Éric Alauzet soutient l’ultime prorogation de l’état d’urgence. Pourquoi ?
Le ministre d’Etat, ministre de l’intérieur, Gérard Colomb, a présenté en séance ce jeudi un projet de loi prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence et un projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme. Ci-dessous les principes qui conduisent à cette présentation au Parlement, alors que la précédente loi décrétant l’Etat d’urgence prend fin le 15 juillet.
Éric Alauzet, comme les précédents projets de loi, a voté pour
« La prorogation de l’état d’urgence trouve sa justification dans l’attente de l’adaptation de la loi ordinaire à la situation de risque persistant élevé d’attentat terroriste – voir avis du Conseil d’Etat du 17 juin dernier – auquel notre pays est confronté.
En effet, il n’aurait pas été sérieux de modifier la loi sur un sujet aussi sensible et aussi grave sans un débat approfondi que ne permettait pas le délai qui nous sépare du 15 juillet, date qui marque la fin de l’état d’urgence.
Cette ultime prolongation, confirme la volonté du Gouvernement et sans doute de la totalité des groupes politiques siégeant à l’Assemblée nationale, de ne pas installer notre pays dans un état d’urgence permanent.
Dès lors, le sujet, dès aujourd’hui, est bien celui du fond et des dispositions qui sont en débat Il faut être extrêmement précis sur ce point, en affirmant que les mesures nouvelles devront être limitées la seule lutte contre le terrorisme.
Il est difficile d’arbitrer ce débat qui met en tension les notions de liberté et de sécurité. Doit-on considérer que ces deux notions s’opposent par définition et que quand l’une progresse, l’autre s’affaiblit ? Pour apprécier les mesures qui sont en débat, Il est nécessaire de prendre en compte des éléments objectifs sur la réalité des attentats, les résultats positifs liés à l’état d’urgence, les contraintes induites et les effets dommageables dans la vie de certains de nos concitoyens liés à ce même état d’urgence. Ces éléments doivent permettent un débat éclairé.
Si la passion l’emporte, les uns seront qualifiés de liberticides et d’autoritaires et les autres d’irresponsables ou d’angéliques. Encore, si la surenchère politicienne prospère dans la logique sécuritaire ou à l’inverse dans le refus sécuritaire, alors nous nous diviserons. Mais si la raison et le respect mutuel triomphent, là, nous progresserons. »
Éric Alauzet
Les principes du projet de loi (Extrait du compte rendu du Conseil des ministres du 22/06/17)
Le ministre d’Etat, ministre de l’intérieur a présenté un projet de loi prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence et un projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme.
Depuis les attentats de novembre 2015, la France est exposée à un niveau de menace terroriste qui demeure très élevé. La dernière prorogation de l’état d’urgence avait été décidée fin 2016 pour permettre le recours à des mesures exceptionnelles dans un contexte électoral où les réunions publiques devaient se multiplier. Cette prolongation n’a pas été vaine, plusieurs attentats ayant été déjoués depuis le début de l’année, dont une action terroriste majeure à Marseille.
Au regard de l’analyse de la menace, caractérisée par un niveau au moins aussi élevé que lors de la dernière prorogation, il a été décidé, à l’issue du Conseil de défense du 24 mai dernier, de proposer au Parlement de prolonger l’état d’urgence jusqu’au 1er novembre prochain. C’est l’objet du premier projet de loi.
La procédure permettant de prolonger jusqu’à cette échéance le rétablissement de contrôles aux frontières intérieures françaises a également été engagée auprès de la commission européenne.
Ce régime juridique dérogatoire ne peut cependant être reconduit indéfiniment.
Dès lors, face à une menace qui revêt désormais un caractère durable, il est nécessaire, avant d’envisager une sortie de l’état d’urgence, de doter préalablement l’Etat de nouveaux moyens juridiques de droit commun permettant de mieux prévenir la menace terroriste hors période d’état d’urgence.
Tel est l’objet du second projet de loi, qui vise à doter l’Etat, d’ici au 1er novembre, de nouveaux instruments permanents de prévention et de lutte contre le terrorisme, en réservant le régime de l’état d’urgence à des circonstances exceptionnelles.
Le recours à ces mesures en droit commun est étroitement encadré par des critères stricts relatifs aux personnes susceptibles d’en faire l’objet et conditionné par le respect de l’unique finalité de la prévention d’actes de terrorisme.
Les pouvoirs publics seront ainsi dotés, durablement, d’outils nouveaux garantissant une efficacité accrue en matière de prévention et de lutte contre le terrorisme.
