14 novembre 2014

Assemblée plénière du 13 novembre 2014


Intervention de Marc BORNECK
Vers quel pays, quelle société nous dirigeons nous ?

Madame la Présidente, chers collègues,

Vers quel pays, vers quelle société nous dirigeons nous ?

A Sivens, il y a quelques semaines, les politiques, devrais-je dire les politiciens n’ont pas voulu choisir la voie du dialogue, ils ont voulu se montrer forts aux yeux des Français, et cela est passé par des démonstrations de violences contre des militants majoritairement pacifistes.
Ils ont été harcelés, frappés, leurs effets personnels brulés, ils ont été délogés sans autorisation judiciaire, puis il a été fait usage de Flash balls, de grenades fumigènes. Et comme ils ne partaient toujours pas, on a fait lancer des grenades contenant des explosifs, en les jetant sans sommations, sans respecter les règles élémentaires d’usage de ces grenades, en l’air directement sur les manifestants, ou même dans des lieux clos, comme dans une caravane occupée.
Ceux-ci ont été blessés, alors qu'ils tentaient simplement de sauver notre patrimoine naturel, eux qui ont conscience que nous le surexploitons, à force de vouloir produire et gagner toujours plus.

Et puis un jeune botaniste Rémi Fraisse est mort.
Le barrage prévu devait permettre à une vingtaine d’agriculteurs de produire plus de maïs.
Combien de Rémi Fraisse devront mourir pour que des agriculteurs essaient de survivre dans un modèle agricole à bout de souffle ? Cette année le cours du maïs a perdu un tiers de sa valeur. Alors, évidemment, il faut en produire plus pour compenser. Sauf que ce cercle vicieux il a commencé depuis longtemps, et il ne s’arrêtera pas en produisant toujours plus.

Ce qui a tué Rémi, c’est la violence Etatique ! Un Etat gouverné par des hommes dont la boussole n’est orientée que vers la prochaine échéance électorale. Des hommes motivés par leur stratégie de communication, et qui en ont oublié que l’Etat, dont ils sont les représentants, n’était finalement qu’une simple fiction destinée en premier lieu à protéger ceux qui avaient accepté de se soumettre à sa violence légitime.
Mais lorsque la violence n’est plus légitime, lorsque l’on utilise des armes de guerre non pas contre un autre Etat belligérant mais contre sa propre population, lorsque l’Etat tue ceux qu’il est sensé protéger, alors la question de l’Etat, de son fonctionnement, de ses intérêts et de ses représentants, doit inéluctablement être posée.

A Sivens, l’action publique s’apprêtait à prendre en charge un budget de 8,5 millions d’euros, soit une aide indirecte de 425 000 € par agriculteur ! Vous trouvez ça normal, vous qui avez ici en Franche Comté aidé de 8 € certains agriculteurs lorsqu’il a fallu pour la sécheresse de 2011, leur payer de la paille ?
D’ailleurs nonobstant la hauteur des subventions ne faut-il pas remettre en cause les financements aux agriculteurs ? D’un point de vue européen, ils contestent d’être obligés de rendre des comptes en échange des subventions, supprimons les subventions, ils n’auront pas de compte à rendre !
Je viens de dire : « ils contestent », non ils cassent, ils saccagent, ils dévastent, ils détruisent, poussant l’ignominie jusqu’à peindre en rose des ragondins et les écraser avec leur tracteurs.
Deux poids, deux mesures. Nous l’avons vu ici en Franche-Comté, malgré tous les dégâts occasionnés par les agriculteurs la semaine dernière, pas un petit doigt de bougé par quiconque. Pourquoi l'Etat envoie des grenades offensives sur les manifestants de Sivens et reste totalement passif devant les émeutes des agriculteurs qui pillent, saccagent et brulent des bâtiments publics. Ou est l'équité de l'Etat ?
Suite à la violence de certains propos d’agriculteurs à Dole « Ecolo terroristes économiques », « Ecolo assassins », nous sommes surpris de l’incompréhension de certains agriculteurs sur nos motivations et prises de position.
Nous, élus écologistes, avons toujours soutenu les agriculteurs pour leur adaptation à un modèle agricole durable pouvant améliorer leurs conditions et niveau de vie et préserver leur outil de travail notamment en défendant leurs terres agricoles face à de grands projets d’infrastructures. Eh oui, nous ne défendons pas que les zones humides !
Quand nous défendons les circuits courts ce n’est pas seulement pour réduire les distances de transport des marchandises et les gaz à effet de serre, mais c’est aussi pour améliorer le niveau de vie des producteurs avec des salaires décents et renforcer la rentabilité des exploitations agricoles. Qui alertent les pouvoirs publics de la surconsommation d’espace préjudiciable à la pratique agricole ? Qui se bat depuis des décennies pour les circuits courts et la consommation locale ? Qui se bat pour l’autonomie protéique de nos agriculteurs ? Qui, si ce ne sont les écologistes ? Et si nous soutenons plus particulièrement l’agriculture biologique, c’est parce que celle-ci ne pollue pas, que par là même, elle est un gage d’une meilleure santé humaine, moins de cancers, moins de perte de biodiversité et je pense là particulièrement aux abeilles.

