Emmanuel Macron :  » La seule voie qui assure notre avenir, c’est la refondation d’une Europe souveraine, unie et démocratique ».

Devant les étudiants de la Sorbonne, le Président de la République a présenté sa vision de l’Europe et ce qu’il allait défendre et entreprendre sur son mandat.

Eric Alauzet a réagi dans le Forum de la Presse sur France Bleu Besançon en soutenant l’engagement européen du Chef de l’Etat.

 

Discours et questions des étudiants et réponses d’Emmanuel Macron.

 

 

Initiative pour l’Europe Une Europe souveraine, unie, démocratique

Face aux grands défis de notre temps – la défense et la sécurité, les grandes migrations, le développement, le changement climatique, la révolution numérique, la régulation d’une économie mondialisée – les pays européens ont-ils trouvé les moyens de défendre leurs intérêts et leurs valeurs, de garantir et d’adapter leur modèle démocratique et social unique au monde ? Peuvent-ils relever seuls chacun de ces défis ?

Nous ne pouvons pas nous permettre de garder les mêmes politiques, les mêmes habitudes, les mêmes procédures, le même budget. Nous ne pouvons pas davantage choisir la voie du repli national.

La seule voie qui assure notre avenir, c’est la refondation d’une Europe souveraine, unie et démocratique.

 

 

Une Europe souveraine

 

Les six clés de la souveraineté européenne

 

  1. Une Europe qui garantit la sécurité dans toutes ses dimensions

En matière de défense, l’Europe doit se doter d’une force commune d’intervention, d’un budget de défense commun et d’une doctrine commune pour agir. Il convient d’encourager la mise en place au plus vite du Fonds européen de défense, de la coopération structurée permanente et de les compléter par une initiative européenne d’intervention qui permette de mieux intégrer nos forces armées à toutes les étapes.

Dans la lutte contre le terrorisme, l’Europe doit assurer le rapprochement de nos capacités de renseignement en créant une Académie européenne du renseignement.

– La sécurité doit être assurée, ensemble, dans toutes ses dimensions : il faut doter l’Europe d’une force commune de protection civile.

 

  1. Une Europe qui répond au défi migratoire

Nous devons créer un espace commun des frontières, de l’asile et des migrations, pour maîtriser efficacement nos frontières, accueillir dignement les réfugiés, les intégrer réellement et renvoyer rapidement ceux qui ne sont pas éligibles au droit d’asile.

Nous devons créer un Office européen de l’asile, qui accélère et harmonise nos procédures ; mettre en place des fichiers interconnectés et des documents d’identité biométriques sécurisés ; établir progressivement une police des frontières européenne qui garantisse une gestion rigoureuse des frontières et assure le retour de ceux qui ne peuvent pas rester ; financer un large programme européen de formation et d’intégration pour les réfugiés.

 

  1. Une Europe tournée vers l’Afrique et la Méditerranée

– L’Europe doit avoir une politique extérieure centrée sur quelques priorités : d’abord la Méditerranée et l’Afrique.

Elle doit développer un nouveau partenariat avec l’Afrique, fondé sur l’éducation, la santé, la transition énergétique.

 

  1. Une Europe modèle du développement durable

– L’Europe doit être le chef de file d’une transition écologique efficace et équitable.

– Elle doit favoriser les investissements dans cette transition (transport, logement, industrie, agriculture…) en donnant un juste prix au carbone : par un prix minimum significatif à l’intérieur de ses frontières ; par une taxe carbone européenne aux frontières pour assurer l’équité entre ses producteurs et leurs concurrents.

– L’Europe doit mettre en place un programme industriel de soutien aux véhicules propres et aux infrastructures nécessaires (bornes de recharge…).

Elle doit assurer sa souveraineté alimentaire, en réformant la politique agricole commune et en mettant en place une force commune de contrôle qui assure la sécurité alimentaire des Européens.

 

  1. Une Europe de l’innovation et de la régulation adaptées au monde numérique

– L’Europe doit mener et non subir cette transformation, en promouvant dans la mondialisation son modèle combinant innovation et régulation.

Elle doit se doter d’une Agence pour l’innovation de rupture, finançant en commun des champs de recherche nouveaux, comme l’intelligence artificielle, ou inexplorés.

Elle doit assurer l’équité et la confiance dans la transformation numérique, en repensant ses systèmes fiscaux (taxation des entreprises numériques) et en régulant les grandes plateformes.

 

  1. Une Europe puissance économique et monétaire

– Nous devons faire de la zone euro le coeur de la puissance économique de l’Europe dans le monde.

