L’urgence d’un « Information Act » à la française
Le récent arrêt de la cour d’appel de Versailles, ordonnant à deux titres –Le Point et Mediapart- de supprimer toute citation des « enregistrements Bettencourt » apparaît comme une régression grave de la liberté d’informer. C’est pourquoi plusieurs médias français et étrangers, des syndicats de journalistes, des associations, des responsables politiques et des personnalités ont décidé de lancer un appel rendu public ce jeudi.
Eric Alauzet, député EELV du Doubs, a signé cet appel.
Les députés EELV avaient d’ailleurs réagi dès le 4 juillet – Communiqué ci –dessous.
Pour signer l’appel :
Appel « Nous avons le droit de savoir »
Nous avons le droit de savoir
La liberté de l’information n’est pas un privilège des journalistes mais un droit des citoyens. Dans une démocratie vivante, le pouvoir du peuple souverain suppose le savoir d’un public informé. Etre libre dans ses choix et autonome dans ses décisions nécessite de connaître ce qui est d’intérêt public, c’est-à-dire tout ce qui détermine et conditionne nos vies en société.
S’agissant des affaires publiques, la publicité doit donc être la règle et le secret l’exception. Rendre public ce qui est d’intérêt public est toujours légitime, notamment quand le secret protège indûment des injustices et des délits, des atteintes au bien collectif ou aux droits humains. Ainsi la sécurité des Etats ne saurait empêcher la révélation de violations des libertés individuelles, pas plus que la sauvegarde de l’intimité de la vie privée, impératif par ailleurs légitime, ne saurait être l’alibi d’infractions aux lois communes.
C’est pourquoi il importe de défendre les journalistes professionnels, les sources d’information et les lanceurs d’alerte ayant permis la révélation de faits d’intérêt général qui, sans leur travail et leur audace, seraient restés inconnus du public. Les soutenir, c’est protéger et étendre un droit de savoir universel, garantie d’un renforcement de la démocratie mondiale à l’heure de la révolution numérique.
Pour toutes ces raisons, nous nous disons solidaires de Mediapart après la récente condamnation lui imposant de censurer, trois ans après leur révélation, ses informations sur le scandale Bettencourt. En signe de protestation, nous faisons désormais nôtres toutes ces informations. Et nous encourageons les médias, les associations, les élus, les citoyens à les reprendre immédiatement et à les diffuser par tous les moyens démocratiques en leur possession.
Premiers signataires
Hebdomadaires. Charlie Hebdo, L’Express, Les Inrockuptibles, Marianne, Le Nouvel Observateur, Politis.
Quotidiens. Le Courrier (Suisse), L’Humanité, Libération, Le Soir (Belgique).
Sites d’information. Aqui! Presse, Aqui.fr, Arrêt sur images, ArteRadio, Basta !, Le Courrier des Balkans, Edito+Klartext (Suisse), Electron Libre, Factuel.info, Infolibre (Espagne), lexpress.fr, Marsactu, Mediapart, Reflets, Rue89, Le Télescope d’Amiens.
Radio. Radio Nova.
Mensuels et trimestriels. Causette, Lyon Capitale, Mensuel Le Ravi, Polka Magazine, Regards, Terra Eco.
Associations et syndicats. Association Anticor, Association de la presse judiciaire, Attac, Collectif national pour les droits des femmes (CNDF), Coordination des associations pour le droit à l’avortement et à la contraception (Cadac), Déclaration de Berne (association pour un développement solidaire, Lausanne, Suisse), Ligue des droits de l’Homme, The National Union of Journalists (branche française), La Quadrature du Net, Syndicat de la magistrature, Syndicat national des journalistes (SNJ), Syndicat national des journalistes SNJ CGT, SNESUP-FSU Alsace, Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne (Spiil), Reporters sans frontières.
Communiqué de Presse
Paris, le 4 juillet 2013
La condamnation de MEDIAPART illustre l’urgence d’un Information Act à la française
Il n’appartient pas aux parlementaires de porter un jugement d’opportunité sur la décision de la Cour d’appel de Versailles qui condamne lourdement MEDIAPART dans l’affaire Bettencourt.
Mais il appartient aux élus de constater les conséquences de l’application des lois existantes, et de faire évoluer la législation lorsqu’elle n’est plus adaptée aux évolutions technologiques.
Pour un journal en ligne, les conséquences des injonctions de retrait du site de toute publication in extenso ou en partie des enregistrements contestés sont réellement dramatiques.
Les délais techniques imposés et les sanctions économiques mettent, de facto, en danger la survie d’un organe de presse devenu incontournable en matière de journalisme d’investigation.
Au-delà même de cette inadaptation évidente de la législation aux réalités de la presse électronique, se pose la question de la protection des journalistes, et de la nécessaire protection de leur action : qui peut nier que la publication d’enregistrements téléphoniques a joué un rôle essentiel dans la manifestation de la vérité dans la récente affaire Cahuzac, et dans l’ouverture de procédures judiciaires ?
Plus que jamais, une réflexion et une action forte s’imposent afin de faire adopter un Information Act à la Française qui permette de concilier protection de la vie privée et garantie des conditions d’exercice d’un journalisme d’investigation, principes indispensables à toute vie démocratique.
Les député-e-s écologistes expriment leur soutien à l’ensemble de la rédaction de Médiapart, et appellent leurs collègues du gouvernement et de la majorité à se saisir de ces questions. Elles et ils prendront dans les prochaines semaines des initiatives en ce sens, au besoin par le dépôt de propositions de lois.