Nous sommes écœurés des actions que certains agriculteurs de la FNSEA ont menées la semaine dernière. Ces actes de violence ne les aideront pas à trouver des solutions alternatives au système qui les étouffe et les empoisonne ni à permettre aux collectivités de les soutenir dans cette démarche.
Et parce que nous sommes aujourd’hui en débat d’orientation budgétaire, nous vous proposons, de tenir à disposition des collectivités qui ont subit d’énormes dégradations (Vesoul, Dole …), les sommes destinées à la FRSEA et aux JA , et en conséquence de ne pas leur attribuer. En effet, si l'Etat envoie des grenades offensives sur les manifestants de Sivens et reste totalement passif devant les émeutes des agriculteurs qui pillent, saccagent et brûlent des bâtiments publics, il faut bien que les collectivités locales se soutiennent pour financer les réparations des dégâts. Ce sont donc à nous, élus locaux, de rappeler aux agriculteurs qu’il y a des conséquences à de tels actes de violence et de dégradations.

Dans ces orientations budgétaires, il est clairement établi que nous continuons nos efforts en direction de la transition énergétique, en direction des lycées comme des bâtiments d’avenir, de la formation tout au long de la vie et bien entendu du transport ferroviaire. Nous sommes par contre plus circonspects sur des baisses budgétaires de certaines de nos politiques comme l’environnement dont on sait tous que des efforts en la matière sont réclamés par nos concitoyens et sont vitales. Si la compétence économique venait à être confiée totalement aux Régions, notre maturité en la matière devrait nous être utile et nous permettre de renforcer notre efficacité vers toute forme d’entreprise et plus particulièrement dans le domaine de l’économie sociale et solidaire et de l’économie circulaire.
Par contre, nous continuerons à mettre au débat les hausses budgétaires des filières agricoles, des routes ou d’un éventuel Center Parc, fut-il d’envergure financière inter-régionale.
A cet instant je laisse à mes collègues le soin d’entrer dans le détail de nos souhaits et propositions, y compris sur un projet de Contrat de Plan Etat Région qui pour nous ne peut être avalisé en l’état.

Depuis plusieurs années, nous intervenons sur le seul levier fiscal de la région, la taxe sur les cartes grises. La semaine dernière, le Cese nous a rejoints en évoquant la nécessité d’un débat sur la fiscalité régionale et l’augmentation du tarif régional de la taxe sur les cartes grises.
En effet, cette augmentation pourrait donner une marge de manœuvre nécessaire à la recherche de l’équilibre budgétaire 2015 (un tarif majoré de 1€ représenterait 1M€ de recettes supplémentaires). Pour les acquéreurs de véhicule, cette hausse est modérée si elle est ramenée au coût global d’achat d’un véhicule neuf ou d’occasion. Par exemple, une augmentation de 5€ par cheval fiscal représenterait 25 € pour une citadine de 5 CV, avouez que sur un budget de 8 à 12000 € cela reste acceptable. De plus, la fusion des 2 Régions impliquera de lisser le tarif de cette taxe, qui est de 36 €/CV en Franche-Comté contre 51 € en Bourgogne.

Il était important d’évoquer ce levier fiscal, car nous savons que les orientations prises aujourd’hui seront déterminantes pour le budget 2015. Nous savons que cet exercice sera difficile pour les raisons évoquées, et nous avons le devoir d’apporter des solutions pour améliorer notre contexte budgétaire avant de faire des choix décisifs qui nous conduiraient à la suppression de certaines politiques.

Il nous semble que dans ce contexte général, les élus doivent faire preuve de lucidité bien entendu, mais aussi de clairvoyance par rapport à un avenir plutôt sombre pour leurs concitoyens. Ne nous faites pas le procès d’oiseaux de mauvais augure, il importe aujourd’hui d’être conscients que certains modèles économiques sont à bout de souffle, ils ont eu leurs heures de gloire pendant les trente glorieuses mais aujourd’hui ils sont obsolètes, et nous élus devrons, devons, en expérimenter d’autres. C’est le sens du travail des élus écologistes dans cette collectivité.

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