– En complément des réformes nationales, elle doit se doter des instruments qui en feront une zone de croissance et de stabilité, notamment un budget qui permette de financer des investissements communs et d’assurer la stabilisation face aux chocs économiques.

 

Une Europe unie

  1. Une solidarité concrète par la convergence sociale et fiscale

Nous devons encourager la convergence au sein de toute l’Union en fixant des critères qui rapprochent progressivement nos modèles sociaux et fiscaux. Le respect de ces critères doit conditionner l’accès aux fonds de solidarité européens.

– Sur le plan fiscal, il convient de définir un corridor de taux d’impôt sur les sociétés ; sur le plan social, il faut garantir à tous un salaire minimum, adapté à la réalité économique de chaque pays, et encadrer la concurrence par les niveaux de cotisations sociales.

 

  1. Le ciment de la culture et du savoir

Créer un sentiment d’appartenance est le ciment le plus solide de l’Europe.

– Nous devons renforcer les échanges, pour que chaque jeune Européen ait passé au moins 6 mois dans un autre pays européen (50 % d’une classe d’âge en 2024), que chaque étudiant parle deux langues européennes d’ici 2024.

– Nous devons créer des Universités européennes, réseaux d’universités qui permettent d’étudier à l’étranger et de suivre des cours dans deux langues au moins. Au lycée, nous devons mettre en place un processus d’harmonisation ou de reconnaissance mutuelle des diplômes de l’enseignement secondaire (à l’instar de l’enseignement supérieur).

 

 

Une Europe démocratique

La refondation européenne ne se construira pas à l’abri des peuples, mais en les associant dès le début à cette feuille de route.

 

  1. La nécessité du débat : les conventions démocratiques

Pendant 6 mois, des débats nationaux et locaux, sur la base de questions communes, seront organisés en 2018 dans tous les pays de l’UE volontaires.

 

  1. Le renforcement du Parlement européen : les listes transnationales

– Dès 2019, en utilisant le quota des députés britanniques partants, nous devons créer des listes transnationales qui permettent aux Européens de voter pour un projet cohérent et commun.

 

 

Quelle Europe en 2024 ?

 

  1. L’Union européenne, notre cadre commun

– L’UE définit notre socle commun, fondé sur (i) des valeurs démocratiques communes, non négociables ; (ii) un marché unique plus simple et plus protecteur, associé à une politique commerciale refondée (dans 3 directions : la transparence dans les négociations et la mise en en oeuvre des accords commerciaux ; l’exigence sociale et environnementale ; la réciprocité, avec un procureur commercial européen chargé de vérifier le respect des règles par nos concurrents et de sanctionner sans délai toute pratique déloyale).

– Si elle permet des différenciations ambitieuses, cette Union pourra s’élargir progressivement aux pays des Balkans occidentaux.

– Elle devra pour cela réformer ses institutions, avec une Commission plus restreinte (15 membres).

 

  1. La différenciation par l’ambition

– Au sein de cette Union, ceux qui veulent aller plus loin, plus vite, doivent le faire sans être empêchés. Les coopérations seront toujours ouvertes à tous, sur le seul critère du niveau d’ambition partagée, sans format prédéfini.

 

  1. L’impulsion franco-allemande

– Face à ces défis, l’impulsion franco-allemande sera décisive. « Pourquoi ne pas se donner l’objectif, d’ici 2024, d’intégrer totalement nos marchés en appliquant les mêmes règles à nos entreprises, du droit des affaires au droit des faillites ? »

Cet esprit pionnier et concret, c’est celui du Traité de l’Elysée, dont la France propose d’engager une révision traduisant une nouvelle ambition commune.

 

  1. Le groupe de la refondation européenne

– Tous les Etats qui adhèrent à cette volonté pourront lancer dans les prochaines semaines un « groupe de la refondation européenne ».

Ce groupe accueillera les représentants de chaque Etat membre volontaire et associera les institutions européennes.

D’ici l’été 2018, il travaillera pour préciser et proposer les mesures qui mettront en oeuvre cette ambition, en se nourrissant des débats des conventions démocratiques. Thème par thème, les outils nécessaires à la refondation (coopération renforcée, changement de traité à terme…) seront examinés.

 

 « Le temps où la France propose est revenu. Je pense en cet instant à Robert Schuman, le 9 mai 1950, à Paris, osant proposer de construire l’Europe.

Je pense à ses mots saisissants : ‘L’Europe n’a pas été faite, nous avons eu la guerre’. »

 

Emmanuel Macron, 26 septembre 2017.


