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Partenariat public-privé / Contrat de Performance Énergétique

Portrait Jean Delavergne

Intervention de Jean Delavergne

 

Le projet d’un partenariat public-privé dans des lycées de la région Centre est un legs de la précédente mandature dans laquelle les Verts ne disposaient que d’une force modeste. Ce projet de PPP/CPE a  d’ores et déjà donné lieu a beaucoup d’investissements en études de la part du Conseil régional. 

 

Monsieur Mahoudeau l’a rappelé, depuis près de deux ans, aux différentes étapes, le groupe Verts a manifesté ses réserves en n’approuvant pas les différents rapports soumis sur cette question en session plénière.   Nous avions expliqué alors pourquoi nous refusions une telle procédure, le plus souvent mise en œuvre par des exécutifs de droite, animés par des convictions libérales : la seule région qui nous précède dans cette voie est d’ailleurs l’Alsace. 

 

J’avais déjà cité un certain Michel Sapin, qui dénonçait en 2004 cette mise en cause du service public par le gouvernement de droite de l’époque. C’était dans Le Monde du 3 juillet 2004 et il faut encore le relire encore aujourd’hui. Notre ancien président y critiquait « un mélange [qui] s’instaure progressivement entre les investissements et le fonctionnement confié au privé ». Il ajoutait : « Souvent, il se produit une technique d’habillage budgétaire dans ce genre de procédure ». L’ancien ministre des finances précisait encore qu'« on comprend mal pourquoi il serait beaucoup plus coûteux pour le public de faire lui-même l’investissement et de prendre des crédits, plutôt que de recourir à des entreprises privées qui font les emprunts elles-mêmes et font payer forcément plus à la collectivité en prenant au passage leur obole »

 

Michel Sapin mettait donc en cause avec raison la dimension financière des PPP.  Au total, disait Michel Sapin en substance, il n’y a donc pas de raison que les PPP coûtent moins cher aux collectivités que de faire l’opération en régie, il y a même toutes les raisons de craindre que le PPP n’entraîne des coûts plus importants à moyen et long terme.

 

C’est ce que confirmera le rapport de la Cour des Comptes en 2008. A partir des expériences de PPP conduites par l’État au plan national, la Cour des Comptes mettait largement en cause, elle  aussi, les« risques financiers » et « le coût prohibitif » des premiers PPP réalisés en France… Évoquant « Le recours à ces montages innovants », la Cour affirmait que malgré « les indéniables facilités qu’ils offrent parfois, [ils] ne doivent pas être considérées sans être mis en perspective avec leurs conséquences à plus long terme, notamment sur le plan financier. » 

La Cour des comptes précisait que la formule des PPP « apparaît … inopportune s’agissant d’un service public non marchand puisqu’en l’absence de recettes elle fait entièrement reposer sur les finances de l’État une charge disproportionnée au regard de l’allègement de la charge budgétaire immédiate qu’elle permet sur le montant du déficit comme sur celui de la dette publique. » La Cour invitait enfin « à une réflexion approfondie sur l’intérêt réel de ces formules innovantes qui n’offrent d’avantages qu’à court terme et s’avèrent finalement onéreuses à moyen et long termes. »   

         

Mais au delà de l’aspect financier, choisir le PPP c’est aussi offrir la maîtrise d’ouvrage d’un énorme chantier à des grands groupes financiarisés qui n’ont aucune attache régionale ne permettant  ainsi aux PME régionales du secteur de n’intervenir au mieux que comme sous-traitantes, corvéables à merci  par le donneur d’ordre. Il a été souhaité que le PPP-CPE de la Région Centre oblige le contractant à faire intervenir des PME, mais celles-ci devront cependant passer sous les fourches caudines de la multinationale qui sera en définitive retenue. Ce n’est à notre avis pas du tout la meilleure manière de promouvoir une filière d’entreprises locales qualifiées dans cette branche d’avenir qu’est l’isolation et l’efficacité énergétique.   

 

Après les aspects financiers et économiques, c’est l’ambition même de ce PPP que nous mettons en débat. On nous dit que par les performances  qu’il  annonce ce CPE serait « Grenello-compatible ». Les performances attendues dans les 18 lycées sont  effectivement conformes à ceux finalement retenus dans la loi Grenelle 2. Mais pour nous ces performances ne sont pas aujourd’hui à la hauteur du lien de dépendance que nous créons vis-à-vis d’une entreprise privée pour les 15 prochaines années.

 

Gilles Deguet l’a déjà expliqué, tous les spécialistes le disent : en matière de rénovation et d’isolation il est souhaitable d’aller en une seule fois vers un niveau de performance élevé, c’est la fameuse norme BBC (80 kw/m2/an) qui apparait l’objectif minimum à atteindre surtout si l’on veut respecter l’objectif d’une réduction de 40% des GES que nous avons défendu devant les électeurs au 2° tour, seul objectif  qui puisse permettre d’envisager sérieusement d’atteindre le facteur 4 en 2050. 

En matière d’efficacité énergétique encore plus que dans d’autres domaines, il est bien dangereux d’engager la collectivité pour une durée aussi longue que 15 ans. On voit bien qu’on est ici dans un domaine très évolutif.    

