La gestion des surfaces en herbe : un outil au service de la lutte raisonnée contre les campagnols ?

Eric Alauzet a attiré l’attention de M. le Ministre de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt, sur la contradiction existant entre le maintien, par l’Union Européenne, d’un fort quota de surfaces toujours en herbe (STH) subventionnées par la prime à l’herbe, et la nécessité de lutter de manière « raisonnée », en utilisant des méthodes alternatives aux méthodes chimiques contre les campagnols, dans les régions orientées vers l’élevage allaitant et soumises à une forte pullulation des rongeurs nuisibles comme l’est la Franche-Comté.

En effet, la région franc-comtoise est une région pilote et engagée en faveur de l’expérimentation de méthodes alternatives à la bromadiolone pour lutter contre les campagnols (piégeage, labour, alternance fauche/pâture, favorisation de la prédation, etc.), mais cette démarche trouve ses limites dans le fait que plus de 90% de la surface agricole des deuxième et troisième plateaux franc-comtois est occupée par des surfaces toujours en herbe sur lesquelles les méthodes mécaniques destinées à déranger le rongeur ne peuvent être pratiquées au regard de la conditionnalité des aides européennes. Cette monoculture est problématique, car elle est précisément un élément favorisant la pullulation des campagnols terrestres.

De nombreux travaux de recherche ont en effet permis de comprendre que le premier facteur déterminant favorisant leur pullulation est la proportion de surfaces toujours en herbe (STH) sur la surface agricole totale (SAU). Ainsi, quand ce ratio dépasse 80 à 85 % à l’échelle régionale, les risques de pullulation augmentent considérablement, et ce, surtout si l’hétérogénéité paysagère est faible. Au regard de ce constat scientifique, la diminution du rapport STH/SAU, tout en augmentant l’hétérogénéité paysagère par l’introduction en mosaïque d’une proportion de terres cultivées de l’ordre de 5 à 10% de la SAU, pourrait s’avérer bénéfique dans la recherche de solutions alternatives à la lutte contre le rongeur dans les secteurs les plus touchés.

Toutefois, cette solution se heurte aux contraintes administratives liées à la référence de la prime herbagère agroenvironnementale (PHAE), introduite par la PAC, et dont l’objectif est de stabiliser les surfaces en herbe et d’y favoriser des pratiques respectueuses de l’environnement via des engagements pris sur 5 ans en contrepartie d’une rémunération. Sans contredire cet objectif, ni remettre en cause la vocation laitière régionale, il apparaît nécessaire d’introduire de la souplesse dans ce dispositif de « gel » des STH, afin que les agriculteurs des secteurs les plus touchés par les rongeurs aient la possibilité de convertir 5 à 10% de la surface de leurs exploitations en cultures rotatives de céréales.

Cette mesure présenterait plusieurs avantages. D’une part, elle favoriserait des techniques de lutte alternative contre les rongeurs en gênant leur installation ou leur réinstallation, non par le recours au traitement chimique des surfaces par la bromadiolone, mais bien par la mise en place d’une réflexion en amont sur les structures paysagères les mieux à même de répondre à cette problématique ; d’autre part, en pratiquant la rotation des cultures, en adaptant les semences aux contraintes climatiques régionales (tritical par exemple) et en limitant l’utilisation d’intrants, elle pourrait favoriser l’autonomie fourragère des exploitations laitières, tout en améliorant la biodiversité régionale.

Eric Alauzet a demandé à M. le Ministre quelles mesures il envisage de prendre afin d’introduire de la souplesse dans le règlement de la PAC fixant le quota de référence sur l’herbe, de manière à ce que la problématique du campagnol terrestre, particulièrement dévastatrice dans certaines régions, puisse être prise en compte à l’amont dans le dispositif de gestion des surfaces en herbe.

Photo : © capitphil, Flickr, cc by nc nd 2.0

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