La création d’une obligation de « reporting financier public » pour les multinationales : votée ! mais …
L’Assemblée nationale a voté jeudi 9 juin la création d’une obligation de reporting financier public pour les multinationales, dans le cadre du projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dit « Sapin 2 », qui va au-delà du projet de directive européenne en préparation en ce qui concerne les pays concernés.
Ce reporting est un sujet majeur du mandat d’Eric Alauzet. Après avoir pu faire adopter son amendement sur le reporting public des banques, en 2013 lors de l’examen de la loi contre la fraude et la grande délinquance financière, il y avait aussi souhaité que soit instauré un registre public des bénéficiaires effectifs des trusts et sur les multinationales, en décembre dernier. Le registre public des trusts a été adopté.
Quant au reporting financier public pour les multinationales qui consiste à rendre la publication de données sur l’activité des entreprises (nombre de salariés, chiffre d’affaire, impôts sur les bénéfices, etc.) accessible au grand public, il a été adopté également mais sera applicable aux entreprises dont le chiffre d’affaires annuel est supérieur à 750 millions d’euros, comme l’a proposé la Commission européenne début avril. Ce seuil sera abaissé progressivement à 500 millions d’euros puis à 250 millions d’euros respectivement deux ans puis quatre ans après l’entrée en vigueur de ce dispositif.
Les dispositions doivent s’appliquer au lendemain de la date d’entrée en vigueur de la directive du Parlement européen et au plus tard au 1er janvier 2018, donc même si la directive n’est pas prête, avec une clause de revoyure en 2020, ont décidé les députés.
La disposition qui avait été ajoutée en commission au projet de loi à l’initiative des rapporteurs, était initialement calquée sur la directive européenne, et ne devait concerner que les pays de l’Union européenne et les paradis fiscaux qui figureront sur une liste, qui reste encore à définir, de la Commission européenne. Les ONG comme CCFD-Terre Solidaire, ONE ou Oxfam, plaidaient pour que tous les pays soient concernés.
Les députés ont adopté en séance un amendement de Sandrine Mazetier, cosigné par les trois rapporteurs du texte, et le groupe PS, qui va au-delà de la directive en prévoyant « un périmètre monde« , selon Mme Mazetier, mais en mettant « un petit filtre qui permet qu’on ne puisse pas totalement identifier la marge d’une de nos entreprises quand elle est seule sur un marché extrêmement spécifique » et qu’elle « n’a pas 25 filiales« .
Le reporting concernera ainsi « l’activité des sociétés concernées pour chaque juridiction fiscale lorsqu’un nombre minimal d’entreprises liées sont situées sur cette juridiction » fixé par décret, selon l’amendement.
Le rapporteur Sébastien Denaja (PS) qui a expliqué, comme le ministre des Finances Michel Sapin, qu’il était impossible d’aller plus loin pour des raisons constitutionnelles, a vanté un dispositif « équilibré ». « Pas du tout un reporting complet », ont en revanche déploré plusieurs députés de gauche, à l’instar de la socialiste et ex-ministre Delphine Batho.
Quant à Eric Alauzet, qui proposait des amendements pour aller plus loin * pour lui il y a « une stabilisation, une avancée et un recul. La stabilisation porte sur le reporting dans les pays de la liste noire : elle reste certes à écrire, mais cela n’est pas nouveau, puisqu’il s’agit des paradis fiscaux patentés, si je puis dire.
L’avancée porte sur les pays monde : effectivement, il est prévu un reporting public, même s’il est grevé de l’hypothèque d’un décret dont on ne connaît pas la teneur. Il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’une avancée, qu’il faut saluer, par rapport à la commission : nous nous situons effectivement à l’échelle du monde.
En revanche, à l’échelle européenne, je crains que nous ne régressions par rapport à la commission puisque il était prévu que toute filiale serait concernée, alors qu’aujourd’hui, au cas où une entreprise ne possède qu’une filiale, elle peut échapper à la publication du rapport.
Je crois qu’il s’agit d’une mesure de prévention par rapport à la directive européenne : il n’empêche que cela constitue un recul. Je voterai néanmoins cet amendement, faute d’avoir pu faire adopter le mien : mais il faut dire ce qui est. »
* http://ericalauzet.eelv.fr/loi-sapin-2-eric-alauzet-en-premiere-ligne-sur-la-transparence-et-la-lutte-contre-levasion-fiscale/
bravo pour l’avancée et pour la conviction qu’il faut avancer, mais, dieu, que c’est dur!!!