’heure de nous-mêmes a sonné ». Espoir et déception, disais-je. Alors, comment se décider ? Madame la ministre, malgré vos déclarations de ce matin qui nourrissent nos inquiétudes, nous faisons une fois encore le pari de l’espoir, car depuis toujours, les écologistes s’acharnent à saisir le moindre interstice pour y intégrer les évolutions nécessaires. Croyez cependant que notre lucidité est en éveil. Vous trouvez aujourd’hui des écologistes qui soutiennent des avancées nécessaires et attendues. Sachez que vous rencontrerez dès demain des écologistes vigilants et exigeants, sur le terrain comme dans les institutions, pour veiller à l’effectivité réelle de ces avancées.
Dans ce combat, les écologistes sont en première ligne. Ils ne souhaitent demeurer seuls plus longtemps, puisque le résultat de cette bataille ne concerne rien de moins que notre avenir commun. Je salue donc ici les consciences qui progressent, mais je sonne une nouvelle fois le tocsin : il est plus que temps d’agir radicalement. C’est notre mission d’élus de la République, mais c’est surtout le devoir évident de notre génération de terriens. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)