Les écologistes défendent un scénario alternatif au POCL !
Intervention de Charles Fournier
Monsieur le Président, chers collègues, vous avez à juste titre décidé d'un débat sur l'intérêt pour la région du projet de ligne ferroviaire à grande vitesse appelé POCL pour Paris-Orléans-Clermont-Lyon. Vous nous proposer d'exprimer notre préférence pour un des quatre scénarii proposés, en amont de la saisine de la commission nationale du débat public.
Eh bien les écologistes ne se retrouvent pas dans un débat qui occulte le choix fondamental entre un équipement nouveau et la modernisation des lignes existantes. Nous vous proposons donc un cinquième scénario réaliste, concret et d'intérêt régional comme interrégional.
Au moment où les usagers du train en région expriment avec force leur insatisfaction devant la dégradation du réseau régional et cela au-delà des deux lignes malades que la SNCF a consenti à reconnaître comme telles.
Au moment où nous devons redoubler d'efforts pour répondre aux attentes légitimes de nos concitoyens, qui sont simples : avoir des trains qui assurent une bonne desserte et qui arrivent à l'heure bien plus que de gagner quelques minutes pour aller à Paris ou à Lyon. Rappelons ce que souligne l'avant-projet consolidé du SNIT : en France, tous modes de transports confondus, les trajets de moins de 50 km représentent 98 % du total des déplacements et qu'à ce titre, ils constituent bien naturellement l'attente légitime des usagers et devrait être pour nous l'enjeu n°1.
A ce moment là, nous n'avons pas le droit de nous tromper de priorité.
Le POCL ne répondra pas à ces attentes légitimes des usagers et cinq arguments majeurs peuvent être avancés pour le démontrer :
1 – Sur sa faisabilité financière ? Dans le contexte que nous connaissons, cela paraît totalement irréaliste, évidemment encore plus si les régions ne mettent pas la main à la poche. 12 à 14 milliards d'euros et de plus les projets de LGV considérés comme plus prioritaires que le POCL sont nombreux, autant dire que la réalisation de ce projet est à ranger aux calendes grecques ! Disons aussi que le rapport entre le coût d'optimisation d'une ligne existante que défend notre proposition coûterait jusqu'à 20 fois moins que le coût de cette LGV !
2 – Sur son intérêt pour le maillage territorial ? Voulons-nous payer pour regarder les trains passer ? POCL est en réalité le doublement de la LGV Paris-Lyon et c'est sa réelle raison d'être, ce qui ne constitue pas un objectif structurant pour la région. Un TGV pour mériter son nom ne pourra s'arrêter qu'occasionnellement dans les gares de notre région. Quelques arrêts à Orléans puis quelque part dans le Cher ne sauraient constituer une opportunité structurante pour la région, c'est le renforcement de l'axe économique Paris-Lyon qui sera le seul gagnant.
3 – Sur son intérêt pour le développement économique régional ? C’est un mythe ! La LGV rapproche les grands centres de décisions mais n'apporte que très marginalement des opportunités économiques. Ce qu'elle amène aux villes intermédiaires, c'est éventuellement de l'économie résidentielle mais avec son lot d'impacts sur les prix de l'immobilier, sur la demande en services, coûteuses pour les collectivités traversées. L'exemple de Vendôme devrait nous servir pour ne pas reproduire les mêmes erreurs.
4 – Sur son impact environnemental ? Quel que soit le tracé, l'impact environnemental serait déplorable et il le serait encore plus sur le tracé que vous soutenez. Une nouvelle ligne, c'est des milliers d'hectares de terres artificialisées. Le passage au plus près d'Orléans suppose de construire un nouveau pont sur la Loire (en plus des cinq prévus entre Meung et Sully) et une véritable saignée en Sologne. Plutôt contradictoire avec l'idée, sans doute mise de côté, de la création d'un PNR en Sologne ! Et nous voulons en plus attirer l'attention sur le risque qui ne nous semble pas négligeable de voir l'UNESCO déclasser le Val de Loire du patrimoine mondial. Difficile en effet de rattacher cette nouvelle ligne à l'architecture de la Renaissance !
5 – Sur son intérêt pour les usagers enfin et sans doute avant tout ? La tarification des billets LGV repose sur un principe simple : plus la demande est forte plus le tarif est élevé. Où est l'intérêt de l'usager ? Le prix devient imprévisible. De plus, l'arrivée d'une desserte LGV diminuera automatiquement l'offre TER et Intercités sur la même ligne avec des conséquences prévisibles pour les titulaires d'abonnement TER (sans accès au TGV) : diminution du nombre de trains accessibles avec leur abonnement sur Orléans-Paris ou Orléans-Bourges. Là encore l'exemple vendômois est explicite : le service TER a largement diminué avec la desserte LGV, dont le tronçon Vendôme-Tours propose un des tarifs les plus élevés de France ! Le gain de temps serait plus que modeste. Pour Paris-Orléans le meilleur parcours est annoncé à 35mn. Il nous semble que l'on peut arriver à peu près au même résultat avec l'actuel Aqualys en réalisant quelques travaux, notamment la mise en place d'une quatrième voie entre Toury et Cercottes. Pour Paris-Bourges, il est espéré un temps de trajet d'une heure. Le scénario Ouest-Sud permet effectivement d'atteindre cette durée mais alors sans doute sans desservir Orléans ! Car tous les TGV ne s'arrêteront pas et à Orléans et à Bourges s'ils veulent atteindre leurs objectifs de temps de trajet. En effet, la grande vitesse dépend aussi beaucoup du nombre d'arrêts qui doit être limité. Et à ce jour, on peut s'interroger sur la pertinence d'un débat public qui ne reposerait pas sur une connaissance des perspectives réelles de desserte.