 Questions – réponses

 

Initiative européenne

 

Pourquoi prendre maintenant une initiative européenne ?

Il était important d’attendre les élections en Allemagne. Désormais, des discussions vont commencer pour former une coalition et définir un accord de coalition, très précis : il est de la responsabilité de la France de proposer, de donner sa vision, dans cette période et non après – ce serait trop tard.

Depuis 4 mois, le Président a beaucoup échangé, consulté, avec les dirigeants des institutions de l’UE et ses partenaires européens (entretiens bilatéraux avec 22 d’entre eux). Avec ce nouveau chapitre qui s’ouvre, il convient de tracer sans tarder une vision claire et concrète, combinant l’urgence d’agir et le sens du temps long.

 

Les élections allemandes ne fragilisent-elles pas toute initiative ambitieuse ?

C’est une vision à presque 10 ans que le Président propose, au-delà du gouvernement d’un moment, en France comme chez nos partenaires.

Face au scepticisme, au rejet de l’Europe parfois, nous ne devons pas être timides, mais au contraire proposer et agir pour changer en profondeur l’Europe, qui est notre meilleure chance de peser face aux grands défis – sécurité / terrorisme, migrations, développement, changement climatique, révolution numérique, régulation de la mondialisation.

 

La France prend-elle une initiative isolée ?

La France n’impose rien, elle propose. Avec des initiatives concrètes, qui ouvrent un processus de discussion entre Etats membres. Un processus qui doit être ouvert, à l’écoute des Européens (conventions démocratiques).

Ce travail doit aboutir à une feuille de route à l’été 2018, et nourrir notamment le débat des élections européennes du printemps 2019.

 

La France est-elle prête à changer les traités ?

Tout le discours du Président est centré sur les objectifs, pas sur les instruments. Un changement de traité n’est pas un projet, c’est un outil possible au service d’une ambition politique.

– Le travail qui s’engage, thème par thème, déterminera les évolutions nécessaires pour atteindre les objectifs fixés : nouvelle législation, accord ad hoc, coopération renforcée, changement de traité… ?

– Si certaines avancées nécessitent un changement de traité, la France y est ouverte. Ce n’est ni un totem, ni un tabou.

 

Pourquoi fixer un horizon à 2024 ?

– C’est un double horizon politique et symbolique. 7 ans, une « petite décennie », c’est l’horizon de moyen terme qui doit permettre de changer l’Europe en profondeur.

En 2024, le Parlement européen élu en 2019 achèvera sa mandature, comme la Commission européenne : ce mandat doit être un temps essentiel pour la mise en oeuvre de cette refondation européenne.

En 2024, la France accueillera les Jeux Olympiques : ils doivent être un moment fort permettant de célébrer l’Europe (hymne, drapeaux européens…).

 

Qu’est-ce que « l’initiative européenne d’intervention » ?

– L’Europe de la défense est encore en construction. Cette année, des avancées majeures ont été réalisées avec la proposition par la Commission européenne d’un Fonds européen de défense (qui permettra de mutualiser des financements pour la recherche et les équipements) et le lancement probable d’ici la fin 2017 d’une Coopération structurée permanente, qui traduit une ambition commune (en matière de dépenses, d’investissement, de missions extérieures…).

Il faut compléter ces instruments par une culture stratégique commune ; c’est ce qui manque le plus à l’Europe.

L’IEI consiste à accueillir dans les armées qui le souhaitent – la France ouvrira ses armées dans ce cadre – des militaires venant d’autres pays européens pour participer, le plus en amont possible, à nos travaux d’anticipation, de renseignement, de planification et de soutien aux opérations.

– L’IEI formera le coeur de la contribution française à la Coopération structurée permanente.

 

La France est-elle prête à renoncer à la PAC ?

Ce n’est pas de cela qu’il s’agit. Nous avons besoin d’une politique agricole européenne.

– La France souhaite un renouvellement profond de la PAC, qui est devenue un tabou alors qu’elle est de plus en plus critiquée par les agriculteurs eux-mêmes.

Nous devons engager les discussions sur une nouvelle PAC, plus simple, qui doit viser un double objectif : (i) faire vivre les agriculteurs de leurs revenus en les protégeant face aux aléas et aux grandes crises ; (ii) les aider à évoluer vers une agriculture plus écologique et responsable.

 

Que propose la France pour la zone euro ?

L’objectif fondamental est de faire de l’Europe une puissance économique mondiale. Disposer d’une monnaie forte, internationale en est un élément essentiel.