Hors période d’état d’urgence, les dispositions du projet de loi rendront possibles :
– l’établissement, par le préfet, de périmètres de protection de nature à assurer la sécurité d’événements ou de lieux particulièrement exposés à la menace terroriste ;
– la fermeture administrative, par le préfet et pour une durée maximale de 6 mois, des lieux de culte qui, par les propos qui y sont tenus, les idées ou théories qui y sont diffusées ou les activités qui s’y déroulent, provoquent à la commission d’actes de terrorisme en France ou à l’étranger, incitent à la violence ou font l’apologie de tels actes ;
– la mise en place de mesures de surveillance individuelle à l’encontre de toute personne à l’égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d’une « particulière gravité » pour la sécurité et l’ordre publics et qui entre en relation habituelle avec des personnes ou organisations aux visées terroristes ou qui soutient ou adhère à des thèses incitant au terrorisme ; cette mesure sera mise en œuvre par le ministre de l’intérieur ;
– la réalisation de visites et saisies dans les lieux fréquentés par des personnes répondant aux mêmes critères que pour la mise en œuvre de mesures de surveillance individuelle. Décidées par le préfet, les visites et saisies seront soumises à l’autorisation préalable de l’autorité judiciaire (juge des libertés et de la détention près le tribunal de grande instance de Paris) et s’effectueront sous son contrôle ; le Procureur de la République de Paris en sera préalablement informé ;
– la pérennisation du régime permettant la consultation des données du fichier des passagers du transport aérien, grâce à la transposition de la directive européenne « Passenger Name Record » (PNR) ;
– la création d’un système national de centralisation des données issues des dossiers des passagers du transport maritime à destination ou au départ de la France ;
– l’établissement d’un cadre juridique pour les opérations de surveillance des communications hertziennes pour tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel du 21 octobre dernier ; ;
– le renforcement des possibilités de contrôle aux frontières de manière à accroître l’efficacité de l’action des services de police et de gendarmerie une fois passée la période de rétablissement des contrôles aux frontières ; le projet de loi élargit ainsi les périmètres de contrôle, notamment aux abords des gares ouvertes au trafic international. Le projet étend par ailleurs la durée possible du contrôle à « 12 heures consécutives » (contre 6 heures aujourd’hui).
L’introduction de ces nouvelles dispositions se fait dans un cadre juridique renouvelé qui, sans rien céder à l’efficacité, garantit l’exercice des droits et libertés de chacun. Ainsi, les conditions de mise en œuvre des mesures prévues, les modalités de leur contrôle de même que leurs effets diffèrent de ceux prévus par la loi sur l’état d’urgence.
De manière générale, les mesures prévues par le projet de loi, qui restent soumises au contrôle approfondi du juge, sont en effet :
– soumises à des conditions plus ciblées qu’en période d’état d’urgence, les individus objet de ces mesures devant constituer une menace d’une « particulière gravité » mais également être en relation avec des organisations terroristes ou soutenir leurs thèses ;
– conditionnées, pour celles qui nécessitent de pénétrer au domicile, à l’autorisation du juge judiciaire (régime des visites et saisies) ;
– encadrées dans leurs effets pour, tout en gardant leur efficacité, se concilier avec le respect du droit à la vie privée et familiale (création du régime nouveau des « mesures individuelles de surveillance » en lieu et place de celui des « assignations à résidence ») ;
– susceptibles, pour certaines, de faire l’objet de recours suspensifs ; ainsi, si la fermeture des lieux de culte reste exécutable d’office au plus tôt 48 heures après sa notification, elle peut utilement être contestée dans ce délai, l’exercice de ce recours suspendant alors, pour une très courte durée, la fermeture du lieu de culte dans l’attente de la décision du juge.
2 remarques ou questions :
En quoi le risque terroriste existant en France (qu’il ne s’agit pas de nier) diffère-t-il sensiblement de celui de certains de nos voisins européens pour justifier chez nous le maintien d’un état d’exception ? Nos voisins ont-ils réellement une législation de droit commun qui leur permet de répondre à l’exception terroriste mieux que la nôtre ?
Quand on voit les marges d’appréciation laissées à l’exécutif (Min. Intérieur, préfet) pour qualifier le risque terroriste, la porte sera ouverte aux dérives autorisant l’interdiction de manifester autour d’évènements majeurs (type COP 21, Cigéo, …). On connait d’expérience le déni et l’hypocrisie qui ont entouré les circonstances de la mort de Rémi Fraisse, suivies d’une procédure biaisée qui prive sa famille (et nous citoyens) d’une reconnaissance des fautes ou négligences commises alors par l’exécutif. Et vous, au Parlement, n’aurez plus votre ‘mot à dire’.