Loi Travail – Tribune d’Éric Alauzet : « Des enjeux d’adaptation, de prévisibilité et d’assurance mutuelle pour davantage d’emploi ».
L’Assemblée nationale a adopté définitivement le projet de loi d’habilitation des ordonnances travail. Le député du Doubs, comme en première lecture, a voté ce projet de loi. Il explique ici son vote et évoque la question des ordonnances dans le débat parlementaire :
Paris, le 2 août 2017.
« Avant d’apporter quelques éléments d’appréciation du contenu de la loi d’habitation sur la réforme du Code du travail, il convient de rappeler quelques éléments de contexte.
La question de l’emploi reste la question prioritaire dans notre pays.
Il en va de l’autonomie et de la dignité de chacun et de chaque ménage à maîtriser sa vie.
Il est de notre responsabilité d’offrir plus d’opportunités d’emploi à nos concitoyens qui peinent à en trouver, notamment pour les jeunes et en particulier ceux des quartiers défavorisés.
Traiter d’une cause n’exclut pas toutes les autres et en la matière les leviers à activer sont nombreux et de nature assez différente. Autrement dit, il est vain d’entretenir des querelles au motif que tel sujet serait caduc au regard de tel autre.
Il faut à la fois agir sur le code du travail, sur la formation professionnelle, sur la garantie de revenu, sur le pouvoir d’achat, sur l’activité, sur la compétitivité, sur l’état d’esprit, etc.
Le débat sur la politique de l’offre et de la demande n’est pas inutile mais il n’est pas toujours source de créativité pour résoudre les problèmes. Il appauvrit souvent la discussion quand il n’est pas principalement instrumentalisé de manière sommaire pour cliver et à des fins politiques.
Et donc, le code du travail constitue bien un sujet même s’il ne représentait que 20 ou 30% du problème. En l’espèce, la question que la réforme actuelle tente de traiter est bien identifié : une entreprise, un chef d’entreprise hésitent et peuvent renoncer à recruter car il et elles craignent de ne pouvoir se séparer d’un ou plusieurs employés sans dommage pour l’entreprise si d’aventure l’activité venait à manquer. La question est principalement celle des PME et encore plus des TPE alors que c’est là que le potentiel d’emploi est le plus élevé.
Concrètement, si l’activité de l’entreprise venait à diminuer au point de devoir réduire le nombre de salariés, comment assurer le licenciement des salariés dans de bonnes conditions. Cela signifie, du point de vue de l’entreprise, qu’elle doit se prémunir de conséquences trop lourdes et surtout imprévisibles. L’incertitude et la peur, on le sait en toute matière, empêchent l’action. Ce sujet concerne tout autant le salarié qui doit connaître le plus précisément possible dès son embauche, les conditions d’emploi mais aussi d’un éventuel licenciement. Par exemple, l’avenir d’une entreprise ne doit pas se jouer sur une erreur de procédure de licenciement à laquelle se trouve plus exposée la petite entreprise dans laquelle on ne peut avoir des spécialistes en tout.
Ce sont donc des enjeux, d’une part de dialogue, de transparence et de confiance, d’autre part d’adaptation, de prévisibilité et d’assurance mutuelle que la loi doit traiter.
Les enjeux étant bien identifiés, le passage par les ordonnances – tant décriées – présente toutefois quelques avantages en dehors du fait d’aller plus vite. En effet, les ordonnances sont un peu à la procédure ordinaire de fabrication de la loi ce que les orientations budgétaires sont au budget, à savoir une étape intermédiaire qui permet, sans entrer dans le détail, de préciser le cadre et les orientations des ordonnances à venir avec une vision plus stratégique.
C’est donc bien à la phase initiale, avant que la loi soit écrite, en amont, que la discussion parlementaire a lieu avec les ordonnances. C’est à cette étape que les députés amendent le texte. Dans le cas précis, ce sont environ 30 heures de débats et plus de 500 amendements qui ont été consacrées à ces orientations dans les deux assemblées avant que le Parlement vote l’habilitation au Gouvernement à écrire la loi. Avec une loi ordinaire, le Parlement n’intervient qu’après l’écriture de la loi.
Lors la phase ultérieure, une fois la loi écrite, elle devra être votée ou non mais en l’état, cette fois sans amendement ni débat.
La procédure des ordonnances est bien une procédure démocratique même si on peut discuter du sujet à l’infini. D’une part elle est prévue par la constitution, d’autre part, nous avons un vrai problème avec la lenteur du temps législatif, surtout à l’échelle du quinquennat, enfin, comme cela vient d’être expliqué, l’ordonnance est assortie d’un processus de débat et d’amendement. Convenons également que les arguments de forme masquent souvent une opposition de fond qu’il est plus sain d’assumer en tant que telle et que c’est donc bien du fond qu’il faut débattre. Si les ordonnances convenaient parfaitement personne n’arguerait des défauts de la forme.
Dernier point concernant la dimension démocratique des ordonnances. Cette procédure a dans le cas précis, donner plus d’importance aux partenaires sociaux pour son écriture. Quoi de plus logique pour un texte dont le cœur porte précisément sur le dialogue social. Que les syndicats patronaux et de salariés pèsent fortement sur un texte qui régira leurs rapports futurs dasn le cadre de l’entreprise, quoi de plus logique.
Le Parlement conserve donc tout son rôle et il revient aux parlementaires d’assumer ou pas le contenu des ordonnances. Contrairement à ce qui est souvent dit et écrit, le parlement n’est pas dessaisi et il vote à deux reprises. Une première fois après débats et amendements pour habiliter le Gouvernent à rédiger les ordonnances. Une seconde pour les ratifier.
Pour conclure définitivement et parce qu’au fond, personne ne peut assurer que les avantages vantés d’une loi ou ses risques présumés se réaliseront comme annoncés (cf. les accords de maintien dans l’emploi), il est essentiel d’assortir la loi d’évaluation. C’est un profond changement culturel qui doit s’imposer à nous tous pour se mettre en capacité de tenir compte de cette évaluation pour changer. Evaluer pour évoluer.
Si nous instaurons cette culture d’évaluation, alors les controverses et les dissensus seront abordés plus calmement et le débat sera apaisé parce que rien n’est écrit pour l’éternité. »
Éric Alauzet