« La biodiversité va mal : si l’on veut un futur soutenable, il faut agir avec force »
François Hollande lors de la conférence environnementale de septembre 2012 avait annoncé la création d’une agence française de la biodiversité.
Le rapport de préfiguration est paru et les contours de son existence définis. Mais avec quels moyens l’Agence pourra-t-elle agir concrètement ?
Le député Eric Alauzet relaie l’appel d’Hubert Reeves, président de l’association « Humanité et Biodiversité », aux côtés de responsables syndicalistes, d’associations d’élus et d’ONG, à doter cette agence de réels moyens d’actions.
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L’Agence de la biodiversité est indispensable… maintenant !
La qualité de notre avenir dépend de la qualité de la biodiversité, ce tissu vivant de la planète. La Convention sur la diversité biologique (texte international) définit ainsi la biodiversité :
« Diversité biologique : variabilité des organismes vivants de toute origine y compris, entre autres, les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie : cela comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces ainsi que celle des écosystèmes. »
On peut le dire de façon plus concrète : « La biodiversité désigne, dans un espace donné, l’ensemble de la diversité des êtres qui y vivent (humains compris) et de leurs relations. »
Nos sociétés ont depuis toujours fondé leur bien-être et leur développement sur les services rendus par les écosystèmes : qualité de l’eau, régulation du climat, nourriture, énergie, loisirs, ressources… tout cela nous est indispensable. La biodiversité, par ces interrelations, nous fournit au quotidien de nombreux services dont nous dépendons : nourriture, énergie, régulation du climat, qualité des eaux, médicaments et bien d’autres encore.
Mais la biodiversité va mal, l’ONU nous l’a rappelé en 2005 (Évaluation des écosystèmes pour le millénaire) : 60% des écosystèmes qui nous fournissent ces biens et ces services sont dégradés. Ce constat ne fait plus débat, il faut donc agir, et agir avec force.
Une agence comme moyen d’action durable
C’est tout l’enjeu de la stratégie nationale pour la biodiversité que d’offrir le cadre et les axes de l’action. Les acteurs de la société civile ne s’y sont pas trompés en adhérant en nombre aux objectifs de la stratégie nationale pour la biodiversité.
L’ambition de la stratégie nationale est de « préserver et restaurer, renforcer et valoriser, la biodiversité » y compris la biodiversité « ordinaire », et de « réussir pour cela l’implication de tous et de tous les secteurs d’activités ». Les engagements internationaux pris par la France à Nagoya en 2010 dans le cadre de la Convention sur la diversité biologique en soulignent les grandes orientations.
Il s’agit de changer d’échelle par rapport à l’existant et, pour réussir ce changement d’échelle, il faut se doter d’un outil à hauteur de l’ambition. C’est bien le sens de l’annonce du président de la République de créer une « Agence nationale de la biodiversité ». La gouvernance de l’Agence devra associer l’ensemble des parties prenantes, avoir une ouverture sur l’Europe et le monde et être en proximité avec les citoyens.
Le rapport de préfiguration en dessine les contours. Les deux préfigurateurs chargés d’explorer les voies de la création d’une Agence ont rendu un rapport circonstancié, qui définit ce que devraient être ses missions et proposent trois scénarios de mise en œuvre. La ministre a tranché pour qu’ils approfondissent le scénario 2, le seul qui soit à la hauteur des exigences d’un futur soutenable.
La biodiversité ne peut pas rester qu’une priorité verbale
Dans ce scénario 2, les préfigurateurs envisagent de constituer l’Agence sur la base de certaines structures existantes ou sur la base d’une coopération privilégiée avec celles-ci*.
C’est le seul moyen d’avoir une agence qui :
– renforcera l’efficacité et le savoir-faire des établissements publics existants,
– accompagnera la mise en œuvre de la Trame verte et bleue sur tout le territoire,
– améliorera la connaissance et la mise à disposition de l’expertise,
– contribuera à sensibiliser aux enjeux le plus grand nombre,
– pourra répondre aux besoins des élus des collectivités désirant s’engager,
– guidera les entreprises et les filières professionnelles dans l’action,
– travaillera en partenariat avec les acteurs de terrain associatifs,
– agira en faveur de la création d’emplois et de formations nouvelles.
Bien sûr, cette mise en place nécessite de créer les conditions budgétaires de l’action. Elle passe aussi par un dialogue social avec les représentants du personnel pour sécuriser les emplois et les statuts des salariés concernés, et réduire la précarité de certains personnels. Au regard des priorités politiques affichées lors de la conférence environnementale, l’Agence doit permettre de déployer des ressources humaines et matériels nouveaux. Il convient également de ne pas affaiblir les moyens et actions des établissements et services existants.
La biodiversité ne peut pas rester qu’une priorité verbale, elle doit aussi être soutenue à l’opérationnel. L’Agence doit donc être dotée de moyens adaptés à ses missions pour ne pas réduire ce projet à un simple affichage incohérent avec l’objectif de « reconquête de la biodiversité ». Seuls la clarification et le dialogue indispensables permettront de donner vie à ce projet selon un scénario 2 crédible, et d’avancer ensemble, pour les humains et la biodiversité. C’est l’arbitrage que nous attendons des pouvoirs publics.
*Les organismes cités par le rapport : Parcs Nationaux de France, Agence des Aires Marines Protégées, GIP ATEN, tout ou partie de l’ONCFS et de l’ONEMA, les personnels affectés à l’Observatoire National de la Biodiversité, au Service du Patrimoine Naturel, à la fédération des Conservatoires Botaniques Nationaux, et la fonction technique d’appui aux réseaux d’espaces naturels (Fédération des Conservatoires d’Espaces Naturels, Fédération des Parcs Naturels Régionaux, Réserves Naturelles de France).
Signataires (ordre alphabétique des structures)
Claudy Lebreton, président de l’Assemblée des départements de France
Jean Jack Queyranne, président de la Région Rhône-Alpes, en charge du développement durable pour l’Association des régions de France (ARF)
Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT
Laurent Carrié, délégué national CFE-CGC en charge du développement durable.
Thierry Lepaon, secrétaire général de la CGT
Guy Geoffroy, président des Eco Maires
Cécile Ostria, directrice de la Fondation Nicolas Hulot pour la nature et l’homme
Bruno Genty, président de France Nature Environnement
Hubert Reeves, président de Humanité et Biodiversité
Allain Bougrain Dubourg, président de la Ligue pour la Protection des Oiseaux