Sommet européen Climat-Énergie : les dirigeants européens commettent une triple faute : écologique, économique et stratégique
Suite au sommet des 28 chefs d’Etat et de gouvernement à Bruxelles sur le climat cette nuit qui est arrivé à un accord présenté comme « ambitieux », Philippe Lamberts, co-président du groupe des Verts/ALE au Parlement européen a tenu à rappeler quelques vérités :
Commentant l’issue du Sommet des chefs d’État et de gouvernement sur le climat, Philippe Lamberts, coprésident du Groupe des Verts/ALE au Parlement européen a estimé que :
« En mars 2014, le Parlement Européen s’était prononcé en faveur d’objectifs sérieux et contraignants en termes de réduction des émissions de CO2 (-40%), de part des énergies renouvelables dans notre mix énergétique (30%) et d’amélioration de notre efficacité énergétique (+40%), lesquels permettaient à l’Europe de rester à la pointe dans sa réponse au défi climat/énergie.
En refusant d’atteindre cette ambition, les dirigeants européens commettent une triple faute : écologique, économique et stratégique. Écologique, car le changement climatique est en marche et on ne négociera pas avec la planète ; comme l’a rappelé le GIEC, à moins d’un effort drastique en termes de réduction d’émissions de CO2, l’objectif de maintenir le réchauffement à 2°C ne sera pas atteint. Économique, car en ralentissant de moitié le rythme de ses efforts climat/énergie, l’Union Européenne envoie un signal clair – et négatif – à toutes les entreprises qui avaient investi dans la transition énergétique. Alors que Jean-Claude Juncker a fait de la mobilisation de l’investissement sa priorité, les décisions du Conseil vont à l’exact opposé de cet objectif. Stratégique, car s’il est une chose que la crise ukrainienne avait souligné, c’est la dépendance énergétique de l’Europe, une dépendance qui bride la capacité d’action de l’UE hors de ses frontières et nous coûte 400 milliards d’euros par an, compte tenu des prix actuels des énergies fossiles, et profite à la Russie de Poutine et aux pétromonarchies. De surcroît, en voulant s’arroger le droit de décider – uniquement à l’unanimité – en la matière, le Conseil Européen renationalise de fait la politique énergétique.
Est-ce là l’Union de l’Énergie qu’en chœur la Commission Européenne de Barroso – et de Juncker – et le Conseil Européen de Herman Van Rompuy disaient appeler de leurs vœux ? Pour les Verts au Parlement européen, les objectifs climat/énergie doivent à la fois faire preuve d’ambition (-60% de CO2, 45% de renouvelables et 40% d’amélioration de l’efficacité énergétique) et être contraignants. Et plus que jamais la politique énergétique doit devenir européenne : l’addition des intérêts nationaux est, en la matière, un jeu à somme négative pour l’intérêt général des citoyens européens. Enfin le Conseil européen a commis un véritable putsch institutionnel en pervertissant la procédure de codécision au niveau européen. Les Verts au Parlement européen appellent le Parlement et la nouvelle Commission à refuser ce passage en force institutionnel. »
COMMUNIQUE DE PRESSE – Strasbourg, le 24 octobre 2014
Paquet climat énergie : les dirigeants européens mettent le pied sur le frein de la transition énergétique
Yannick Jadot, eurodéputé EELV, réagit au compromis trouvé cette nuit à Bruxelles
« Le paquet climat énergie adopté cette nuit par les dirigeants européens réduit fortement la dynamique et le cadre européen de transition énergétique et de lutte contre le dérèglement climatique. Une remise en cause du leadership industriel et climatique européen dangereuse à un an de la conférence de Paris sur le climat.
Sur l’objectif climatique: en refusant de purger les milliards de quotas CO2 distribués excessivement pendant la période actuelle et d’assainir le marché carbone, en maintenant de trop nombreuses flexibilités, l’objectif de 40% pourrait dans la réalité ne pas dépasser les 30%.
Sur l’objectif efficacité : l’objectif retenu de 27% « indicatif » -donc non contraignant- est très en dessous de celui porté par le parlement et la Commission. C’est une division par 2 des efforts sur la décennie 2020 par rapport à la décennie 2010. En pleine crise du gaz russe, avec 100 millions de précaires énergétiques, c’est une victoire des lobbys des énergies fossiles et nucléaires dont la rente dépend de notre ébriété énergétique. Une victoire indirecte de la Russie.
Sur l’objectif renouvelables : là aussi les dirigeants européens ont fait le choix de diviser par 2 l’ambition européenne sur la prochaine décennie. Incompréhensible au moment où les coûts de ces énergies les rendent enfin compétitives, incompréhensible aussi au regard de l’intensité en emplois de ces secteurs. En outre, les dirigeants ont cassé le cadre réglementaire européen en supprimant les obligations nationales en la matière. C’est donc une renationalisation de la transition énergétique que les dirigeants ont décidé, à rebours des besoins et des discours sur l’union de l’énergie. Il faut espérer que la dynamique très forte des secteurs économiques compensera ce dramatique recul politique.
Une des raisons de l’échec de cette nuit a été la procédure choisie par les dirigeants européens : decider seuls et imposer leur volonté au parlement et à la commission. C’est largement contraire aux traités et surtout très inefficace puisque leur méthode requiert l’unanimité plutôt que la majorité. Sous la menace permanente du veto britannique ou polonais le résultat ne pouvait pas être à la hauteur d’un leadership européen en matière climatique et énergétique.
Dans cette négociation la France n’a pas été exemplaire, loin s’en faut. En choisissant depuis des mois l’alliance avec le Royaume-Uni pour les EPR plutôt qu’avec l’Allemagne sur les renouvelables, elle a contribué au coup de frein de cette nuit en matière de lutte contre le dérèglement climatique, de transition énergétique, et de leadership industriel. Pas un très bon signal à un an de la conférence de Paris.
La bonne nouvelle de la période, c’est que la réalité économique favorise la transition. Plus des deux tiers des nouvelles capacités de production électriques en Europe sont des renouvelables. Partout des citoyens, des coopératives, des entreprises, des villes et des régions engagent s’inscrivent dans cette transition, luttent à leur échelle contre le dérèglement climatique. Nos dirigeants ont choisi de sauvegarder encore un peu leur vieux monde, à rebours du bon sens, de leurs responsabilités et de leurs discours, à rebours de l’histoire.