CETA, TAFTA : la position et opinion d’Eric Alauzet

A l’occasion des débats sur les Traités de libre-échange en cours de ratification (CETA) ou de négociations (TAFTA), le député Eric ALAUZET répond régulièrement aux interpellations pour faire connaître sa position et son opinion sur ces traités. Aussi, vous trouverez ci-dessous le courrier de réponse qu’il adresse à ses interlocuteurs.

 

Madame, Monsieur,

Par votre courriel, vous avez bien voulu m’interpeller sur les négociations en cours autour des Traités de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada (Accord Économique et Commercial Global – CETA) et les États-Unis (Traité de libre-échange transatlantique – TAFTA). Je vous en remercie.

Il faut à ce jour séparer les deux traités qui n’ont pas le même calendrier décisionnel.

Ainsi, l’accord CETA a été conclu mais pas encore ratifié. Il est d’ailleurs sur de nombreux points différent de TAFTA (Cour de justice commerciale internationale, domaines de l’agriculture, échanges commerciaux PME, appellations, indications géographiques, respect de la règlementation nationale…) mais la réduction et l’harmonisation par le bas des normes (sociales, environnementales, sanitaires), considérées comme des obstacles aux échanges, reste dangereuse et similaire à TATFA, tout comme sur les questions agricoles et climatiques.

Pour connaître les interrogations spécifiques du CETA, je vous invite à lire la dernière tribune de Yannick Jadot, député européen EELV : http://www.alterecoplus.fr/mondialisation/tafta-et-ceta-le-grand-bluff-francais-201605121710-00003442.html

 

Pourquoi être défavorable à ces traités ?

Aussi, comme pour TATFA, encore en négociation, à ce jour, je suis, et depuis le début des négociations, avec mes collègues écologistes et autres députés de la majorité parlementaire au Parlement français et au Parlement européen, mobilisé et très critique vis à vis de ces traités.

Mes collègues écologistes au Parlement européen s’étaient opposés dès l’ouverture des négociations Union Européenne/Etats Unis et depuis ils ont soutenu l’ensemble des initiatives citoyennes visant à alerter sur les dangers de ce traité.

Localement, comme mes collègues à la région Franche-Comté, nous avons été à la Ville de Besançon à l’initiative pour être parmi les premières collectivités « hors Tafta ».

Vous trouverez  ci-joint la motion votée par le conseil municipal de Besançon lors de sa séance du 18 juin 2015.

 

Ce traité, et vous l’avez rappelé, comporte plusieurs éléments inquiétants : le nivellement par le bas des législations en matière d’environnement, de santé  ou de liberté numérique ; la demande des fournisseurs privés américains de soumettre au marché les services de santé ou d’éducation; le risque de marchandisation des données personnelles.

Ce traité devrait également comporter un mécanisme de règlement des différends investisseurs/Etats, qui permettrait de recourir à l’arbitrage privé pour régler des différents commerciaux en dehors de toute juridiction nationale ou même internationale. Ce mécanisme permettrait aux entreprises d’attaquer les Etats ou les collectivités locales lorsqu’une décision pourrait impacter leurs intérêts et leurs  bénéfices. Par exemple, l’Allemagne est poursuivie par une société suédoise d’énergie suite à sa décision de sortir du nucléaire.

L’enjeu est donc bien de préserver les préférences nationales dans les échanges commerciaux.

 

Ceci dit, il convient d’approfondir la réflexion concernant les avantages supposés du dispositif et d’analyser en détail la position des gouvernements et des opinions des autres pays. Il est à cet égard connu que les Etats Unis ne veulent pas se voir imposer certaines de nos règles, par exemple dans le domaine agroalimentaire (fromage) ou des carburants (diesel). Il faut donc, là comme ailleurs,  entrer dans le détail et dans la complexité. Or, pour TAFTA, la consultation des documents est extrêmement restreinte.

 

Ecologiste, le champ couvert par cet engagement est très vaste mais certains secteurs appellent pour moi une attention et une mobilisation particulière :

Agriculture : mise en danger des petits exploitants par une concurrence impossible avec des secteurs protégés ou des grands producteurs américains, facilitation de l’importation de produits OGM ou traités chimiquement depuis l’Amérique du Nord, affaiblissement des IGP, etc. sont autant de motifs menaçant des filières paysannes à part entière et l’emploi qui l’accompagne mais aussi la souveraineté alimentaire

Energie : la libéralisation du commerce transatlantique de l’énergie, ardemment souhaitée par l’UE, en dépit des risques environnementaux, le danger pour le service public de l’énergie et pour les subventions d’État au secteur, par exemple, ou encore l’inconnue quant à la portée des règles de protection de l’investissement dans ce domaine.

Climat et environnement : les documents fournis par la commission se limitent à de bonnes intentions sans piste concrète ou objectifs chiffrés pour en assurer la mise en œuvre effective. En particulier, rien n’indique que les engagements internationaux ou nationaux en matière de lutte contre le changement climatique et en faveur de la protection de l’environnement primeront sur les obligations commerciales des parties au traité.