C’est pourquoi renforcer la zone euro est un élément clé de notre souveraineté. Pour cela, il faut la doter d’une stratégie économique d’ensemble, reposant sur des réformes structurelles (que la France engage), une meilleure coordination des politiques économiques et un budget commun pour (i) favoriser la convergence, par l’investissement ; (ii) assurer la stabilisation face aux chocs économiques.

– Ce budget commun nécessité un pilotage économique fort (ministre européen) et un contrôle démocratique (députés européens issus des Etats de la zone euro – ce n’est pas un Parlement nouveau).

– Si la zone euro a vocation à s’étendre, il est d’autant plus indispensable de la renforcer sans attendre.

 

Qu’est-ce qu’une « université européenne » ?

– L’objectif est de mettre en réseau des universités européennes de différents pays pour proposer un vrai parcours européen aux étudiants : (i) changer de pays et d’université chaque année, au sein du réseau, en suivant un cursus commun ; (ii) suivre des cours dans deux langues au moins ; (iii) au sein de ces cursus, développer des expérimentations / innovations pédagogiques.

– Il faudrait viser d’ici le début des années 2020 environ 20 universités européennes.

 

Le Président propose de créer des agences : certaines existent déjà, sous une autre forme ? Est-ce vraiment ce dont l’Europe a besoin ?

– Créer des structures n’est pas un but en soi. Mais si l’on considère que, face aux grands défis du moment (innovation numérique, asile et immigration, sécurité alimentaire…), nous avons besoin de régulations efficaces, le bon échelon pour exercer cette régulation est le niveau européen dans ces domaines clés.

 

La vision de la France ne va-t-elle pas fragmenter l’UE ?

La France est très attachée à l’unité européenne, le Président en a fait un axe central de son discours de la Sorbonne. Il a proposé de la renforcer, par la solidarité (convergence fiscale et sociale) et la culture (échanges / Erasmus, universités européennes, reconnaissance des diplômes de l’enseignement secondaire…).

– Mais l’unité n’est pas l’uniformité. L’Europe a toujours progressé par l’ambition motrice de quelques-uns, rejoints par leurs partenaires ensuite. Ce n’est pas en cherchant le plus petit dénominateur commun que l’Europe avance, mais en progressant avec ceux qui le veulent, en restant ouverts aux autres et en préservant le socle commun (marché unique, valeurs démocratiques).

– Pour tous les objectifs mentionnés, deux principes simples sont posés : aucun Etat membre n’est exclu a priori, il n’y a pas de format pré-défini ; aucun Etat ne doit empêcher les autres d’aller plus vite ou plus loin.

 

Pourquoi envisager un élargissement de l’UE ?

– L’élargissement évoqué concerne uniquement les pays des Balkans occidentaux. Les négociations d’élargissement sont ouvertes avec le Monténégro et la Serbie ; le statut de pays candidat a été reconnu à l’Albanie et à l’Ancienne république yougoslave de Macédoine.

– Il a été reconnu à ces pays depuis 2000 « une perspective européenne ». La perspective d’une possible adhésion est un puissant facteur de réformes et de stabilisation dans la région. Il faudra donc, le moment venu et en fonction des progrès réalisés par chaque Etat concerné, concrétiser cet engagement.

Cela sera possible uniquement si l’UE se réforme et permet, pour avancer plus vite sur les grandes ambitions évoquées (défense, numérique…), des formats différenciés.

 

Pourquoi évoquer une place dans cette UE élargie pour le Royaume-Uni ? N’est-ce pas en contradiction avec le processus en cours ?

Il ne s’agit en aucun cas d’interférer avec le processus en cours sur le Brexit. Celui-ci a été décidé, la négociation sur la séparation et, le moment venu, l’accord futur doit se poursuivre.

Mais si l’on se projette dans une Europe réformée, différenciée, dans une décennie, s’il le souhaite, le Royaume-Uni pourrait trouver sa place.

 

Comment le processus de refondation proposé va-t-il s’organiser ?

– La France a formulé une initiative. Le Président poursuivra des échanges et consultations d’ici le Conseil européen d’octobre notamment, et dès le dîner informel de Tallinn le 28 septembre.

– Ensuite, pour les Etats intéressés par les domaines de souveraineté évoqués par le Président, un groupe de travail pourrait être mis en place dans les prochaines semaines, afin de préciser les mesures pertinentes et les instruments de mise en oeuvre nécessaires. Ce groupe pourrait associer des représentants des Etats membres volontaires et des représentants des institutions européennes.

Son travail serait nourri par les idées, priorités, propositions issues des conventions démocratiques, d’ici l’été 2018.

 

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