CETA : « Le grand absent de l’accord est le climat ».

Le Canada et l’Union européenne ont signé un accord de libre échange qui devrait entrer en vigueur en grande partie de façon provisoire le 21 septembre prochain. Le traité doit encore être approuvé par les parlements nationaux pour entrer définitivement en vigueur.

 

« L’accord CETA ne donne pas la priorité aux préoccupations liées à la protection de l’environnement ou de la santé« , écrivent les experts de la commission mise en place par Emmanuel Macron. Mise en place début juillet, cette commission de neuf experts indépendants avait été chargée par le nouveau chef de l’État d’évaluer l’impact attendu du traité, signé en octobre 2016, sur l’environnement et la santé.

« Je pense que le ratifier les yeux fermés serait une lourde erreur«  a déclaré Mathieu Orphelin député LREM du Maine-et-Loire dans un communiqué. « Au gouvernement et à nous, parlementaires, de prendre des décisions ambitieuses pour corriger ces effets potentiels néfastes du Ceta, en appliquant les recommandations des experts« .

Réagissant aux conclusions de la commission d’évaluation, trois organisations – la FNH (ex-Fondation Hulot), l’Institut Veblen et Foodwatch – appellent le chef de l’État à « bloquer cette application provisoire et à renégocier l’accord ». Le CETA « est incompatible avec l’accord de Paris, il va entraîner une hausse des émissions de gaz à effet de serre« , écrivent-elles dans un communiqué commun, en référence à l’accord signé fin 2015 de lutte contre le réchauffement climatique.

A la lumière de son analyse, qui fait suite à la décision du Conseil constitutionnel du 31 juillet 2017 concluant à la conformité du CETA à la Constitution française, la commission identifie plusieurs points de vigilance associés à l’entrée en vigueur du CETA. Par conséquent, elle recommande au gouvernement de prendre un certain nombre de mesures pour s’assurer d’une mise en œuvre du CETA conforme à l’objectif d’assurer des niveaux élevés de protection de l’environnement et de la santé, et cohérente avec les objectifs de l’Accord de Paris. La commission propose aussi de premiers axes de travail pour améliorer la prise en compte de ces enjeux en amont dans les futures négociations commerciales et dans la coopération internationale.

Le Gouvernement a rappelé son attachement à un système commercial multilatéral ouvert et fondé sur des règles, ainsi qu’à la conclusion d’accords commerciaux ambitieux, mutuellement bénéfiques et fondés sur la réciprocité et sur le respect et la promotion des normes sociales, environnementales, de santé et de protection des consommateurs. Il présentera les enseignements qu’il tire des conclusions de la commission, ainsi que les principaux axes de son plan d’actions interministériel sur la base de ce rapport, à l’occasion du prochain comité de suivi national des dossiers de politique commerciale.

 

Les principaux enseignements du Rapport

Par lettre de mission du 5 juillet 2017 adressée, le Premier ministre a demandé à une commission   d’experts « d’apporter un éclairage objectif, scientifique et quantitatif quant à l’impact du CETA sur l’environnement, le climat et la santé, dans le cas d’une mise en œuvre de l’intégralité des dispositions de l’accord ». Rapport en lecture en fin d’article.

Pour ce faire, la commission a permis :

  • d’« évaluer l’effet du CETA sur les flux commerciaux des différents types de biens et services, en fonction de leur empreinte carbone, et les effets directs et indirects en résultant sur les émissions de gaz à effet de serre, sur la diffusion des technologies propres et sur les modes de production » ;
  • d’évaluer « les conséquences de la mise en œuvre de l’accord sur les normes environnementales et sanitaires de la France et de l’Union européenne, et sur la capacité des États à réguler dans le domaine de l’environnement et de la santé » ;
  • de « formuler des recommandations de mesures pour pallier les effets négatifs anticipés » ;
  • de proposer « un dispositif robuste et pérenne de suivi et d’évaluation des effets réels de cet accord sur l’environnement, le climat et la santé » ;
  • et de proposer « des éléments de méthode pour organiser une réflexion transversale sur la politique commerciale européenne, et notamment la prise en compte dans les accords commerciaux des enjeux de préservation de la planète et de protection de la santé ».

