Scandale des abattoirs : Stéphane Le Foll auditionné par la Commission d’Enquête Parlementaire

Mercredi 18 mai, la Commission d’Enquête Parlementaire relative aux conditions d’abattage a longuement auditionné le Ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll. Plusieurs points sont à retenir de cette audition.

Tout d’abord, le Ministre a fait part aux parlementaires des très attendus résultats des inspections menées dans l’ensemble des abattoirs français menées à la suite de révélations de l’Association L214. (lien vers mon ancien article abattoir). 259 établissements  représentant 460 chaînes d’abattage ont été contrôlés avant le 30 avril. Seuls ceux consacrés aux volailles et petits animaux n’ont pas été concernés. L’objectif était de vérifier que « toute douleur ou souffrance évitable a été épargnée ». Si dans les deux tiers des cas, aucun problème n’a été mis en évidence, des défauts d’étourdissement ont été observés sur 39 chaînes. Pire, sur 5% des chaînes, soit 19, des manquements graves ont été constatés. Le résultat des inspections a conduit à l’arrêt d’activité de 2 établissements par retrait ou suspension d’agrément. De plus,  8 abattoirs présentaient des défauts de conformité ayant conduit à des procès-verbaux, 77 exploitants ont été mis en demeure d’apporter des corrections, et 99 avertissements ont été donnés. Des chiffres élevés qui démontrent l’importance de prendre des mesures pour faire cesser la barbarie dans les « boites noires » que sont ces établissements. Pour le Ministre, les non-conformités doivent s’accompagner de suites « proportionnées et pertinentes ».

Après avoir rappelé à la Commission que l’abattage en France représente environ 2 300 emplois, il a avancé plusieurs pistes afin d’améliorer la situation critique des abattoirs. Il a notamment évoqué la transparence des résultats des contrôles des établissements, un engagement inscrit dans la loi d’avenir pour l’agriculture qui entrera en vigueur en juillet prochain. Les résultats seront consultables en ligne, sur les sites internet des ministères concernés. Le Ministre a aussi annoncé un renforcement des sanctions pénales en requalifiant de « délit » les mauvais traitements sur animaux dans les abattoirs et entreprises de transport qui doit figurer dans la loi Sapin II. Ainsi, la protection des salariés signalant un délit pourrait s’appliquer dans les abattoirs, à l’image des lanceurs d’alerte.

Ensuite, les parlementaires ont pu interroger successivement Monsieur le Ministre afin d’obtenir des éclaircissements sur différents points liés à l’abattage, aux établissements et à leurs salariés.

Interrogé par les parlementaires au sujet de l’abattage de proximité, via les abattoirs ambulants, le Ministre s’est montré ferme en déclarant qu’il ne voulait pas que ceux-ci se développent, qu’il « ne l’acceptera pas ». Il s’est dit « non favorable à la multiplication des abattoirs au nom de la proximité », justifiant ce choix par des questions de contrôle et d’hygiène. En effet, il a expliqué qu’il y a pour lui suffisamment d’abattoirs en France, et qu’il ne serait pas possible de contrôler les abattoirs ambulants. Au vu des scandales dénoncés par l’association L214, on peut remettre en question l’efficacité des contrôles actuels dans les infrastructures fixes, et on ne peut que comprendre la difficulté que représente le contrôle des abattoirs ambulants. De plus, Stéphane Le Foll renforce sa décision en soulevant la question des conditions sanitaires dans ces structures ambulantes, mettant en avant les risques potentiels pour la santé des consommateurs.

Egalement interpellé sur la question de la vidéosurveillance, mesure fortement demandée par les associations de protection animale, le Ministre a dit ne pas y être opposé mais en précisant tout de même que le débat doit « éclairer sur les possibilités dans lesquelles cela peut s’exercer », soulignant la pression qu’une surveillance constante peut faire peser sur les « tueurs » (salariés en charge de la mise à mort dans les abattoirs).

La question de la formation des salariés en abattoir a été soulevée à plusieurs reprises. Stéphane Le Foll a expliqué qu’il faudrait, selon lui, agir tant sur la formation initiale que continue, jugeant que la formation doit être renouvelée au cours de la carrière afin de permettre tant de rappeler les règles de bien-être animal que l’avancement dans la chaîne d’abattage du salarié. Après avoir souligné l’importance de sécuriser les parcours professionnels des salariés en attribuant des certificats de compétence, il a insisté sur le fait que la formation devait être améliorée concernant l’acquisition des compétences et la question de la protection animale.

Il a ensuite abordé, à la demande des élus, l’enveloppe d’investissement de 50 millions d’euros du Ministère de l’Agriculture destinée à la modernisation des outils d’abattage. Son objectif vise l’amélioration des conditions de compétitivité, de travail et de bien-être animal. Seulement 6 projets ont été accompagnés pour un montant de 13,2 millions et 3 projets sont actuellement en instruction pour 4 millions. Face au budget restant, le Ministre souhaite donc rappeler aux intéressés l’existence de cette enveloppe d’investissement.

L’ « abattage rituel », c’est-à-dire sans étourdissement préalable des animaux, a occupé une place importante lors de cette audition. En France, 218 établissements pratiquent cette mise à mort. Le Ministre a rappelé que l’étourdissement est la règle, et l’abattage rituel n’intervient que sur dérogation. Il a cité le décret du 29 décembre 2011 relatif à l’abattage rituel en France, selon lequel il ne peut être pratiqué que par les établissements agréés. La dérogation est valable sur « autorisation préalable du Préfet sous réserve que l’infrastructure et le fonctionnement le permettent », c’est-à-dire du matériel adapté, du personnel formé et une cadence et un niveau d’hygiène adapté. Les parlementaires ont donc pointé du doigt les « sacrificateurs », ces personnels extérieurs aux abattoirs, non soumis à l’autorité des chefs d’établissements (qui eux ont pourtant la responsabilité des actes que ces sacrificateurs commettent), agréés et envoyés par les organismes religieux et dont on ne peut attester de leur formation. Dans le même domaine, suite à l’interpellation d’une parlementaire indiquant ne pas souhaiter manger de viande casher, car issue de l’abattage rituel, et dont seulement la moitié de la bête est consommable par le public. Stéphane Le Foll s’est dit non favorable à l’étiquetage. L’absence d’étiquetage empêche le consommateur de faire un choix éclairé et fidèle à ses convictions.

Enfin, Stéphane Le Foll a dénoncé la déconnection existante entre la société et les animaux, trop de personnes ne faisant pas le lien entre l’animal et l’aliment consommé (viande en barquette, brique de lait, « nuggets »). Faire prendre conscience que la viande provient d’un animal qui a été abattu et découpé, recréer ce lien perdu semble être un moyen pour que chacun prenne ses responsabilités.

Toutes les auditions : http://www2.assemblee-nationale.fr/14/autres-commissions/commissions-d-enquete/conditions-d-abattage-des-animaux-de-boucherie-dans-les-abattoirs-Français

 

 

Un commentaire pour “Scandale des abattoirs : Stéphane Le Foll auditionné par la Commission d’Enquête Parlementaire”

  1. Merci beaucoup pour toutes ces informations. Je me sens tout à fait concernée par ce sujet.
    Cordialement,
    J.COMTE

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