L'illusion ne peut être entretenue face à ces cinq arguments majeurs. Au final, si le débat n'intègre pas une alternative au POCL, dont l'intérêt n'est réellement pensé qu'à partir de leur point de départ et leur point d'arrivée, nous risquons d'offrir aux usagers un réseau dualisé : d'un côté les LGV, rapide, moderne, cher et reliant peu de gares pour la France d'en haut et un réseau classique plus abordable mais de plus en plus dégradé pour l'autre France ! Rappelons au passage que ce raisonnement vaut pour d'autres projets LGV. Le bilan LGV-TGV est un endettement de 29 milliards pour RFF et 9,5 Milliards pour la SNCF malgré les 12 Milliards de perfusion annuelle de l'Etat !
Alors c'est pour cela que nous demandons, Monsieur le président à ce que soit introduit dans le débat public, un cinquième scénario alternatif au POCL qui s'appuie sur un plan de fiabilisation et d'optimisation du réseau existant, notamment sur la croix Nord-Sud Est-Ouest, à savoir les axes Paris-Orléans-Limoges-Toulouse (POLT) et l'axe Est-Ouest Lyon-Bourges-Tours-Nantes, nettement plus structurant pour le maillage régional et même pour les liaisons inter régionales. Nous souhaitons, Monsieur le Président, que la politique constante de la région, ne passe pas à la trappe du débat public.
Nous souhaitons que ses investissements pour électrifier Bourges-Saincaize ne soient pas rendus incohérents par l'arrivée d'une nouvelle ligne qui doublerait le même parcours.
Le POLT après le renoncement de son optimisation, décision prise en son temps par le gouvernement Raffarin, est aujourd'hui menacé par la LGV Poitiers-Limoges, dont l'impact environnemental est aussi contesté par les écologistes et qui éviterait l'orléanais et le berry, l'intérêt régional étant ici aussi plus que limité.
Pourtant, il est possible d'améliorer rapidement cet axe avec des travaux d'infrastructures (quatrième voie Toury-Cercottes, suppression de passage à niveaux, création d'installations permanentes de contresens). Limoges pourrait être à 2h30 de Paris pour un coût en rien comparable avec ceux d'une ligne LGV, 200 millions d'euros. Le POLT a le double avantage d'améliorer la desserte interrégional mais aussi de servir le réseau régional. A Orléans-Les Aubrais, il se raccorde à la ligne Orléans-Blois-Tours. Avec les réouvertures aux voyageurs de Chartres-Orléans et d'Orléans-Chateauneuf, le POLT s'intègrerait à Orléans dans une véritable étoile ferroviaire et permettrait aux habitants d'Eure et Loir de rejoindre le sud de la région sans passer par Paris. Le POLT croise ce qui reste de la ligne Le Blanc-Argent à Salbris. Vierzon se situe à l'intersection du POLT et de la ligne Lyon-Bourges-Tours-Nantes. Enfin le POLT relie aussi Issoudun, Châteauroux et Argenton sur Creuse à Orléans. Il pourrait être raccordé à Tours, par la réouverture aux voyageurs du tronçon Chateauroux-Loches.
L'axe Est-Ouest, Lyon-Bourges-Tours-Nantes est lui aussi structurant pour le réseau TER Centre. Il l'est aussi à l'échelle de l'Europe, si on veut bien considérer que toutes les liaisons entre l'Atlantique et la mer noire ne passent pas obligatoirement par Paris. L'électrification des lignes existantes est bien avancée. Une fois Bourges-Saincaize achevé, il ne restera que 160 kilomètres entre Nevers et Chagny à réaliser. On pourra très prochainement relier Nantes à Lyon dans un temps aussi rapide qu'en passant par Paris.
Cet axe croise les lignes Tours-Blois-Orléans, Tours-Le Mans, Tours-Chinon, Tours-Loches et la LGV Tours-Bordeaux. A Gièvres, il croise aussi le BA. A Vierzon, il croise l'axe Paris-Toulouse (et ainsi Orléans-Chateauroux croise l'axe Tours-Bourges).
A Bourges il se connecte à la ligne Bourges-St Amand Montrond -Montluçon et à Nevers, il rencontre la ligne Paris-Montargis-Nevers.
Enfin, la perspective d'une connexion du POLT à l'interconnexion au Sud de Paris au réseau TGV est étroitement liée à ce débat sur l’opportunité du POCL. La modernisation enfin décidée de la ligne Massy-Valenton puis la création d'un barreau TGV pourraient signifier une meilleure connexion de notre réseau régional, et notamment d'Orléans, au réseau TGV national sans qu'il ne soit nécessaire de créer une nouvelle LGV. Il est donc urgent de peser dans le débat public en cours sur cette interconnexion au Sud de Paris pour qu'elle prévoie l'accès du POLT.
Ce cinquième scénario, complètement alternatif aux 4 scénarii présentés car il ne s’inscrit pas dans le mythe de la très grande vitesse, répond :
- Aux vrais besoins : des trains qui arrivent à l'heure qui desservent correctement le territoire
- Aux impératifs énergétiques et climatiques
- Aux enjeux de préservation de nos espaces naturels
- À une vision équilibrée de l’aménagement du territoire
- Aux réalités budgétaires et est pour nous de ce point de vue le seul qui soit réaliste.
Les citoyens doivent pouvoir disposer de tous les éléments dans le cadre du débat public qui s'engage et notamment de l'hypothèse d'intérêt régional et inter régional, réaliste et soucieuse d’une bonne utilisation des deniers publics que les écologistes vous proposent !
Pour finir Monsieur le Président et pour éclairer notre proposition, je vous demande que puisse être distribué ici et maintenant, une note détaillée explicitant nos arguments et notre proposition. Merci !
Session du 17 Février 2011 | |