Compte tenu du temps très bref la commission s’est concentrée sur les quatre premiers points et n’ a pu traiter de manière approfondie la dimension prospective que le dernier point évoqué.

Elle propose néanmoins quelques pistes en conclusion.

 

Ce traité CETA intervient à la suite d’une très longue liste d’accords commerciaux signés par l’Union européenne. Négocié pendant de longues années avec un pays proche de nous sur de très nombreux aspects, il suscite des craintes et des interrogations dans la société civile.

Au niveau le plus général, la raison en est sans doute que les bénéfices à attendre des accords de libre- échange ont par le passé été surestimés par leurs promoteurs, tandis que les conséquences distributives en ont été minimisées et les externalités négatives tout simplement ignorées.

Or libéraliser le commerce n’est pas toujours facteur d’augmentation nette du bien-être global : celui-ci n’augmente que lorsque les gains économiques nets l’emportent sur les dommages provoqués par la libéralisation (les externalités négatives). En outre, les craintes exprimées évoquent la perte de souveraineté, l’affaiblissement des principes démocratiques et le dumping social qui seraient induits par ces accords de libre-échange. Ces craintes méritent un examen approfondi, dans la mesure où elles peuvent révéler un contenu imprécis ou contradictoire du texte lui-même ou de ses modalités d’application.

Les critiques du CETA se situent dans cette lignée. Elles ont été renforcées par une transparence insuffisante des négociations et le fait que la Commission européenne et le Canada ont été poussés par la société civile à amender le texte original sur plusieurs points importants et à produire un « instrument interprétatif » précisant les intentions des parties sur une série de questions controversées. Le produit final se veut ambitieux. La Commission européenne et le Canada ont fait un très gros effort pour produire un accord de nouvelle génération, un accord global (« compréhensive »).

Nouvelle génération signifie qu’on ne s’intéresse plus seulement à la baisse des droits de douane, qui sont déjà faibles en moyenne en dépit de « pics tarifaires » dans certains secteurs, ni même à celle des barrières non tarifaires, mais que l’accord inclut de nombreux autres éléments touchant à tous les aspects de la vie économique (l’investissement, les marchés publics, les télécommunications, le commerce électronique…) mais aussi à l’environnement et à la santé, afin de simplifier les échanges et resserrer les liens entre l’Union européenne et le Canada dans toutes leurs dimensions. Par ailleurs, la Commission européenne et le Canada ont pris soin d’aborder la question de certaines différences de préférences collectives entre les deux entités, et de reconnaître ces différences comme légitimes.

Une des implications de ceci est la reconnaissance explicite du droit des parties à réglementer pour poursuivre des objectifs légitimes de politique publique, tant que ces mesures ne constituent pas un moyen de discrimination arbitraire ou du protectionnisme déguisé. Le produit final est aussi très difficile à lire et à synthétiser, reflétant la complexité des mécanismes et institutions prévus dans l’accord. Le texte du traité à proprement parler est complété par trois protocoles et plusieurs annexes, servant à préciser le contenu de l’accord, à interpréter certaines dispositions, à limiter la portée d’autres dispositions ou encore contenant des exceptions propres à l’Union européenne et au Canada quant à certains de leurs engagements.

La combinaison de ces textes représente un ensemble de plus de 2300 pages. Auxquelles il faut ajouter l’Instrument interprétatif commun et 38 déclarations. L’Instrument interprétatif commun est une nouveauté, et il est particulièrement bienvenu puisqu’il s’attache à préciser simplement et clairement l’interprétation commune qu’ont l’Union européenne et le Canada de nombreux domaines faisant l’objet de critiques (le droit à réglementer, la coopération en matière de réglementation, la protection des investissements, la protection de l’environnement…).

