Intervention de Chantal Rebout co-écrite avec Sandra Renda Monsieur le président, chers collègues, nous nous félicitons de la détermination de notre assemblée d’avoir signé la charte Européenne pour l’Égalité entre les Femmes et les Hommes dans la vie locale et d’en être à ce jour au plan d’actions. Les Régions à la différence des Départements, sont plutôt de bons élèves en matière de parité, du fait du scrutin de liste. A l’approche d’élections cantonales, il n’est pas inintéressant de rappeler qu’on ne compte que 12,3 % de femmes dans les Conseils généraux. 35 Conseils généraux comptent moins de 3 femmes... dont 3 n’en comptent tout simplement aucune. Si l’égalité entre les femmes et les hommes est un principe désormais largement reconnu, la réalité est souvent beaucoup plus à l'avantage des uns. Le rapport présenté ce jour nous incite à attirer votre attention sur bien des aspects de cette inégalité ! Dans le monde des activités visibles, pour faire référence au rapport d'octobre 2010 du CESER, le monde des entreprises et celui de la politique par exemple, les femmes doivent montrer au moins deux fois plus de compétence, de sérieux que leurs collègues hommes. Dans cet ordre d'idée, il nous a paru indispensable de mener à deux voix cette intervention. En effet, trop d'inégalités persistent et nous ne sommes pas trop de deux pour affirmer que.... les hommes ont les mêmes droits que nous, il est vrai que cela devient vraiment une priorité pour eux. A diplôme égal et ancienneté égale, leur salaire reste supérieur au nôtre de 24%, il y a encore 88% d’hommes députés, 87% d’hommes sénateurs, 90% d’hommes maires et nous vous proposons de deviner le nombre d’hommes Présidents de Région ? Il faut s’indigner d’une telle situation et mettre en place un véritable plan d’actions ! Le territoire régional est certainement un bon niveau d’action. Les Conseils Régionaux n’ont certes pas la possibilité de légiférer, mais ont toute latitude pour mettre en place des actions volontaires de lutte contre les inégalités, d’imaginer et d’expérimenter de nouvelles pratiques, en direction des entreprises ou des organismes de formations, d’influer avec sans doute plus d’efficacité que les lois ne peuvent le faire. La prise en compte de l’égalité dans la politique territoriale c’est aujourd’hui un changement culturel. Par exemple, remettons en cause le quasi monopole féminin du temps de travail partiel, subi, puisque nous savons que 80% des femmes occupent ces emplois contre seulement 20% d’hommes.. De même et conformément aux engagements de la charte précitée, partageons la possibilité de s'occuper des enfants et des parents, et faisons en sorte que cette indéniable pré carré des femmes soit empiété par les hommes. De même, nous regrettons que les hommes partent plus tôt à la retraite que les femmes qui ont eu des carrières interrompues, des rémunérations moindres. Nous y voyons une injustice supplémentaire et une inéquité de traitement à leur égard. Dès lors, comment s'étonner qu'ils investissent plus que nous le champ politique ? Contraints qu'ils y sont par le temps libre qui leur est dévolu ! Or, nous souhaiterions sincèrement partager équitablement avec eux ces lourdes responsabilités d'élus. Oui, nous souhaiterions que tout cela soit une réalité partagée et non pas seulement la réalité vécue par une moitié de l'humanité. En tant que femmes politiques, nous savons que beaucoup reste à faire, en tant que femmes politiques, nous sommes touchées d'entendre nos collègues masculins s'émouvoir du sort de la parité, car nous savons encore mieux qu'eux la menace que représente 2014... En effet, en 2014 le mode de scrutin change pour un scrutin uninominal. Cela va encore désavantager les hommes qui vont se retrouver en position dominante. Nous avons fait quelques projections : en prenant en compte les proportions de femmes et d’hommes élus dans les conseils régionaux et généraux, les 80% de sièges pourvus au scrutin uninominal permettraient l’élection de 9,8% de femmes élues pour 70,2% d’hommes. Dans le même temps, les 20% soumis au scrutin de liste permettraient l’élection de 9,5% de femmes pour 10,5% d’hommes. En somme, ce projet, qui conduirait mathématiquement à augmenter la part des hommes élus, peut se révéler anticonstitutionnel au regard de l’article 1er de la Constitution. C’est une discrimination indirecte et nous devrions saisir le Conseil Constitutionnel, où ne siège plus qu’une seule femme, Jacqueline Guillenschmidt, pour que la loi soit censurée. Ne pas permettre aux femmes d'accéder aux responsabilités, c'est le premier pas du divorce pour faute entre le peuple et ses élus. Dans un monde, où pour revendiquer des droits, on crée des cases de "minorité visibles"… pour appliquer des quotas, nous ne nous résignons pas à être une minorité. Faut-il que la présence féminine au sein de nos assemblées (conseils municipaux ou autres) se réduise au seul buste triomphant de notre Marianne nationale. De même, faut-il qu'une journée soit celle des femmes, et en déduire que les 364 autres sont celles des hommes ? Nous ne nous résignons pas à rejoindre la discrète cohorte des femmes aux activités invisibles, thème dont le CESER s'est emparé. Si nous voulons travailler à la reconnaissance du réel travail de toutes celles là, nous devons occuper dans toutes les instances politiques les places qui nous reviennent. Il est louable de prévoir des sanctions financières pour les entreprises qui n’auront pas mis en place des mesures pour l’égalité salariale. Mais ne faudrait-il pas commencer par appliquer les textes qui existent ? Deux grandes lois ont été votées au cours des vingt dernières années, en 1983 (Loi Roudy) et en 2001 (Loi Génisson). La « partition » existe donc, mais le pouvoir politique a toujours eu la main molle pour la mettre en musique. Une même hypocrisie a fait voter aux parlementaires une loi sur la parité aux élections, alors que des partis politiques préfèrent payer des amendes que de présenter autant de candidates que de candidats. Ainsi, la France est l’un des pays les plus en retard dans le monde occidental pour la représentation des femmes au Parlement. Le pouvoir ne diffère pas, en théorie, selon qu’il est exercé par un homme ou par une femme. Ce sont des constructions sociales données qui confèrent de soi-disantes spécificités masculines ou féminines. Une personne s'engageant en politique ne doit plus être considérée comme une femme (ou un homme), mais réellement comme une personnalité politique. Une société ne peut pas progresser si tous les espaces de réflexion et de décision sont occupés par les mêmes, y compris au sein de nos assemblées. Le cumul des mandats et l’absence de limitation dans le temps de leurs renouvellements sont des facteurs empêchant une diversification du personnel politique et socioprofessionnel. La question de la limite des mandats va de pair avec celle de la construction ou de l'amélioration du statut des élus politiques, mais aussi syndicaux et associatifs. Les passerelles entre différents types d’engagements sont nombreuses. Les secteurs associatifs et syndicaux peuvent constituer des viviers de personnes compétentes pour la politique - qui aurait intérêt à s’enrichir de profils variés, tous milieux sociaux confondus. Je remercie le travail effectué par le CESER même si les femmes ne représentent que 17,9% des 95 membres…et dont seulement 2 femmes sont membres du bureau sur les 30 qui le composent. Mais le CESER saura certainement tirer lui-même les enseignements de ce rapport en élisant en juin prochain une Présidente pour succéder à Monsieur Beulin ! ...