 

Aujourd’hui, d’après les informations qui ont pu être transmises, l’accord devrait prendre en compte les particularités de notre territoire. C’est pourquoi certains domaines ne seraient pas concernés par le traité : l’audiovisuel, la défense, ou encore les «préférences collectives», à savoir la qualité des produits, les méthodes de production et leur impact sur l’environnement. Il n’est par exemple pas question de s’aligner sur les normes environnementales ou agricoles des Etats Unis.

L’Union européenne a ainsi exclu que cet accord autorise l’importation de bœuf aux hormones, de poulet chloré ou encore l’exploitation de gaz de schiste en Europe. Concernant les OGM, c’est la législation européenne et elle-seule qui continuerait de s’appliquer. Il convient par ailleurs de rappeler que la protection des données personnelles ne rentrerait pas dans le cadre de cet accord. Mais tout cela reste encore incertain et donc illisible.

 

Vous noterez également que le Secrétaire d’État chargé du Commerce extérieur, Mathias FEKL, agit résolument dans le sens de la transparence, de la préservation de nos intérêts et que le Président de la République, François Hollande, a encore indiqué ces dernières semaines son opposition en l’état à TAFTA.

 

 

Des traités « mixtes » soumis au vote des parlements nationaux et européen.

 

Les états de l’Union européenne devront adopter les textes et le Parlement européen a le pouvoir d’accepter ou de les rejeter. Puis les parlements nationaux devront se prononcer.

En effet, contrairement au point de vue exprimé par la Commission européenne – qui souhaitait voir le CETA ratifié en septembre et adopté par le seul parlement européen – , CETA comme TAFTA sont des « traités mixtes », c’est-à-dire des traités qui contiennent à la fois des matières qui relèvent de la compétence exclusive de l’UE et des matières sur lesquelles les Etats membres de l’UE gardent une pleine compétence.

Dans le passé l’Accord multilatéral sur l’investissement (AMI), négocié secrètement au sein des vingt-neuf pays membres de l’OCDE entre 1995 et 1997 a été abandonné suite à la mobilisation d’organisations non gouvernementales qui ont alerter le public sur le sujet.

 

 

Des défis à relever du global au local !

 

Pour élargir le débat qu’ouvrent ces traités et dans cette situation sociale et économique que nous vivons actuellement, nous avons deux défis à relever. Le premier est global, le second est local.

Les grands défis auxquels nous sommes confrontés sont pour la plupart d’entre eux de nature globale et planétaire ; je veux parler de la mondialisation et des affres de la compétition économique qui met en concurrence les travailleurs du monde entier, de la finance et de ses trous noirs, des trafics et de la délinquance internationale (armes, drogues, migrants), du terrorisme, du climat. Tout et mondial.

La pire des solutions serait le repli. Le nationalisme est non seulement impossible, il constitue une folie absolue et  il n’est pas très compliqué de comprendre qu’il n’est évidemment pas la réponse aux problèmes que je viens d’évoquer.

C’est donc bien à la Communauté internationale de relever ces défis, d’où l’urgence d’accélérer la construction politique de l’Europe pour assurer les régulations économiques et sociales nécessaires.

 

C’est donc bien plus de solidarité et de fraternité dont nous avons besoin au niveau international et mondial pour contenir le libéralisme débridé. Encore une fois, ce qu’a fait la COP 21 sur le climat ou ce que fait l’OCDE sur l’évasion fiscale montre que si le chemin est difficile, il reste praticable.

 

Le défi local, lui, se joue dans nos territoires. Il faut s’appuyer sur la grande aspiration de liberté qui existe dans notre pays pour faire émerger toutes les initiatives économiques, sociales, financières, technologiques, culturelles. L’objectif est évident : faire jouer toutes les potentialités du territoire, humaines, naturelles, culturelles pour regagner des parts d’autonomie, pour reprendre notre destin en main et se dégager le plus possible des marchés mondiaux notamment pour ce qui concerne l’approvisionnement en matières premières dans le domaine de la construction, de l’énergie et de la production alimentaire mais aussi dans l’ingénierie financière. Tous les jours ou presque, toutes les semaines en tous cas,  j’observe les initiatives, les progrès qui sont à l’œuvre.

 

Bref, ça bouillonne, à nous de soutenir, d’encourager, de valoriser cet esprit créateur qui nous permettra d’apporter des solutions concrètes et de construire progressivement ce nouveau modèle, en marchant. Il faut faire souffler ce vent de liberté qui redonnera de l’espoir.

 

Plus de liberté au plan local. Et plus de fraternité au plan global.

 

Je reste à votre disposition sur ce sujet.

Cordialement,

 

Éric Alauzet

Député du Doubs

 

http://ericalauzet.eelv.fr/resolution-tafta-les-ecologistes-refusent-de-sexprimer-sur-un-texte-mou-et-flou/

http://ericalauzet.eelv.fr/traite-transatlantique-ttip-et-negociations-commerciales-de-lunion-europeenne-les-parlements-nationaux-demandent-plus-de-democratie/

https://www.laquadrature.net/fr/TAFTA

 

 

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