Son existence améliore substantiellement la lisibilité de l’accord. Même si sa portée juridique peut soulever des questions, il devra être pris en compte par les juges devant régler un différend commercial entre les parties. Sur le plan des institutions, l’accord met en place une multiplicité d’instances diverses. Deux d’entre elles ont particulièrement retenu l’attention, l’instance de règlement des différends investisseurs-États (ICS, Investment Court System) et le Forum de coopération réglementaire (FCR), mais il y en a beaucoup d’autres (le comité mixte, une dizaine de comités spécialisés…). L

Le CETA est un accord dit vivant, c’est-à-dire qu’il a une dimension dynamique, évolutive. Comme pour tous les accords-cadres, son contenu sera précisé et complété par les institutions de coopération qu’il crée. Ce caractère « vivant » de l’accord évite de figer les relations entre l’Union européenne et le Canada au sein d’un monde qui évolue très vite, mais entraîne inévitablement des incertitudes et des risques quant à la façon dont les évolutions se feront. C’est pourquoi il est essentiel de veiller de manière attentive aux règles de fonctionnement dont se doteront les organes de coopération. La Commission a procédé à de nombreuses auditions de parties prenantes en un laps de temps très court, et pris connaissance des différents rapports et contributions de celles-ci. Les inquiétudes soulevées par les parties prenantes ont été examinées à l’aune des 2300 pages déjà mentionnées.

 

Les conclusions sur les questions posées directement par la lettre de mission sont les suivantes :

