Avis du Haut Conseil des finances publiques : Éric Alauzet : «La question du solde structurel concentre l’attention mais s’apparente à un arbre cachant la forêt ».
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Avant la présentation par le gouvernement du projet de loi de finances 2016, la commission des finances a auditionné Didier Migaud, président du Haut Conseil des finances publiques, sur l’avis du Haut Conseil relatif aux projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016.
C’est la troisième fois que le Haut Conseil des finances publiques est appelé, en application de l’article 14 de la loi organique du 17 décembre 2012, à se prononcer sur les prévisions macro-économiques à partir desquelles sont bâtis les textes financiers et sur la cohérence de ces derniers avec les orientations pluriannuelles de solde structurel.
Principaux avis :
Scénario macroéconomique
Si les facteurs favorables à un redressement de l’activité (notamment la baisse du prix du pétrole, celle de l’euro et un policy-mix plus accommodant en zone euro) sont toujours présents, les inquiétudes se sont accentuées cet été concernant les économies émergentes. Les prévisions de croissance pour la zone euro ont été revues à la baisse, même si les enquêtes de conjoncture restent bien orientées.
Dans ce contexte, au vu d’un acquis de croissance à la fin du premier semestre aujourd’hui estimé à 0,9 %, le Haut Conseil considère que la prévision de croissance du Gouvernement de 1,0 % en 2015 devrait se réaliser.
Compte tenu de l’accroissement des incertitudes depuis l’été, le Haut Conseil considère que l’hypothèse d’une croissance de 1,5 % en 2016 ne peut plus être qualifiée de « prudente », comme elle l’avait été en avril dernier. Il estime toutefois que, soutenue par la demande interne et européenne, elle demeure atteignable.
Pour l’année 2015, l’hypothèse d’une hausse des prix de 0,1 % en moyenne annuelle est réaliste. En 2016, le Haut Conseil estime que la hausse des prix pourrait être inférieure à l’hypothèse de 1,0 % retenue par le Gouvernement. Une inflation plus faible aurait une incidence positive sur le pouvoir d’achat des ménages mais rendrait la réduction du déficit public plus difficile.
Le Haut Conseil estime que les prévisions d’emploi pour 2015 et 2016 sont cohérentes avec les hypothèses de croissance. La prévision de masse salariale pour 2015 a été révisée à juste titre. En revanche, le Haut Conseil considère que la progression de la masse salariale pourrait être moindre que ne le prévoit le Gouvernement en 2016, ce qui aurait un impact négatif sur les recettes de cotisations sociales.
Scénario de finances publiques
Pour 2016, le Gouvernement a révisé à la hausse son estimation de la croissance potentielle (1,5 % contre 1,3 % dans la loi de programmation). Cette révision conduit à un niveau de solde structurel de -1,2 % du PIB en 2016 et à un ajustement structurel de 0,5 point de PIB.
Avec la croissance potentielle de la loi de programmation, le solde structurel serait de -1,3 % du PIB et l’ajustement structurel de 0,4 point de PIB en 2016.
Même si la loi organique du 17 décembre 2012 ouvre cette possibilité, le Haut Conseil réitère sa réserve de principe, déjà formulée en avril, sur cette révision des hypothèses de croissance potentielle de la loi de programmation. Une révision en dehors de ce cadre ne permet pas de suivre convenablement l’évolution de la composante structurelle du déficit et nuit à la lisibilité de la politique budgétaire. Pour un même niveau de déficit nominal, une hypothèse de croissance potentielle plus élevée conduit à une estimation moindre du déficit structurel.
Le Haut Conseil constate qu’en tout état de cause, la trajectoire de solde structurel est en avance sur les objectifs de la loi de programmation. Avec les hypothèses de calcul de la loi de programmation, le déficit structurel visé dans le projet de loi de finances est inférieur en 2016 de 0,5 point à celui prévu dans cette loi.
Par ailleurs, le Haut Conseil rappelle que les cessions de licences 4G devraient être traitées comme des mesures ponctuelles et temporaires dans le calcul du solde structurel.
Le Haut Conseil considère que l’objectif d’amélioration du solde structurel en 2015 devrait être atteint sous réserve de poursuivre une gestion stricte des dépenses. Il en serait de même pour le solde effectif, dont la réduction resterait toutfois modeste.
En 2016, les finances publiques devraient bénéficier de la reprise modérée de la croissance, mais des risques significatifs pèsent sur la réalisation de l’objectif de ralentissement de la dépense en volume, particulièrement ambitieux au regard de sa trajectoire passée. Si cet objectif de dépense n’était pas tenu, le solde structurel serait dégradé par rapport au niveau prévu.
Intervention d’Éric Alauzet
Éric Alauzet est intervenu : « Comme l’indique le Haut Conseil, la réduction du déficit public est conforme à la trajectoire prévue, et même légèrement en avance. C’est une première depuis plusieurs années – en dépit du contexte de baisse des impôts, et donc des recettes – qui est le résultat non seulement du respect des objectifs de baisse de la dépense publique, mais aussi du caractère moins fantaisiste qu’auparavant des annonces de croissance ».
« Le problème n’est-il donc pas plutôt lié au solde conjoncturel ? La question du solde structurel concentre l’attention mais s’apparente à un arbre cachant la forêt. Rien n’indique en effet que la croissance va rebondir davantage ; au contraire, nombreux sont les experts qui estiment qu’elle demeurera plafonnée autour de 1 % à moyen et à long terme. Le Haut Conseil ne pense-t-il donc pas qu’il faut désormais s’interroger sur la pertinence de ce débat figé entre solde structurel et solde conjoncturel ? Je le dis d’autant plus que l’on ne tire pas toujours pleinement parti du retour de la croissance – je pense à l’évasion fiscale et à d’autres types de fuite. Ne faut-il donc pas revoir la doctrine ? ».
Compte – rendu de la réunion : http://www.assemblee-nationale.fr/14/cr-cfiab/14-15/c1415108.asp
Avis du Haut Conseil des finances publiques :