Éric Alauzet sur F3 – Vie politique et lobbying : quel impact pour la démocratie ?
Il n’y a pas de vie en société sans existence de groupes mobilisés pour défendre leurs intérêts. Ces groupes se sont manifestés dans tous les régimes, avant même la naissance des partis politiques au 19ème siècle car l’individu n’a pas toujours été au centre de la réflexion sociétale. Par exemple, l’ordre politique, à l’époque médiévale, était animé par des communautés, des guildes[1]. Les mutations politiques, sociologiques et économiques de la France au fil des siècles se sont accompagnées d’une transformation de ces groupes, aujourd’hui connus sous le nom de « lobbies[2] ».
Invité[3], le 13 février 2016, sur le plateau de « La Voix Est Libre » sur France 3 Région, pour une émission consacrée à l’impact des lobbies sur la démocratie présentée par Jérémy Chevreuil, Éric Alauzet a réagi sur le sujet.
Au cours de l’émission, le député du Doubs a donné son avis : « des intérêts particuliers peuvent trouver leur légitimité » et que, « ce qui compte pour nous (les parlementaires), c’est d’avoir l’ensemble des avis de la société ».
« Il nous faut entendre l’ensemble des acteurs de la société, faire un travail derrière, ne pas se contenter des propos qui nous sont avancés et surtout garder sa liberté, c’est ça qui doit être la boussole de notre action ».
En ce qui concerne la pratique qui fait polémique[4] actuellement, les invitations à des déjeuners de parlementaires par des lobbyistes, qui soulève elle aussi la question de la transparence, Éric Alauzet a souligné qu’il ne participe pas aux déjeuners organisés par les lobbies, qu’il est « scrupuleux sur qui est l’orateur » et n’y va donc pas quand celui-ci est le représentant d’un groupe d’intérêt. Et comme il s’est engagé sur le plateau de télévision, il publie (fin de l’article) la liste des repas auquel il a participé. Pour les rencontres avec les entreprises ou les organisations, cela se passe dans son bureau et non pas au restaurant…
La voix est libre
http://france3-regions.francetvinfo.fr/franche-comte/emissions/la-voix-est-libre/lobbies-nos-elus-sous-influence.html
Retour sur les interventions dans l’émission mais aussi description du Lobby :
Qu’entend-on par « lobby » ?
Le terme « lobby » est un mot anglais signifiant « vestibule ». Cet anglicisme désigne les groupes de pression, d’origines diverses, qui tentent d’influencer le travail politique. Le lobby est, à l’origine, un lieu de passage, une sorte d’antichambre, permettant aux groupes de rencontrer des parlementaires, qui fait naître les opportunités, les conversations et, peut-être, la corruption.
En France, le terme est souvent traduit par « groupe de pression » qui, « est défini comme une entité organisée qui cherche à influencer les pouvoirs publics et les processus politiques dans un sens favorable à ses intérêts sans pour autant participer à la compétition électorale » (Grossman, 2005). On peut aussi traduire ce terme par « groupe d’intérêt ». Les groupes d’intérêt ont une action plus large, ils ne cherchent pas seulement à faire pression sur les parlementaires mais, de façon plus générale, sur la société. Il en existe deux sortes. Tout d’abord, les groupes d’intérêt dits « publics » qui représentent non pas des intérêts économiques mais des valeurs, des principes, et agissent pour ce qu’ils considèrent comme bien pour la communauté (Amnesty International, Greenpeace…). Ensuite, les groupes d’intérêt « privés » qui eux, défendent un intérêt commun à leurs membres (Entreprises privées par exemple) ».
En ce qui concerne l’action des lobbies, celle-ci repose sur deux axes. Le premier, le lobbying interne, est le lobbying direct par des contacts avec des interlocuteurs à influencer (hauts fonctionnaires, parlementaires…). Le second, le lobbying externe comprend un large panel de stratégies utilisant d’autres acteurs pour faire pression sur les pouvoirs publics, ces acteurs peuvent être l’opinion dans son ensemble ou un segment de la population.
Le lobbying connaît un essor en France et en Europe depuis le milieu des années 1990, notamment du fait de l’intégration européenne et des évolutions de la société et des modes de gouvernance. Il est pratiqué non seulement par les groupes d’intérêts économiques, mais par de très nombreux acteurs, associations, mouvements sociaux, etc., qui l’utilisent selon des modes différenciés. S’il a toujours existé, à titre confidentiel, les dernières décennies ont été marquées par une multiplication des lobbies et une intensification de leur action. Décriés par beaucoup, les lobbies seraient devenus une menace pour les sociétés démocratiques de par leur influence auprès des élus, censés représenter le peuple et non pas les intérêts de ces groupes de pression mais aussi avec le risque de corruption qu’ils constituent.
Éric Alauzet considère que, parfois, « des intérêts particuliers peuvent trouver leur légitimité » et que, « ce qui compte pour nous (les parlementaires), c’est d’avoir l’ensemble des avis de la société ». Il tempère cependant en expliquant qu’il peut être « difficile pour les parlementaires d’affronter des puissances économiques importantes » car « les lobbies sont très puissants ». Pour lui, un des problèmes lié à l’existence des lobbies repose sur le fait que « les politiques sont organisés au niveau national alors que les lobbies le sont au niveau international ».
Un encadrement et une transparence insuffisants.