  • Le texte de l’accord rappelle à de multiples reprises que les normes environnementales et sanitaires existantes de la France et de l’Union européenne ne doivent pas être mises en danger par le CETA. La capacité des États à réglementer dans le domaine de 6 l’environnement et de la santé est préservée par principe. Les dispositifs actuels liés à l’application dans l’Union européenne du principe de précaution ne sont pas remis en cause. L’absence de citation explicite de ce terme dans le texte de l’accord crée cependant une incertitude sur l’éventualité de contestation par le Canada de dispositifs futurs.
  • En effet, il existe évidemment une tension entre le risque d’instrumentalisation protectionniste des politiques environnementales et sanitaires d’une part, et le risque que les intérêts privés ne remettent en cause les régulations publiques existantes et ne bloquent leur renforcement d’autre part. Ces risques n’ont rien de nouveau. Notamment l’intervention des intérêts privés dans la formulation des réglementations existe en l’absence du CETA. Mais il s’agit de savoir si le CETA aggrave ou non ce risque, en particulier à travers l’ICS et le FCR.
  • Au-delà de son importance géopolitique évidente, l’ICS n’est pas réellement utile dans les relations entre l’Union européenne et le Canada. La seule justification solide de son introduction est la volonté de l’Union européenne de traiter tous les partenaires commerciaux potentiels à égalité, et pour cela d’établir un cadre général pour les accords de libre-échange bilatéraux qu’elle va être amenée à négocier à l’avenir. L’ICS a pu également être justifié par l’absence de neutralité réelle ou supposée des tribunaux nationaux face aux investisseurs étrangers, mais l’argument peut être retourné dès lors que ce système introduit une dissymétrie de traitement entre entreprises nationales et entreprises étrangères. Enfin, il est à noter que le système dans sa forme actuelle n’a plus grand chose à voir avec l’arbitrage privé (nomination de juges permanents par les parties de l’accord et non du différend et possibilités d’appel).
  • Le FCR est un forum de discussion en vue de la diminution des différences de réglementations entre l’Union européenne et le Canada, sources de surcoûts et d’inefficacité. Quand ces différences sont techniques et qu’il s’agit d’harmoniser des méthodes de certification, d’évaluation de conformité ou des procédures de tests, l’existence de ce forum n’est pas critiquée. Mais dans les domaines de l’environnement et de la santé, les différences de réglementations reflètent des différences de préférences collectives nationales et non pas des inefficacités qu’il faudrait éliminer. L’accord précise plusieurs fois qu’il n’y aura pas d’interférences. En outre, la coopération est purement volontaire (même si le partenaire qui refuserait de discuter d’une harmonisation serait tenu d’en donner la justification).
  • Au total, il est très difficile d’apprécier les conséquences de l’ICS et du FCR sur le second risque cité plus haut. Le texte de l’accord semble donner toutes les garanties nécessaires, mais c’est dans le fonctionnement concret de l’ICS et du FCR que les risques existent. En ce qui concerne le FCR, pour éviter la « capture du régulateur », la solution est le soin apporté à la désignation de ses membres et en particulier à la vérification de l’absence de conflits d’intérêt, à la transparence des débats et des propositions qui y seront formulées. Pour éviter que le mécanisme de l’ICS ne pèse sur la capacité de réglementer des Parties contractantes il est impératif de ne laisser aucune ambigüité dans les normes que les tribunaux auront à appliquer.
  • En ce qui concerne l’agriculture, l’accord entraînera une augmentation globalement limitée des importations européennes de viandes de porc et de bœuf canadiennes, susceptible d’affecter négativement un secteur de l’élevage déjà affaibli dans l’Union européenne, même s’il est vrai qu’en contrepartie le secteur des produits laitiers transformés devrait 7 bénéficier de la reconnaissance de nombreuses appellations géographiques. Mais surtout, les conditions d’élevage diffèrent beaucoup entre l’Union européenne et le Canada. Si l’accord prévoit de créer au Canada une filière bovine spécifique garantie sans hormone destinée à l’exportation vers l’Union européenne et une filière porcine sans traitement à la ractopamine, il est muet sur les questions du bien-être animal, de l’alimentation animale (farines animales ou non ?) et de l’administration d’antibiotiques comme activateurs de croissance. En outre, si l’on considère que le CETA a valeur de modèle pour les accords régionaux futurs, il sera difficile de ne pas concéder aux nouveaux partenaires des contingents d’importation de viande plus élevés que ceux qui existent actuellement, ce qui pourra changer notablement l’échelle des problèmes. Le risque est que le CETA ne fournisse pas des conditions favorables aux objectifs de la transition écologique de l’agriculture (maintien de la place des prairies et de l’association polyculture-élevage notamment), en particulier dans le secteur de l’élevage bovin allaitant, déjà en difficulté depuis de nombreuses années.
  • La question des biotechnologies nécessite une vigilance particulière, notamment en ce qui concerne les nouvelles techniques de génie génétique qui pourraient être assimilées à la transgénèse et entrer ainsi dans le champ couvert par la réglementation OGM en Europe, alors que le Canada a déjà décidé qu’elles ne relevaient pas de cette réglementation.
  • Les chapitres de l’accord concernant l’environnement ont le mérite d’exister, mais ils ne contiennent aucun engagement contraignant, et ne font que réaffirmer l’attachement des partenaires à l’environnement et au développement durable. On peut regretter sur ce point le manque d’ambition de l’accord. Il ne s’agit pas ici de risques introduits par l’accord, mais plutôt d’opportunités manquées. Par exemple, il n’est pas fait mention d’engagements à diminuer les subventions dommageables à l’environnement, en particulier les subventions aux énergies fossiles et à la pêche. Ce manque est dommageable pour l’avenir : le CETA se voulant un modèle pour les accords futurs, il risque d’être compliqué de s’accorder sur ce type de mesure avec d’autres partenaires.
  • Le grand absent de l’accord est le climat. Ceci s’explique par les circonstances politiques propres au Canada au moment de la négociation de l’accord, et le calendrier par rapport à l’Accord de Paris.