 

Pour illustrer cela je souhaite m’arrêter un instant sur un exemple qui nous concerne directement. Sous l’impulsion de Jean-Marc Rousseau, qui avait fait un travail remarquable dans le mandat précédent, un Guide des Constructions Durables a été réalisé et adopté par notre assemblée il y a deux ou trois ans. Ce Guide paraissait à l’époque très ambitieux puisqu’il recommandait comme objectif la RT 2005 améliorée de  20 %. On sait aujourd’hui qu’au moment où les bâtiments que nous décidons de construire seront enfin réalisés la norme sera celle de la Basse Consommation, soit 40 % encore inférieure à l’objectif régional seulement préconisé jusqu’à présent. Cet exemple concerne la construction neuve mais gageons que nous connaîtrons la même évolution demain pour ce qui concerne la rénovation. 
Il faudra aussi aborder prochainement la question de la qualité des matériaux employés et celui de la qualité de l’air respiré par les lycéens. Plus l’isolation sera efficace et plus cette question va devenir cruciale. 
Face à toutes ces évolutions qui apparaîtront évidentes et nécessaires dans les prochaines années, il nous parait vraiment peu pertinent de se lier les mains pour 15 ans sur 18 lycées.

Après avoir vu la question sous ses aspects financier, économique et finalement écologique et technique, le dossier tel qu’il est construit risque de poser au surplus une question de sens. Le fait que la question de la sensibilisation de la communauté éducative soit confiée à une grande entreprise financiarisée - dont l’objectif premier est tout de même de maximiser ses profits - risque en effet  de brouiller profondément les enjeux. 
Il est bien évidemment nécessaire dans ce domaine comme dans bien d’autres que les comportements évoluent et nombreux sont ceux qui sont déjà engagés dans cette voie. Ils le seront d’autant plus à l’avenir  que les pouvoirs publics montreront l’exemple en adoptant des politiques volontaristes : il faut que tous puissent être convaincus que les efforts  demandés sont bien orientés par la poursuite de l’intérêt général. Or dans ce PPP, en introduisant une possible confusion entre d’une part l’ambition de contribuer au bien être général et  d’autre part la poursuite par un groupe financier de l’intérêt particulier de ses actionnaires, on risque d’induire un doute sérieux préjudiciable à la mobilisation de tous. Précisons pour finir que l’enrôlement par le groupe financier , au service de ce projet, d’une association d’éducation à l’environnement, parfaitement légitime elle, risque bien de ne pas suffire à dissiper ce brouillage des objectifs entre les intérêts publics et les intérêts privés des actionnaires d’un grand groupe.   

Au total Mmes et Mrs, ce projet de PPP ne nous parait donc pas du tout un bon choix ni financièrement, ni économiquement, ni écologiquement et il ne correspond pas à l’idée que se font les écologistes de la transformation écologique de nos sociétés.   

Pour nous, et contrairement aux libéraux et ultra-libéraux qui siègent dans cette assemblée – faut-il rappeler ici que M. Novelli a été pendant de nombreuses années, avant d’être ministre, un des plus zélés défenseur du lobby pro-PPP, comme il  est aujourd’hui celui des retraites par capitalisation d’ailleurs...Pour nous donc, à l’opposé de ces ultra-libéraux, le cadre du service public nous parait le mieux adapté aux nécessités de l’heure en particulier dans le domaine de la protection de l’environnement.   

Nous sommes pour laisser toute sa place au marché dans une économie correctement  régulée dans laquelle les PME, puissent faire valoir leur dynamique. Mais nous sommes totalement contre l’idée, sous prétexte de « laisser jouer des mécanismes de marché », d’abandonner aux grands groupes financiarisées et mondialisés, en position de monopoles ou d’oligopoles, tous les leviers de commande, tous les moyens de diriger et de contrôler nos vies. Le service public, aux côté de l’économie sociale et solidaire, peut et doit jouer un rôle majeur face aux crises économique, sociale et écologique. Il doit être le garant de la priorité donnée à l’intérêt général plutôt qu’à l’intérêt particulier de la finance.   

Dans le cas qui nous occupe aujourd’hui, il se trouve que ce n’est pas l’UMP qui promeut ce PPP… mais le PS. Nous avons eu de nombreux échanges sur cette question au sein de la majorité et la divergence demeure entière.   

Nous avons tout de même décidé ensemble de circonscrire ce PPP aux 18 lycées qui avaient été pressentis il y a maintenant un an et d’engager parallèlement un vaste programme d’efficacité énergétique dans les 84 autres lycées en régie directe cette fois. Un intense travail a été entamé depuis deux mois par Chantal Rebout, Vice-présidente aux lycées, Gilles Deguet, Vice-président à l'énergie, et Jean-Philippe Grand, conseiller régional délégué, avec il faut le dire un réel soutien du Président et un fort engagement des services. En deux mois d’intense travail, il a été possible de définir des grands axes de ce projet dans le chapitre I du rapport qui vous est soumis et cela a été rappelé dans les interventions de Chantal Rebout et Gilles Deguet.   

 

Au final cependant, les décisions sur lesquelles il nous est proposé de voter resteraient vraiment trop déséquilibrées si elles devaient être votées en l’état puisqu’elles n’évoquent que le CPE-PPP. 
C’est pourquoi nous vous proposons un amendement permettant de rééquilibrer la décision prise et nous demandons qu’en octobre ou au plus tard en décembre prochain un autre rapport beaucoup plus précis soit présenté en session plénière pour valider le programme d’action dans les 84 lycées non touchés par le PPP.

 

Session du 24 Juin 2010
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Rapport : Contrat de Performance énergétique

Annexe : Contrat de Performance énergétique