Transparence International France 5TIF), avec Regard Citoyens, avait mené une étude au sujet des rencontres entre députés et acteurs publics et privés. L’étude portait sur l’intégralité des rapports parlementaires produits par l’Assemblée nationale entre juin 2007 et juin 2010. 1 174 rapports parlementaires ont ainsi été passés en revue et, dedans, 9 304 auditions, près de 5000 organismes, représentés par plus de 16 000 personnes, ont été recensées. Les chiffres sont très éloignés des quelque 120 représentants d’intérêt inscrits en mars 2011 au registre officiel de l’Assemblée nationale. TIF a donc pointé le manque de transparence de ces relations.
En France, l’institutionnalisation des lobbies en est à ses balbutiements : depuis 2009, il existe un registre de renseignement qui permet aux lobbyistes d’avoir un accès à l’année au palais Bourbon, et depuis 2013 un registre de transparence qui les oblige à déclarer le nom de leurs clients, et les montants dépensés par ces clients dans les opérations de lobbying. Cependant, aucun contrôle, aucune vérification de ces informations ne sont prévus. En ce qui concerne le registre de l’Assemblée Nationale, toute personne ou organisme qui souhaite faire du lobbying auprès des députés peut s’enregistrer afin rendre public leur travail et leur influence. Il existe en plus un code de conduite des représentants d´intérêts auquel les lobbyistes inscrits doivent se tenir. L’inscription sur le registre des représentants d’intérêts donne droit, en contrepartie, à des modalités d’accueil facilitées à l’Assemblée Nationale. Par ailleurs, l’inscription sur le registre sera mentionnée lorsque les représentants d’intérêts auront été auditionnés dans le cadre d’un travail parlementaire : une telle mention permet d’informer les parlementaires, ainsi que les citoyens, sur le fait que les personnes auditionnées se sont conformées aux obligations de transparence et de déontologie dans leurs contacts avec la représentation nationale. Cependant, l’efficacité de cet encadrement est à relativiser, car, si environ 250 groupes figurent actuellement sur la liste, nous sommes bien loin des chiffres impressionnants relevés par l’étude de TIF quelques années auparavant.
En ce qui concerne la pratique qui fait polémique[5] actuellement, les invitations à des déjeuners de parlementaires par des lobbyistes, qui soulève elle aussi la question de la transparence, Éric Alauzet a souligné qu’il ne participe pas aux déjeuners organisés par les lobbies, qu’il est « scrupuleux sur qui est l’orateur » et n’y va donc pas quand celui-ci est le représentant d’un groupe d’intérêt. Dans les déjeuners auxquels il se rend, seuls des parlementaires prennent la parole. Pour des raisons de transparence, le député s’est engagé a publié la liste des repas auquel il a participé. Pour les rencontres avec les entreprises ou les organisations, cela se passe dans son bureau et non pas au restaurant…
Derniers déjeuners thématiques
– 22/09 : Déjeuner-débat 3e rencontres parlementaires pour l’épargne salariale avec JP Delevoye (psdt CESE)
– 06/10 : Déjeuner débat groupe de travail sécurité avec Didier Le Bret, Coordinateur nationale du renseignement à la Présidence de la République
– 21/10 : Déjeuner débat Cercle Emploi et Société avec M. Yves Struillou, directeur général du Travail
– 27/10 : Déjeuner de programmation – Club des parlementaires de l’économie circulaire, désignation des thèmes de l’année
– 28/10 : Déjeuner Air France biocarburants et fiscalité écologique avec Pierre-Olivier Bandet, Directeur général adjoint du cabinet de la présidence ainsi que Patricia Manent, Directrice adjointe des Affaires publiques
– 04/11 : Déjeuner 16e rencontres parlementaires de l’Energie – avec Hubert Védrine
– 10/11 : Déjeuner- débat 22e rencontres parlementaires transport et mobilité – avec Gérard Guibert de la Fabrique Ecologique
– 15/12 : Déjeuner Club Idées, initiatives, Emplois avec le Directeur général du Travail, Yves Struillou
– 19/01 : Déjeuner sur l’étude « 0 déchet. 100% croissance. » avec de Nicolas Bouzou
– 26/01 : Déjeuner débat avec le centre des jeunes dirigeants, avec M. Richard Thiriet, Président du Centre des Jeunes Dirigeants (CJD)
– 03/02 : Déjeuner avec Patrick Arthus économiste « et si la monnaie était une chose bien trop sérieuse pour être confiée à nos banquiers centraux? »
– 10/02 : Déjeuner des 9e rencontres parlementaires de la sécurité autour de Béatrice Brugère sur la lutte contre le terrorisme
[1] Au Moyen Âge, associations corporatistes d’artisans et commerçants offrant aux adhérents des avantages particuliers.
[2] La terminaison « IES » vient de la grammaire anglaise, selon laquelle, les mots singuliers terminés par « Y » perdent cette voyelle au profit de la terminaison « IES » au pluriel.
[3] Autres invités : Michel Raison, sénateur LR de Haute-Saône ; Gérard Bailly, sénateur LR du Jura ; Pascal Bobillier-Monnot, directeur de la Confédération nationale des producteurs de vin et eaux-de-vie de vin AOC ; Julien Péa, directeur de la Maison de l’Europe en Franche-Comté.
[4] Pratique qui a fait beaucoup réagir à la suite d’une mise en lumière par l’émission de France 2 « Cash Investigation ».
[5] Pratique qui a fait beaucoup réagir à la suite d’une mise en lumière par l’émission de France 2 « Cash Investigation ».