Le manque est patent dans trois dimensions :

(1) la dimension purement commerciale (rien n’est prévu pour limiter le commerce des énergies fossiles et la hausse des émissions de CO2 du transport international maritime et aérien induite par l’augmentation des flux de commerce),

(2) la dimension investissement (rien n’est prévu pour inciter à la mise au point et l’adoption de technologies moins émettrices de carbone, pas de clause d’exclusion pour les mesures relatives à la lutte contre le changement climatique dans l’ICS),

(3) la dimension de la politique économique (rien sur la convergence des instruments de lutte contre le changement climatique).

 

Sur la base de ce constat, sans préjuger de la décision de ratifier ou non le CETA et au-delà de ce qui peut être décidé au niveau des politiques nationales et européennes sur ces sujets, en particulier dans le domaine de l’agriculture, la commission formule les recommandations suivantes :

1) Assurer en continu la transparence, notamment vis-à-vis de la société civile, et l’équilibre des instances de coopération réglementaire Le fonctionnement du Forum de coopération réglementaire doit être totalement transparent, ce qui inclut notamment la publication obligatoire ex-ante de l’agenda, des comptes rendus des propos et des conclusions, et des avis et des prises de position des différentes autorités sur les projets de réglementations dans des délais suffisamment brefs pour permettre des réactions opérationnelles. Par ailleurs il est important d’assurer une représentation équilibrée des différentes composantes de la société civile (entreprises, collectivités locales, ONG) au sein de l’ensemble des instances prévues par l’accord.

2) Mettre en place un comité de suivi La commission recommande la mise en place au niveau national d’un comité chargé du suivi de l’application du CETA, qui pourra être sollicité pour évaluer l’impact sanitaire et environnemental de futurs accords de libre-échange et qui pilotera une veille sur les sujets sensibles tels que les nouvelles techniques d’obtention de variétés génétiquement modifiées et l’évolution de la réglementation en matière de produits phytosanitaires (par exemple, la classification des perturbateurs endocriniens). Ce comité pourrait être composé d’experts scientifiques garantissant une approche multidisciplinaire.

3) Compléter l’instrument de ratification.

S’il est décidé de ratifier le traité, la commission recommande que la France complète le dépôt de l’instrument de ratification par l’adoption d’une déclaration interprétative précisant le sens qu’elle entend donner aux dispositions ou mécanismes dont la portée, dans les domaines sanitaire et environnemental, n’est pas suffisamment claire dans l’accord.

4) Instaurer un étiquetage informant sur les modes de production des produits d’origine animale.

Au-delà du système dérogatoire « Né, élevé, abattu », il est nécessaire de mettre en place un système d’information pour le consommateur sur les modes de production (utilisation d’antibiotiques et activateurs de croissance, bien-être animal, environnement, caractère transgénique). Cela permettrait d’éviter que les règles adoptées puissent être attaquées au nom du principe de non-discrimination.

5) Renforcer les contrôles et les procédures de certification en matière animale et végétale.

En matière animale, la commission préconise le renforcement des contrôles et des analyses (recherche d’hormones et de ractopamine) sur les viandes canadiennes à leur arrivée dans les postes d’inspection frontaliers européens. La commission recommande la réalisation dans les meilleurs délais d’une mission de l’OAV au Canada pour s’assurer de l’efficacité des programmes de certification « sans hormones » et « sans ractopamine » et pour obtenir des 9 garanties sur les moyens mobilisés afin de répondre à l’augmentation substantielle des flux concernés. En matière végétale, une mission de l’OAV s’impose afin de vérifier le respect des dérogations accordées au Canada pour l’importation dans l’UE de plusieurs espèces de bois.

6) Insister dans les négociations futures sur la nécessaire réciprocité.

La commission estime nécessaire que la Commission européenne adopte une attitude plus équilibrée dans les négociations du volet agricole des accords de libre-échange ; elle traite en effet actuellement par deux canaux distincts les demandes d’ouverture sanitaire de marchés faites par les pays tiers et les barrières sanitaires à lever dans les pays tiers. Au titre de la réciprocité, une amélioration de la coordination européenne permettrait de mieux prendre en compte les barrières sanitaires mises en place par les pays tiers avant d’autoriser les produits agricoles et agroalimentaires issus de ces pays à accéder au marché européen. Sur la base des conclusions du Conseil européen du 21 octobre 2016 indiquant que « les intérêts commerciaux de l’UE supposent notamment d’assurer pleinement la défense et la promotion des normes sociales et environnementales et des normes dont bénéficient les consommateurs », des mesures-miroirs doivent être introduites dans les réglementations européennes afin d’éviter les distorsions induites par les accords de libre-échange.

7) Introduire un « veto » climatique sur la protection des investissements.

Pour les recours qui pourraient être engagés par un investisseur étranger au sujet d’une mesure de lutte contre le changement climatique, la commission recommande d’introduire dans le traité CETA un mécanisme permettant aux Parties contractantes de déterminer, à la place du tribunal de l’ICS, si une telle mesure est conforme au traité. Si les parties contractantes adoptent une décision de compatibilité, le recours de l’investisseur est rejeté. En pratique, un tel mécanisme de « veto » permettra aux Parties contractantes de faire en sorte que leurs politiques climatiques ne soient pas entravées par les procédures du chapitre sur l’investissement.

8) Compenser les effets négatifs directs du CETA sur le climat par l’introduction éventuelle de dispositifs complémentaires dans le CETA ou par un accord bilatéral spécifique entre l’UE et le Canada. Au cas où il ne serait pas jugé possible de rouvrir une discussion sur le texte de l’accord, la commission recommande de négocier et de conclure, en parallèle de la finalisation du CETA, un accord climatique entre l’UE et le Canada prévoyant notamment la neutralité du CETA en matière de gaz à effet de serre, l’interconnexion des marchés carbone et une taxation spécifique du transport maritime. Il est souhaitable que le Canada et l’Union Européenne promeuvent ensemble un prix mondial du carbone à travers des actions communes comme les deux parties s’y sont engagées.

9) Inciter à la limitation de l’extraction des pétroles issus de schistes bitumineux.

Au niveau bilatéral, la commission recommande de mettre prioritairement à l’ordre du jour du Forum de coopération réglementaire la question des pétroles non conventionnels, y compris l’étude des modalités visant à en interdire ou à en limiter l’usage au sein des États membres qui le souhaiteraient et la règlementation des investissements visant à l’exploration et l’exploitation de ces ressources fossiles. Au niveau unilatéral, l’Union européenne devrait prévoir une révision de la Directive sur la qualité des carburants prenant pleinement en compte une différenciation des produits en fonction de la réalité des gaz à effets de serre émis.

10) Orientations pour les futurs accords.

S’il est souhaité que les futurs accords commerciaux bilatéraux négociés par l’Union européenne soient réellement globaux, il est indispensable que soient pris en compte, outre les aspects commerciaux traditionnels et les aspects nouveaux sur lesquels le CETA constitue une avancée, les aspects environnementaux en général et climatiques en particulier sur lesquels le CETA est décevant ou franchement absent. Cela peut se faire soit dans l’accord commercial lui-même, soit dans le cadre d’accords bilatéraux dédiés signés simultanément. En outre, les accords de nouvelle génération se doivent d’intégrer les attentes sociétales en matière d’environnement, de santé et de bien-être animal. Le rôle central de l’agriculture dans la gestion des milieux et la production de biomasse la place au cœur de ces attentes : il est indispensable que les futurs accords prennent en compte les objectifs d’un développement agricole durable. Enfin, bien qu’une certaine confidentialité dans les négociations puisse être légitime s’agissant des aspects purement commerciaux, une totale transparence vis-à-vis de la société civile s’impose lorsqu’il s’agit de mesures touchant aux enjeux environnementaux et sanitaires.

 

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